Le VIX atteignait au début du mois dernier son niveau le plus haut depuis l’annonce du premier confinement de mars 2020. Les mouvements aussi erratiques qu’imprévisibles causés par les annonces du président Trump ont provoqué une dislocation des marchés financiers. Il est certes question de pourparlers avec la Chine autour de l’application des tarifs douaniers et la bourse américaine reprend quelques couleurs mais il n’est pas encore temps de baisser la garde. D’autant que les entreprises hésitent à s’engager sur leurs orientations et sur leurs investissements et que l’avenir des chaines de production reste hypothétique. Le point avec Wassim Jomaa, CIO chez Petiole Asset Management AG qui préconise d’investir avant tout sur les marchés secondaires du private equity et dans des produits cotés décorrélés.
Les marchés financiers sont en berne. Peut-on espérer un rebond?
Aujourd’hui la probabilité d’une récession est évaluée à 50% par les études de marché. Pour que les marchés croient qu’une récession puisse être évitée et que le rebond soit durable, il faudrait retrouver un niveau de confiance bien supérieur à celui qui existe actuellement. Effectivement, des pourparlers sur les questions tarifaires sont engagés entre les Etats-Unis et une quinzaine de pays et la Chine, pour sa part, se dit prête à évaluer la possibilité de négocier mais tant que le niveau d’incertitude demeurera aussi élevé, il ne peut être question de reprise. Les entreprises hésitent à affirmer leurs objectifs et l’avenir des chaines de valeur reste hasardeux.
«L'intégration d'alternatives dans l'allocation d'actifs fournit la diversification durable et nécessaire.»
Quelle stratégie avez-vous adoptée?
En tout début d’année nous étions plutôt optimistes sur le potentiel de dérèglementation et sur une relance des fusions & acquisitions qui paraissaient se profiler. Depuis et avec les annonces choc du président américain – plus particulièrement sur la question des tarifs douaniers, les prix ont cessé d’être cohérents et il a fallu prendre acte de la dislocation que les marchés financiers subissent. Ce contexte nous a amenés à nous montrer prudents, plus particulièrement sur le crédit et les obligations alors que les spreads étaient serrés. Notre conclusion: éviter absolument les stratégies de type 60/40 car la corrélation du prix des actions et des obligations est positive et ce type d’allocation n’offre aucune protection. Ainsi, l'intégration d'alternatives dans l'allocation d'actifs fournit la diversification durable et nécessaire. Pour ce qui est du private equity, nous estimons que les marchés secondaires permettent d’évaluer correctement les entreprises qui sont à même de maintenir leur part de marché et de créer de la valeur dans ce contexte. En période de volatilité, les stratégies non corrélées aux actifs traditionnels, telles que les royalties ou les Insurance-Linked Securities offrent un segment d'investissement important à considérer. Nous sommes investisseurs de long terme et suivons l'état d'esprit institutionnel. Plutôt que suivre les oscillations des marchés, nous avons choisi de sortir des univers volatils en ayant une allocation d'actifs sur les marchés privés.
Comment profiter de la dislocation des marchés?
La volatilité et la dispersion des valorisations créent des dislocations et des opportunités pour les investisseurs à long terme. La dislocation peut se révéler sur les marchés du crédit aux entreprises aux Etats-Unis et sur celui de l’immobilier. Il convient donc d’identifier les poches qui restent favorables comme le secteur résidentiel aux Etats-Unis ou le financement des infrastructures en Europe.
Le dollar s’est beaucoup affaibli. Où le voyez-vous se diriger?
Une fois encore, nous sommes dans l’incertitude. Le dollar peut continuer à se déprécier par rapport à l’euro ou au yen en cas de stimulus gouvernemental mais, si les négociations tarifaires entre les Etats-Unis et ses partenaires commerciaux aboutissent à un résultat positif, rien n’empêche de penser que lesdits partenaires revenir aux obligations en dollar, auquel cas la devise US se réapprécierait.
Quels éléments pourraient déterminer un potentiel rebond des bourses?
Un aboutissement favorable des négociations avec la Chine peut être un élément déclencheur de rebond. L’acceptation par le Congrès du projet de loi fiscale cet été est également susceptible de provoquer un renversement de situation car elle peut atténuer le ralentissement économique.
Quelles sont ses chances de succès du programme de relocalisation du président Trump?
La dérèglementation bancaire va renforcer les banques régionales qui prêteront davantage et les encouragera à financer la croissance. Elles financeront aussi le gouvernement en achetant des bons du Trésor.
Quel est votre sentiment sur les autres réformes du président Trump?
Il n’est pas de ma compétence de me prononcer sur les réformes sociales de Trump toutefois, en ce qui concerne l’immigration, on peut observer qu’une politique similaire avait été mise en œuvre par l’administration Clinton dans les années 1990 avec un impact négatif au départ mais positif par la suite pour certains secteurs. Le contexte n’est évidemment pas le même aujourd’hui. L’impact de l’automation et de l’intelligence artificielle est bien plus élevé par conséquent, les restrictions de main d’œuvre auront moins d’effet que par le passé.