Bien loin des turbulences sur les marchés boursiers, les perspectives pour le marché de l’immobilier restent au beau fixe en Suisse, si l’on en croit les différentes banques et instituts qui ont publié des études à ce sujet récemment. Début avril, Raiffeisen estimait que les prix des maisons individuelles ont augmenté de 2,2% au premier trimestre 2025, alors que les logements en propriété par étage (PPE) ont coûté 0,7% de plus qu’au trimestre précédent. Dans son indice des prix de l’immobilier privé périodique, l’institut CiFi constatait lundi que la disposition à payer pour les maisons individuelles est à nouveau en hausse (+0,5%), après un recul minime au trimestre précédent. Pour les appartements en propriété (PPE), l’augmentation est pratiquement identique (+0,6%). Que faut-il attendre pour la suite? Dans une étude publiée début avril, UBS s’attendait à une progression des prix de 4% pour les maisons individuelles en 2025, alors qu’une hausse un peu plus modeste de 3% est anticipée pour les prix des appartements en propriété.
La Banque cantonale de Zurich (ZKB) se montre tout aussi optimiste. Dans une étude publiée récemment, la banque indiquait s’attendre à une augmentation des prix pour les maisons et appartements en propriété de 4% en moyenne suisse, aussi bien pour 2025 qu’en 2026, soit une sensible accélération par rapport aux deux années précédentes (+2,3% en 2023; +3,8% en 2022). Une progression encore plus marquée est escomptée dans le canton de Zurich, où les prix devraient augmenter de 4,5%, à la fois en 2025 et en 2026. Sur quelles hypothèses reposent ces prévisions, quelles sont les attentes en matière de construction de logements et quels seront les principaux défis concernant l’aménagement du territoire, notamment en tenant compte des risques liés aux dangers naturels? Le point sur ces questions avec Dr. Jörn Schellenberg, directeur des analyses SIG (Système d’information géographique) et expert du secteur de l’immobilier auprès de la Banque cantonale de Zurich (Zürcher Kantonalbank), qui a co-présenté l’étude parue dans l’édition d’avril de Immobilien Aktuell1. .
Dans sa dernière étude consacrée aux perspectives pour le secteur de l’immobilier en Suisse, la ZKB déclare s’attendre à ce que la rareté sur le marché du logement continue à s’accentuer cette année. Qu’est ce qui pourrait contribuer à inverse la tendance – un ralentissement de l’immigration ou une augmentation de l’activité de construction?
En comparaison de l’augmentation de la population attendue pour cette année et l’an prochain, il serait nécessaire de construire beaucoup plus de logements avant qu’une détente de la situation puisse être observée sur le marché de l’immobilier en Suisse. L’immigration nette en Suisse est certes en léger recul – elle est passée de 98’900 personnes en 2023, à 83’400 personnes en 2024 et elle devrait atteindre 80’000 personnes en 2025 et 75’000 individus en 2026. En même temps, le nombre de nouveaux logements construits dans de nouveaux bâtiments a reculé de 47’700 unités en Suisse en 2023 à 42’000 unités en 2024 et il ne devrait ré-augmenter que légèrement à 43’000 unités cette année, puis à 46’000 unités en 2026.
«Le nombre de logements disponibles devrait tomber à 39'000 unités cette année, puis à 38'000 unités en 2026, comparé à plus de 44'000 en 2023.»
Pour un nombre de 80’000 personnes, 40’000 logements, au minimum, sont nécessaires. C’est d’autant plus vrai du fait que la tendance à l’individualisation des ménages se poursuit. Pour un même nombre de personnes, il faut actuellement davantage de logements qu’il y a dix ou vingt ans. C’est un facteur qui contribue à encore intensifier la rareté des logements disponibles qui devraient tomber à 39’000 unités cette année, puis à 38’000 unités en 2026, comparé à plus de 44’000 en 2023. Pour toutes ces raisons, nous ne nous attendons pas à une détente de la situation sur le marché de l’immobilier en Suisse, ni cette année, ni l’an prochain.
Et ce qui explique la hausse de prix de 4% des prix des logements en propriété en moyenne suisse en 2025 et 2026. Un ralentissement de la conjoncture, tel qu’il est redouté aujourd’hui en raison des tensions commerciales, ne pourrait-il pas freiner la hausse des prix? Intégrez-vous un tel scénario dans vos prévisions pour cette année et l’an prochain?
Il est extrêmement difficile de formuler des prévisions au sujet de l’évolution de la conjoncture en rapport avec les tensions commerciales et les droits de douane. Nous regardons avant tout l’évolution des taux d’intérêt. Nous partons du principe que la Banque Nationale Suisse (BNS) va maintenir son taux directeur au faible niveau de 0,25% cette année. C’est pourquoi nous pensons que la demande pour l’achat de maisons ou d’appartements en propriété restera soutenue cette année et l’an prochain. Même s’il peut y avoir certaines variations, il faut garder à l’esprit que les taux à long terme restent très bas en comparaison historique. Les personnes qui achètent un logement ont une très bonne visibilité en termes de planification concernant les hypothèques à long terme.
Certains cantons comme Genève et Zoug concentrent une forte population d’expatriées et d’expatriés qui travaillent dans des multinationales. L’incertitude concernant le commerce mondial pourrait-elle rendre ces personnes plus prudentes lors de l’acquisitions de biens immobiliers?
Il faut d’abord attendre de voir comment les choses évolueront. Dans l’immédiat, on ne peut que constater que l’économie suisse est encore relativement robuste! Considérez par exemple les communes situées au côté ouest du lac de Zurich, les prix n’ont cessé d’augmenter dans cette région, rejoignant pratiquement les niveaux de la «Goldküste», traditionnellement la plus chère, située au côté est du lac. Les entreprises attirent du personnel, des écoles internationales ont été ouvertes et les sociétés actives dans l’immobilier s’adaptent à cette demande en proposant des appartements qui répondent aux besoins de cette population. Aucun signe ne permet pour l’instant de dire que la tendance évoluera dans telle ou telle direction.
Une large partie de l’étude de 2025 se penche sur la question des dangers naturels et de leur impact sur le domaine de l’immobilier et de l’habitat. L’étude fait ressortir de grands écarts entre régions. L’étude observe qu’en Valais, 36% des bâtiments d’habitation sont exposés à des dangers naturels, principalement en raison des risques d’inondation, comparé à environ 18% pour la moyenne suisse. Quelles seront les implications des dangers naturels sur les prix de l’immobilier – comment les acquéreurs potentiels peuvent-ils prendre en compte cet aspect lorsqu’ils s’intéressent à un bien immobilier?
En analysant les annonces, nous avons pu déterminer que les prix annoncés dans les zones à risque d’inondation sont en moyenne 2,6% plus bas que ceux en dehors de ces zones, après avoir corrigé ces données de la qualité. Si le bien se trouve dans une zone à risque de glissement de terrain, la réduction moyenne des prix dans les annonces est de 3%. Si le risque de chute de pierres est même imminent, le prix de l’offre est en moyenne inférieur de 12% à celui d’un objet situé en dehors de la zone de danger. Pour les acheteurs immobiliers, il est essentiel d’être conscient des risques naturels possibles et de bien réfléchir afin de savoir si ce risque est acceptable et s’il est correctement pris en compte dans le prix de l’immobilier. Cela vaut en particulier pour les quatre cantons où l’assurance n’est pas obligatoire. La Suisse investit chaque année plus d’un milliard de francs dans des mesures de protection. Celles-ci sont principalement mises en place là où de nombreuses personnes et de nombreux bâtiments sont menacés dans un espace très restreint.
«Pour les acheteurs immobiliers, il est essentiel d’être conscient des risques naturels possibles et de bien réfléchir, afin de savoir si ce risque est acceptable et s’il est correctement pris en compte dans le prix de l’immobilier.»
Est-il possible pour les acquéreurs potentiels d’avoir des opinions et évaluations indépendantes à ce sujet?
Oui, il existe plusieurs ressources à disposition. Par exemple en consultant le site protection-dangers-naturels.ch, le site de l’institut fédéral de recherches sur la forêt, la neige et le paysage WSL ou en demandant conseil à des assurances. Il est important de bien se renseigner à ce sujet. A long terme, il faudra toujours compter avec des coûts qui augmenteront pour financer les mesures de protection contre les dangers naturels.
1https://www.zkb.ch/de/ueber-uns/medien/medienmitteilungen/2025/immobilien-aktuell-naturgefahren.html