Washington tient son nouvel oracle!

François Savary

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Jerome Powell a acquis la capacité d’influencer le comportement des investisseurs au cours des derniers trimestres, indépendamment de chiffres économiques.

L’élection présidentielle américaine arrive à grands pas et les marchés semblent se désintéresser comme d’une guigne de savoir qui sera le futur locataire de la Maison Blanche. La perspective d’un remake du combat de 2020 n’a pas l’air de passionner les investisseurs; entre les bourdes de l’un et les propos toujours «iconoclastes» de l’autre, les opérateurs naviguent sans se soucier le moins du monde de l’entre soi du combat qui se profile à l’horizon. Décidément pas de quoi trouver un «oracle» de ce côté-là de Washington! C’est bien de celui de la Réserve fédérale qu’il faut le chercher et le trouver si l’on en juge par le comportement des investisseurs.

Qui l’aurait cru il y a seulement dix-huit mois lorsque l’inflation américaine flirtait avec les dix pourcents. Que n’a-t-on entendu sur la perte définitive de toute crédibilité de l’autorité monétaire face au plus grand choc inflationniste depuis les années quatre-vingt! Certains ayant bien vite oublié que les largesses fiscales de l’administration Biden en partie influencée par la «fumeuse» nouvelle théorie monétaire avaient une responsabilité évidente dans la situation.

J. Powell était alors honni de presque tous. Surgi de nulle part (façon de parler évidemment) le chef de la Fed, d’abord largement snobé par les grands économistes, avait le triste privilège d’être la source de toutes les critique, même les plus infondées.

Miracle de l’histoire ou résultat d’un travail acharné de conviction, en suivant une politique qui consiste à maintenir le cours de son plan d’action en se «moquant» des critiques? En adepte du vieil adage qui veut que «les chiens aboient la caravane passe», J. Powell a acquis le statut d’oracle de Washington!

Pour s’en convaincre, il suffit de voir sa capacité à influencer le comportement des investisseurs au cours des derniers trimestres, indépendamment de chiffres économiques. A l’image de la récente décision de l’autorité monétaire de ne pas altérer sa politique, il aura suffi à J. Powell de dire que les chiffres récents de l’inflation américaine - que les investisseurs avaient sanctionné en leur temps à l’image des tensions sur les rendements obligataires - ne changeaient pas la donne pour que le marché se convainque instantanément de la validité de ses propos!

Quand je vous dis que le travail de Monsieur Powell ressemble à s’y méprendre à celui d’un oracle! C’est d’autant plus vrai que la théorie du «soft landing», qu’il a largement défendue au cours des derniers trimestres et qui apparaissait à beaucoup comme une «énorme imposture» il y a un an seulement, est sur la bonne voie pour devenir une réalité économique tangible!

Acquérir le statut d’oracle n’est pas unique dans l’histoire de la politique monétaire américaine des cinquante dernières années. On en veut pour preuve A. Greenspan, dont les propos ont longtemps eu valeur de paroles de pythie. Cependant, à l’inverse de son illustre prédécesseur, passé du statut de génie à celui de responsable de tous les maux avec l’explosion de la bulle immobilière et la crise financière de 2008, J. Powell a connu la dureté des critiques avant de jouir d’une aura «incontestable».

Le parallèle avec A. Greenspan n’est pas fortuit. D’abord parce qu’il doit inciter le président actuel de l’autorité monétaire à relativiser la pérennité de cette «confiance indéfectible» que le marché lui accorde actuellement. L’investisseur est changeant, c’est bien connu! Ensuite, il ne faut jamais oublier que la conduite de la politique monétaire ne constitue pas une science exacte mais un art compliqué. A cet égard, il ne faudrait pas que le sentiment de confiance que la désinflation n’est pas remise en cause, affirmé par Monsieur Powell mercredi, ne se confirme pas dans les faits.

Rien ne dit que J. Powell est désormais en bonne position pour rester comme l’un des banquiers centraux les plus «efficaces» de l’histoire économique américaine récente. Qui vivra verra!

On ne pourra cependant pas lui reprocher d’avoir fait preuve d’une grande persévérance dans la conduite de la politique américaine face aux crises des dernières années et surtout face à la résurgence de l’inflation outre-Atlantique.  

Alors que D. Trump ne manque pas de l’attaquer et d’annoncer son éviction en cas de victoire du magnat de l’immobilier en novembre – ce qui est au demeurant peu crédible en termes institutionnels – J. Powell laisse les chiens aboyer… Il a bien raison car son travail est loin d’être achevé.

Au moment où le panorama politique au pays de l’Oncle Sam est loin de nourrir les certitudes, il est bon que nous disposions d’une personne capable de convaincre de la pertinence du cap suivi. En revanche, le poids de la mission est d’autant plus pesant que les investisseurs peuvent être prompts à retirer peur confiance si les chiffres économiques venaient à infirmer la réalité d’un soft landing… Rien n’est jamais acquis, c’est bien connu. 

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