Une ère constructive pour l’Europe

Yves Hulmann

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Il y a de bonnes raisons de penser que les flux d’investissement vers les actions européennes se poursuivront, estime Jon Levy de Loomis Sayles.

La concentration de l’attention au sujet des tarifs douaniers depuis avril aurait presque fait oublier que l’Allemagne a dévoilé en mars son plus grand programme d’investissement depuis le début de ce siècle. De son côté, la Chine exporte des produits de qualité toujours plus élevée à travers le monde. Au-delà des incertitudes liées à la guerre commerciale, que faut-il attendre concernant l’évolution des flux d’investissement et des équilibres commerciaux cette année? Le point avec Jon Levy, stratège mondial pour les marchés européens chez Loomis Sayles, filiale de Natixis Investment Managers.

Tout au long du premier trimestre, d’importants flux d’argent ont quitté les actions américaines pour se diriger vers les valeurs européennes: cette tendance devrait-elle se poursuivre ces prochains mois ou au contraire s’inverser à nouveau?

Il y a des arguments qui parlent en faveur de la poursuite des flux de capitaux vers les actions européennes. Ces flux d’argent ne devraient du reste pas forcément provenir des Etats-Unis mais aussi des investisseurs européens eux-mêmes. Les mesures de politique budgétaires annoncées en Europe contribueront à augmenter les attentes en matière de croissance dans la zone euro, ce qui devrait se traduire aussi par des profits et des rendements des capitaux plus élevés. Donc, il y a de bonnes raisons de penser que les flux d’investissements vers les actions européennes se poursuivront. On l’observe dans différents secteurs: il y a bien sûr eu beaucoup d’argent qui a afflué dans les actions d’entreprises liées au secteur de la défense. Les programmes d’investissements mis en place par le secteur public devraient profiter à des domaines comme les infrastructures, mais aussi soutenir les créations d’emplois et entraîner une hausse des salaires. Les dépenses des gouvernements, notamment en Allemagne, devraient ainsi avoir un large impact sur l’économie. Cela devrait engendrer de meilleurs rendements pour les placements en Europe.

«La Chine et les entreprises chinoises veulent exporter des produits de plus haute qualité à l’avenir et c’est une évolution importante dont il faut tenir compte.»

Pour autant, cela ne signifie pas qu’il faut voir les choses tout en noir ou tout en blanc. Il n’y aura pas forcément un déplacement dans un seul sens de capitaux des Etats-Unis vers l’Europe. Il s’agit d’ajustements complexes – avec un calendrier et un impact par secteur souvent inégaux. De plus, il ne faut pas oublier qu’il y a toujours beaucoup de capitaux européens qui ont été investis aux Etats-Unis ces dernières années.

Indépendamment même des décisions annoncées concernant les tarifs douaniers, vous évoquiez le risque de déflation en Chine. Qu’est-ce qui vous rend sceptique au sujet de l’économie chinoise?

Je ne suis pas sceptique envers la Chine et l’économie chinoise par principe. L’évolution de l’économie en Chine est toutefois beaucoup déterminée par les décisions du gouvernement, d’une façon plus directive qu’aux Etats-Unis et en Europe. La Chine est toujours un état administratif. Il n’est pas toujours facile de savoir dans quel sens vont les choses.

«Si l’on oublie les questions liées aux tarifs douaniers et Donald Trump pour un moment, on peut supposer qu’il devrait être possible d’obtenir une plus grande valeur des échanges entre la Chine et le reste du monde.»

Maintenant, si l’on oublie les questions liées aux tarifs douaniers et Donald Trump pour un moment, on peut supposer qu’il devrait être possible d’obtenir une plus grande valeur des échanges entre la Chine et le reste du monde. La Chine et les entreprises chinoises veulent exporter des produits de plus haute qualité à l’avenir et c’est une évolution importante dont il faut tenir compte. Si l’on prend l’exemple du secteur automobile, des véhicules électriques de certaines marques chinoises sont appréciées par les consommateurs occidentaux, leurs batteries se rechargent rapidement. Ce sera une question de donnant donnant en ce qui concerne les échanges avec la Chine.

Pour l’instant, il y a toujours une incertitude extrême concernant l’évolution des tarifs douaniers entre la Chine et les Etats-Unis. Quelle issue peut-on envisager?

Il est très difficile de le prévoir. A un moment donné, il y aura une sorte d’équilibre qui sera trouvé. Pour utiliser une image, c’est un peu comme sur les marchés des devises, il y a parfois de très écart entre le cours offert et demandé et à la fin il y a un prix qui finit par se fixer.

La focalisation récente sur la guerre tarifaire a presque fait oublier que l’Europe, et l’Allemagne en particulier, a annoncé en mars le lancement de son plus grand programme d’investissement de ce siècle. N’y a-t-il pas quelque chose de paradoxal de voir que les marchés ont célébré cette annonce en mars alors que, dix ans auparavant, ils sanctionnaient les Etats jugés trop dépensiers de l’Europe du Sud comme la Grèce?

La différence est que l’Allemagne dispose aujourd’hui d’une plus grande marge de manœuvre sur le plan budgétaire pour investir. Il aurait certainement été préférable pour l’Allemagne d’investir dans le renouvellement et la modernisation de ses infrastructures sur une base plus régulière au cours des vingt dernières années que de devoir le faire dans un grand mouvement de rattrapage plus tard. Néanmoins, c’est une bonne chose à faire maintenant. Et l’Allemagne dispose d’une énorme capacité pour investir.

D’autres pays en Europe devraient-ils faire de même?

Il serait certainement souhaitable que des pays européens comme la France, l’Espagne ou l’Italie agissent de manière plus coordonnée lorsqu’il s’agit de plans d’investissement. Maintenant, si c’est possible de procéder à d’importants investissements ancrés autour de l’Allemagne, c’est bien de le faire.

En résumé, 2025 est-elle l’année où l’Europe est de retour?

Il est peut-être encore un peu tôt pour le dire. Néanmoins, je pense que les pays de la zone euro profiteront d’une réponse coordonnée et structurée en matière de politique budgétaire. Cela peut se faire au niveau de l’UE, de pays individuels comme l’Allemagne, ou simultanément. Cela ouvrira une ère constructive pour l’Europe.

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