Evitons les biais politiques dans nos choix de placement

Emmanuel Garessus

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Le début du nouveau mandat de Donald Trump montre que l’investisseur doit mettre de côté ses opinions politiques s’il entend obtenir le rendement visé.


La politique a rarement autant influencé les marchés financiers qu’aujourd’hui. Qu’il suffise d’évoquer les décisions tarifaires de Donald Trump, la poursuite de la guerre en Ukraine, le programme d’infrastructures et de défense en Allemagne, la politique de relance chinoise, sans parler du débat sur les devises et un éventuel «Accord de Mar-a-Lago». L’investisseur est prié de construire un portefeuille susceptible d’intégrer et si possible de profiter des effets boursiers des décisions politiques sur l’économie. Mais quelles sont les conséquences financières des choix politiques des investisseurs sur leur performance?

L’industrie financière, à l’affût des besoins de leurs clients et des nouvelles tendances, n’a pas tardé à lancer des produits offrant des biais censés profiter du programme du nouveau président américain. Certains nouveaux ETF sont ainsi nommés en reprenant le vocabulaire «trumpien». L’histoire montre pourtant que l’investisseur a tout à gagner à ne pas faire intervenir ses propres opinions politiques dans ses choix. «Vous ne pouvez échapper à la politique, mais vos décisions d’investisseurs le peuvent», note fort justement Jason Zweig, l’auteur de la rubrique «Intelligent Investor» pour le Wall Street Journal. La bourse se moque de la façon dont vous votez, ajoute-t-il.

Retour de bâton pour le «Trump Trade»

Les marchés financiers incorporent rapidement toutes les nouvelles informations qui modifient les perspectives des entreprises. Ils ont par exemple poussé les valeurs liées au programme de Donald Trump à travers un «Trump trade» dès que son élection devenait le scénario le plus probable. Puis, depuis janvier, les titres qui ont participé à ce mouvement ont corrigé leurs excès, à commencer par l’action Trump Media & Technology Group, en baisse de 33% en 2025. Jason Zweig observe qu’un ETF visant à éviter les sociétés politiquement «à gauche» sous-performe l’indice des actions depuis l’élection. La classification à gauche d’une société pose d’ailleurs problème puisque que plusieurs entreprises ont laissé tomber leur politique d’inclusion (DEI) depuis l’arrivée de Donald Trump. 

Les faits sont clairs. Une étude de Vanguard portant sur 50 ans le rappelle. Un portefeuille de 10'000 dollars composé en 1977 de 60% d’actions et de 40% d’obligations a fortement progressé et vaut 888'000 dollars à la fin 2024. Le rendement de portefeuille a été positif que le président soit républicain ou démocrate. Lors de la première année de mandat d’un président républicain, le rendement s’élève en moyenne à un peu plus de 10%, selon cette étude. 

«Si la politique exerce effectivement un impact sur un marché financier, il se concentre avant tout sur les Bons du Trésor.»

Un risque pour les objectifs de retraite

Il est tentant de chercher à accroître son rendement en prenant des vues à court terme et de spéculer sur les prochaines politiques économiques. Mais les politiques qui seront finalement mises en œuvre et la mesure dans laquelle un segment particulier du marché pourra en bénéficier sont très incertaines, ce qui en fait une stratégie risquée, conclut Vanguard. 

Un changement d’allocation basé sur des anticipations de marché à court terme peut même pénaliser les objectifs de rendement d’un plan de retraite. Sur 50 ans, la première année d’un mandat présidentiel ne signale aucune augmentation de la volatilité par rapport à la moyenne. La volatilité annualisée moyenne du rendement de l’indice S&P 500 s’est élevée à 17,4%. Et elle a été inférieure, en moyenne, durant une année post-électorale (13,5%).

Les facteurs fondamentaux tels que la croissance des bénéfices et la valorisation des titres comptent davantage que la couleur politique du président américain, confirme  Mike Minter sur le blog de Financial Synergies Wealth Advisors. Les promesses d’un candidat ne sont pas nécessairement mises en œuvre et sa politique produit parfois des résultats imprévus. Les perspectives économiques sont davantage influencées par le marché de l’emploi, les taux d’intérêt et l’inflation. 

Depuis 1953, un investisseur ayant 10'000 dollars au départ et exposé au marché des actions uniquement lorsque le président est républicain disposerait de 83'000 dollars actuellement et de 254'000 dollars s’’il n’était investi qu’avec un président démocrate. S’il était toujours resté investi, sa fortune aurait grimpé à 2,1 millions de dollars. Mike Miller répète qu’il vaut mieux exprimer ses opinions politiques dans les urnes qu’à travers son portefeuille. La prospérité et les fondamentaux de l’économie américaine ne changent pas à chaque élection. L’avenir dira si Donald Trump modifiera ces statistiques et règles de comportement. 

Selon que l’on soit démocrate ou républicain changera le jugement d’une personne interrogée sur la situation économique du moment, mais la perception est souvent différente de la réalité, expliquait pour le magazine Forbes Bill Keen, fondateur de Keen Wealth Advisors. Si la politique exerce effectivement un impact sur un marché financier, il se concentre avant tout sur les Bons du Trésor. La plupart des investissements portent toutefois sur des entreprises et non pas sur les obligations du gouvernement. 

En cette période d’agitation politique extrême, il est donc crucial de rester discipliné et de distinguer entre les bruits et les décisions signalant de nouvelles tendances. Il importe surtout d’être éveillé. La discipline de l’investisseur doit s’étendre au mode de vie, si l’on en croit «Trading in Twilight: Sleep, mental Alertness and Stock Market Trading», un travail publié par le NBER (WP 33477, février 2025). Les auteurs, issus de l’Université de Californie, montrent en effet que les investisseurs privés qui se couchent tardivement obtiennent en moyenne des rendements plus faibles sur leurs transactions. La perturbation du sommeil découle d'une altération de l'attention de l’investisseur. Mais l’étude ne traite pas des troubles découlant de la politique.

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