L’Argentine de Javier Milei est sur la bonne voie. Le pays devrait présenter une croissance économique de 5% et une nouvelle diminution de la pauvreté en 2025. Mais Javier Milei doit continuer de progresser s’il entend que la confiance des citoyens soit renouvelée lors des élections d’octobre prochain. En parallèle, il doit décider de l’avenir du système monétaire argentin.
L’Etat vient d’obtenir un crédit du FMI de 20 milliards de dollars grâce aux progrès obtenus dans la lutte contre l’inflation. La hausse des prix est passée de plus de 200% en 2023 à probablement moins de 25% en 2025. Mais la situation reste fragile. Les derniers indicateurs de prix ne sont pas aussi favorables. Javier Milei en profitera-t-il pour avancer son projet de dollarisation, lui qui, lors de son élection, qualifiait le peso d’«excrément»? Le débat sur la nécessité d’une dollarisation de l’économie argentine redouble ce printemps. Au moment où Donald Trump et ses conseillers sont en train de conduire à la dédollarisation de l’économie mondiale, est-ce une bonne idée?
Un trésor de guerre mieux doté
La relation privilégiée de Javier Milei avec Donald Trump a permis à l’Argentine de subir un droit de douane de «seulement» 10% sur ses exportations américaines. Mais les deux présidents se ressemblent de moins en moins. Comme le résume le Wall Street Journal: «Javier Milei est économiquement libéral, Donald Trump ne l’est pas». D’ailleurs le libre-échangiste Javier Milei ne doit pas ses succès économiques aux Etats-Unis mais à la mise en oeuvre de son programme de dérégulation et de coupes massives dans l’Etat. Il n’en reste pas moins que le système monétaire argentin n’est «pas soutenable», comme l’explique Mary Anastasia O’Grady dans le WSJ. L’écart de plus de 20% entre le taux officiel et le taux du marché: est un signal clair: «Le marché veut plus de dollars qu'il n'y en a au taux de change officiel. Plutôt que de laisser le peso se déprécier, la banque centrale est devenue un fournisseur de dollars à un taux de change du peso surévalué». Les réserves de dollars de la banque centrale argentine peinent donc à augmenter. Or c’est précisément une condition nécessaire si l’Argentine entend dollariser son économie comme le proposait Javier Milei avant son élection. C’est d’ailleurs pour répondre à ce besoin de réserves que le FMI vient d’accorder le crédit de 20 milliards.
«La question serait plutôt celle du meilleur moment possible, avant ou après les élections d’octobre?»
En fonction de négociations avec d’autres institutions supranationales, les réserves de l’Argentine pourraient grimper à 50 milliards de dollars. Ce trésor de guerre serait suffisant pour procéder à la dollarisation, selon le WSJ: L’Argentine «doit seulement être prête à convertir les pesos en circulation», soit un montant estimé aujourd'hui à environ 18 milliards de dollars. De plus, «cette somme ne devra peut-être pas être convertie immédiatement.» Un autre coussin de sécurité est à ajouter, celui qui est détenu hors du système financier, et qui correspondrait à 246 milliards de dollars. La dollarisation serait donc tout à fait envisageable. La question serait plutôt celle du meilleur moment possible, avant ou après les élections d’octobre?
Un système bimonétaire
Pour Michael Stott, dans le Financial Times, l’Argentine est en train de mettre en place un «système bimonétaire», avec des dollars et des pesos. Les restrictions aux achats de devises sont en train d’être allégées et la bande de fluctuations du peso par rapport au dollar est élargie. La réaction actuelle des marchés financiers est positive et le restera tant que l’inflation continue de reculer et que les comptes publics sont bien gérés. Mais l’inflation menace de rebondir. Elle s’est élevée à 3,7% en mars sur base mensuelle et elle pourrait dépasser le taux estimé par le consensus en fin d’année (23%), selon le professeur Steve Hanke. Lors des prochaines élections, le taux d’inflation jouera un rôle déterminant dans l’esprit des électeurs.
Il n’est pas inutile de faire un calcul de coûts et bénéfices. A long terme, «en nombre de dollars nécessaires, la dollarisation est meilleure marché que le maintien du peso, avance Nicolas Cachanosky, professeur associé en économie et directeur du Center for Free Enterprise à l’Université du Texas dans un article pour l’Institut ECAEF. A son avis, le crédit de 20 milliards du FMI offre un gain de temps appréciable, mais il ne règle pas le problème fondamental. La dollarisation serait meilleure marché d’une pat parce que les 20 milliards ne sont pas nécessaires immédiatement -dans le cas de la dollarisation intervenue en Equateur et au Salvador, l’échange de dollars a pris entre 9 et 24 mois respectivement-. Les données montrent qu'un an après la dollarisation, la banque centrale équatorienne (BCE) non seulement n'a pas perdu de réserves, mais elle les a augmentées. D’autre part, la dollarisation serait meilleur marché parce qu’elle dollariserait les actifs financiers dont le gouvernement craint qu'ils ne se précipitent pour acheter des dollars. Enfin, pour Nicolas Cachanosky, la dollarisation augmenterait la crédibilité du système argentin. Il est vrai que le pays a grandement besoin d’une politique monétaire sable. En passant au dollar, la monnaie argentine aurait immédiatement des racines solides: «En Equateur, le dollar s'est avéré être l'institution la plus durable, la plus crédible et la plus appréciée des habitants».
La baisse du dollar par rapport à toutes les autres principales monnaies s’inscrit dans la discussion sur la politique monétaire future de Javier Milei. Le peso doit-il vraiment être ancré à une monnaie qui n’est plus la référence incontestée? Poser la question, c’est y répondre.