C’est une semaine passée en deux volets que vit Wall Street. Les trois premières séances sont consacrées à des prises de profits, dans l’attente de la mère de toutes les publications. Mercredi soir Nvidia publie des résultats que l’on qualifiera de fulgurants ainsi que des perspectives qui relancent la roue de la croissance de l’intelligence artificielle pour probablement quelques tours. Jeudi 22 février, la capitalisation boursière de Nvidia augmente de 277 milliards de dollars (soit un poil moins que la valeur boursière de Nestlé, un ange passe…). On imagine aisément le sentiment de frustration qui anime bon nombre de gérants de fonds jeudi, qui auraient adoré acheter des actions Nvidia sur faiblesse. Même dans ce contexte de hausse quasiment ininterrompue le FOMO (Fear Of Missing Out) semble fonctionner à plein régime. À ce propos, je note que les achats d’options calls, principalement liés aux grosses capitalisations technologiques, ont récemment grimpé en flèche. On assiste actuellement à une sorte de frénésie, une fièvre acheteuse dans tout ce qui touche de près ou de loin à l’intelligence artificielle, dont Nvidia reste en l’état l’indéboulonnable porte-drapeau. L’IA devient lentement mais surement un «crowded trade», en parallèle les options puts ont rarement été aussi bon marché, surtout celles exposées aux indices ou aux secteurs. Surfer la vague IA reste d’actualité donc, mais porter un gilet est chaque jour un peu plus recommandé.

Tiens, ça me fait penser à Warren Buffet et sa célèbre sortie «be fearful when others are greedy». N’hésitez pas à utiliser votre IA préférée si vous avez besoin d’une traduction rapide.

Notons au passage que de nombreux stratèges relèvent leurs objectifs de fin d’année pour le S&P500 (SPX) ainsi que le Nasdaq100 (NDX), alors que la Fed persiste à ne pas vouloir réduire ses taux (les Fed Funds espèrent timidement que la première baisse de 25 points de base ait lieu le 12 juin – 62% de probabilités). On garde aussi en tête que 2024 est une année d’élection présidentielle aux Etats-Unis. Si l’on zoome sur la séance de jeudi, on réalise que 27% des composants du SPX ont reculé, on observe également que les fonds affluent dans les petites et moyennes capitalisations, un signe plutôt encourageant que des investisseurs recherchent de la valeur pour équilibrer des portefeuilles de plus en plus orientés croissance.

Au-delà de Nvidia et de l’IA, on notera que les semi-conducteurs souffrent en fin de semaine passée. Les banques, en particulier les banques périphériques de l'UE, ont été les plus performantes de la semaine à la suite des minutes de la Fed, tandis que le luxe et les marques ont également enregistré de fortes performances (menées par Adidas, +6,65% sur la semaine), après que de nombreux courtiers aient publié des articles positifs sur le secteur. 

Sur le front de l'économie réelle, les données relatives à la consommation restent mitigées: Home Depot met en évidence la faiblesse des tendances en matière de produits immobiliers, tandis que Walmart observe de bonnes tendances en matière de consommation. Les enquêtes publiées indiquent que le comportement des consommateurs américains n'est pas en perte de vitesse comme le prévoyaient les économistes et les spreads des ABS (asset backed security) se resserrent, les investisseurs commençant à parier sur la confiance des consommateurs.  Ces instruments sont souvent garantis par des créances de cartes de crédit ou des prêts à la consommation... l'appétit des investisseurs indique donc des perspectives positives.

En Europe, on reste en mode «morne plaine» avec une fois encore une macroéconomie guère enthousiasmante:  Les PMI de l'UE sont mitigés, la faiblesse venant du PMI manufacturier allemand, reflétée par un PIB allemand de -0,3% pesant sur l'investissement en capital. Christine Lagarde parle des données sur les salaires du 4ème trimestre (ralentissement à +4,5%), tout en continuant à avertir que la tendance de l'inflation n'est pas encore considérée comme acquise. Une plus grande déflation salariale sera nécessaire - les données du premier trimestre seront essentielles car plusieurs secteurs ont des négociations salariales générales qui se terminent d'ici la fin du mois de mars. Les attentes des investisseurs ont été ajustées: le marché estime maintenant que les réductions de la BCE seront inférieures à 100 points de base cette année. 

Semaine passée écourtée pour les bons du Trésor américain en raison du Presidents' Day lundi. Le rendement du 10 ans US recule à 4,22% ce matin contre 4,28% une semaine plus tôt. Les taux bougent à peine après les minutes du FOMC de mercredi soir, où les décideurs politiques jugent que le taux directeur est probablement à son maximum pour ce cycle de resserrement. Mais ils ajoutent: «La plupart des participants ont noté les risques d'aller trop vite pour assouplir l'orientation de la politique». «Ils restent préoccupés par le fait que l'inflation élevée continue de nuire aux ménages, en particulier à ceux qui n'ont pas les moyens d'absorber la hausse des prix», ajoute le compte-rendu. 

Le SPX évolue à un niveau record, il est entré en territoire suracheté mais pas à des niveaux extrêmes. La volatilité reste faible, le VIX perd 3,5% sur la semaine, il évolue à 13,75 soit tout près de sa 50 jours (13,49). Au Japon, l’indice Nikkei225 casse son top de 1989 vendredi et le confirme ce matin. En Europe, l’indice Stoxx Europe 600 (SXXP) atteint un nouveau record sans faire de vagues. 

Enfin comment ne pas aborder le sujet qui fâche tout taureau qui se respecte? Le sentiment…well, personne ne sera surpris de lire que le sentiment du marché est entré en territoire de cupidité extrême, je vous renvoie à la citation Buffett ci-dessus. 

Benjamin Netanyahu déclare à la chaîne CBS qu'il disposerait d'un «plan d'action» pour déplacer la population civile hors de Rafah avant une offensive. Les Etats-Unis indiquent que les négociations multinationales à Paris ont débouché sur un «accord» sur un éventuel cessez-le-feu à Gaza, selon l'AFP. Les forces américaines et leurs alliés ont frappé de nombreuses cibles dans les zones du Yémen contrôlées par les Houthis samedi.

Au menu macro-économique du jour, les données sur l'immobilier neuf aux Etats-Unis en janvier (14h30). 

Walt Disney et Reliance ont signé un pacte contraignant pour fusionner leurs activités dans les médias en Inde, rapporte Bloomberg. Alcoa propose un rapprochement à Alumina via une opération en titres. Warren Buffett affirme que Berkshire Hathaway est «fait pour durer», même si les gains spectaculaires sont terminés. Broadcom serait proche d'un accord pour vendre son unité d'informatique pour utilisateurs finaux (EUC) à KKR pour 3,8 Mds$, selon différentes sources.  Ant Financial coiffe Citadel pour la reprise de la banque chinoise du Crédit Suisse (UBS). Tokyo promet 4,9 milliards de dollars supplémentaires pour aider Taiwan Semiconductor à développer sa production au Japon. BYD dévoile une voiture d'exception électrique à 233’450 USD, pour rivaliser avec Ferrari et Lamborghini.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en baisse, hormis Tokyo qui grappille 0,35% après son record de vendredi. Hong Kong perd 0,61%, Shanghai recule de 0,93%, Séoul abandonne 0,77% et le Nifty50 rend 0,32%. Le future SPX recule de 8 points et l’Europe ouvre en repli de 0,2%. Le dollar est stable, la paire EUR/USD traite à 1,0831, l’or évolue à 2036 dollars par once, le pétrole à 76,02 dollars le baril de WTI Light Crude.