Le temps d’une (saine) consolidation des bourses n’est-il pas venu?

François Savary

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Les anticipations des opérateurs sur la politique monétaire se sont sensiblement rapprochées des messages véhiculés par les banquiers centraux.

A l’exception notable des indices chinois, qui ont souffert des doutes persistants sur les perspectives structurelles de l’économie de l’Empire du Milieu, les actions mondiales ont poursuivi, depuis le 1er janvier, sur leur lancée du dernier trimestre 2023. De manière remarquable, ce momentum haussier s’est inscrit dans un contexte de pression sur les marchés obligataires, à l’image de la tension sur les rendements des titres souverains américains à 10 ans, passés de 3,80% en décembre 2023 à 4,30% tout récemment. 

Le cadre de la progression récente des actions est donc différent de celui qui avait prévalu au cours du trimestre précédent, durant lequel tant les actifs à revenu fixe que ceux à revenu variable avaient connu une progression marquée.

La différence entre ces deux situations s’explique peut-être par un changement de perception «optimiste» de la part des investisseurs; tout se passe comme si le scénario d’atterrissage en douceur, qui dominait les attentes il y a quelques mois encore, avait cédé la place à celui du «no landing», principalement en raison des statistiques économiques US qui pointent toujours vers une activité soutenue. 

Le rally des bourses depuis le début de l’année n’est donc pas soutenu par l’environnement général de taux d’intérêt!

Dans le même temps, il est à relever que les anticipations des opérateurs sur la politique monétaire se sont sensiblement rapprochées des messages véhiculés par les banquiers centraux. Le mois dernier, nous mentionnions l’importance de voir ces derniers réitérer un message de prudence sur l’avenir des taux directeurs et de ne pas céder aux pressions d’un assouplissement rapide voulu par le marché. Nos vœux ont été exaucés et nous considérons que la crédibilité des grands argentiers s’en trouve renforcée, d’autant plus que les chiffres d’inflation américains, publiés au cours des dernières semaines, ont largement validé l’idée que le combat contre la «hausse des prix» ne devait pas être trop vite abandonné. 

Le rally des bourses depuis le début de l’année n’est donc pas soutenu par l’environnement général de taux d’intérêt! Au demeurant, ce dernier n’a pas empêché les valeurs à duration longue de continuer à «tirer» les indices à l’image des 7 (voire moins au regard des déboires de Tesla et certaines difficultés de Apple) Magnifiques ou des valeurs du luxe européen. La puissance de la thématique AI est toujours là pour soutenir la progression (déséquilibrée?) des indices. 

Le scénario de «no landing», que le contexte de taux d’intérêt récent semble sanctionner, a également trouvé un soutien du côté de la saison des bénéfices pour le dernier trimestre 2023. Les résultats se sont révélés meilleurs qu’attendu, avant tout aux USA. Évidemment, les chiffres publiés ne sont pas uniformes et les grandes valeurs de la technologie liées à la thématique AI ont tiré leur épingle du jeu. La confirmation que la (légère) récession bénéficiaire de 2023 est derrière nous a certainement nourri l’optimisme des investisseurs sur le cycle économique et financier; d’autant plus que le FMI n’a pas hésité à relever ses projections pour la croissance mondiale 2024 de 2,9% à 3,1%. 

Il n’en demeure pas moins que la progression des multiples de marché, la réduction de la prime de risque des actions et le retour à la réalité des investisseurs sur les perspectives de détente monétaire dans les pays développés sont autant de facteurs qui doivent nous interroger sur la pérennité de la hausse récente des bourses.

Non pas qu’il faille craindre que 2024 se révèle en fin de compte une année de mauvaise qualité pour ces dernières mais parce il est légitime de penser que les moteurs d’une progression complémentaire des bourses sont grandement épuisés à court terme. D’autant plus que le sentiment des opérateurs semble relativement euphorique et les conditions techniques justifient une certaine prudence pour les prochains mois. 

Les dernières semaines ont laissé apparaître quelques fissures, avec un retour (encore limité) de la volatilité sur les actions.

Le contexte géopolitique est loin de s’être amélioré. L’irruption de craintes sur l’ampleur du risque sur l’immobilier commercial nord-américain ne peut pas être sous-estimé. L’issue de l’élection présidentielle américaine et certains propos de D. Trump sur une éventuelle hausse de tarifs ou encore l’engagement des USA dans l’OTAN peuvent interroger sur le contexte économique et international qui pourrait prévaloir d’ici quelques trimestres. Autant de facteurs qui devraient inciter les investisseurs à résister à la tentation de sauter dans le «train en marche» de la hausse continue des bourses à court terme. 

Alors oui il nous semble qu’une consolidation des gains boursiers des derniers mois serait une bonne nouvelle. De quoi donner aux investisseurs le temps de reprendre leur souffle et de réfléchir aux conditions qui devraient prévaloir à moyen terme.

Il n’est pas question de défendre, ici, l’idée que le temps est venu de liquider ses positions et qu’un marché baissier pointe à l’horizon. Toutefois, le contexte de taux d’intérêt et des évaluations assez onéreuses sont des facteurs qui peuvent inciter à la prudence alors que le marché va devoir reprendre son souffle à l’issue de la saison des bénéfices qui s’achèvera bientôt. 

En outre, le retour à une certaine harmonie entre les attentes des opérateurs de marché et les banquiers centraux sur les évolutions monétaires demeure fragile. Il ne faudrait pas que de nouvelles surprises sur l’inflation et/ou la croissance viennent la remettre en cause. Et même si tel ne devait pas être le cas, avez-vous entendu ces prédictions venant de grandes institutions bancaires américaines sur la possibilité que le cycle monétaire d’assouplissement ne soit que de courte durée? Il vaut la peine d’y réfléchir dans la cadre de nos décisions d’investir aujourd’hui sur les marchés actions.

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