
Le secteur bancaire helvétique compte parmi les secteurs phares de l’économie suisse avec une part de plus de 5% dans le produit intérieur brut, quelque 160'000 emplois et des contributions fiscales à hauteur de 7 milliards par an, a souligné l’Association suisse des banquiers (ASB) lors de la présentation vendredi de l’étude intitulée «Le secteur bancaire suisse: rôle et importance pour la Suisse», réalisée conjointement par la société de conseil Oliver Wyman. Quels sont les principaux défis pour la branche en matière d’accès au marché et compte tenu de l’escalade des tensions commerciales entre les Etats-Unis et la Chine en particulier sur le secteur financier. Le point sur ces questions avec Marcel Rohner, président de l’Association suisse des banquiers (ASB, SwissBankings), qui a co-présenté l’étude vendredi à Zurich.
Les questions relatives à l’accès au marché sont souvent abordées par l’ASB à l’occasion de ses présentations ou lors de la publication de rapports. L’escalade des Etats-Unis concernant les droits de douane risque-t-elle d’avoir un fort impact négatif sur le secteur financier qui emploie quelque 160'000 personnes en Suisse?
Le conflit au sujet des tarifs douaniers entre les Etats-Unis et d’autres pays n’a pas nécessairement un impact sur le secteur financier dans l’immédiat, comme cela peut être le cas pour d’autres branches exportatrices très tournées vers les Etats-Unis. A plus long terme, si la guerre commerciale se poursuit et qu’elle provoque une récession ou entraîne une situation stagflation, cela finit toujours par avoir aussi sur le secteur bancaire et financier. D’une part, car cela affecte les valeurs patrimoniales et réduit les actifs sous gestion des établissements financiers. D’autre part, car cela peut provoquer des défauts de paiement sur le marché du crédit. Bref, une perturbation des échanges commerciaux, si cette situation se prolonge, aura sur le long terme forcément des effets négatifs sur le secteur financier aussi.
«On ne peut pas considérer la question des exigences de fonds propres pour les banques d’importance systémique de manière isolée.»
L’ASB a évoqué durant sa présentation de vendredi la possibilité de conclure des accords avec différents pays ou régions du monde. Comment de tels accords peuvent-ils prendre forme concrètement?
L’accord sur les services financiers conclu entre la Suisse et le Royaume-Uni dans les domaines des services bancaires est un bon exemple de ce qui peut se faire pour permettre aux secteurs bancaires helvétique et britannique d’exporter mutuellement leurs services financiers. La réglementation entre les deux pays n’est pas exactement égale mais on reconnaît qu’elle a le même effet et qu’elle est considérée comme comparable.
Un tel modèle pourrait-il être appliqué avec l’UE?
L’UE aurait bien sûr la possibilité de reconnaître d’autres réglementations comme équivalentes. Toutefois, l’UE a une approche plutôt protectionniste concernant les services financiers.
Pour les banques ou instituts qui souhaitent proposer leurs services financiers ailleurs, deux approches sont envisageables. La première option serait d’obtenir un accès direct et ouvert au marché d’un pays – ça serait en quelque sorte la voie royale. La deuxième option serait de conclure un accord spécifique à un institut portant sur un domaine d’activité bien précis. Par exemple, en obtenant une licence comme c’est le cas pour la SEC aux Etats-Unis. Il y a donc plusieurs façons d’essayer d’obtenir un accès à d’autres marchés pour les sociétés suisses actives dans les services financiers.
Le débat sur les exigences en matière de fonds propres s’appliquant aux banques d’importance systémique est un autre sujet récurrent pour la place financière suisse. Compte tenu de la volatilité accrue sur les marchés ces dernières semaines, les banques concernées n’auraient-elles pas intérêt à renforcer elles-mêmes leurs fonds propres pour faire face aux turbulences boursières?
Les exigences en matière de fonds propres sont conçues de manière à ce que les banques disposent d’un coussin de sécurité suffisant en cas de volatilité accrue sur les marchés ou de dégradation de la conjoncture. C’est pourquoi les exigences en matière de fonds propres ont été renforcées, de même que les mesures en matière de liquidité considérablement après la crise financière de 2008.
«Le risque principal serait que cette crise s’accentue et que cela entraîne une crise de l’endettement au niveau global.»
Maintenant, il faut garder à l’esprit que les exigences en matière de fonds propres ne constituent qu’un instrument parmi d’autres mis en place pour renforcer la capacité de résistance des banques en cas de crise. Les mesures permettant la mise à disposition rapide de liquidités par la BNS sont un autre volet tout aussi important. S’y ajoutent aussi les tests de résistance menés par la Finma. Bref, on ne peut pas considérer la question des exigences de fonds propres pour les banques d’importance systémique de manière isolée du reste.
Vous êtes actifs depuis plus de trois décennies dans le secteur financier. Comment analysez-vous la sévère correction survenue sur les marchés depuis fin mars?
La guerre commerciale et les tensions autour des droits de douane a quelque chose de très fondamental au regard de la structure du commerce international et du système des échanges globaux. Cela aura un impact sur l’économie.
Maintenant, pour le secteur financier au sens strict, l’escalade récente autour des droits de douane n’a pas encore entraîné de récession, ni de crise du crédit ou un resserrement des liquidités. Mais les incertitudes actuelles ne sont pas sans conséquences pour les banques.
Le risque principal serait que cette crise s’accentue et que cela entraîne une crise de l’endettement au niveau global. Nous ne n’en sommes pas encore là mais c’est un aspect à surveiller.