Le marché américain des actions traverse une phase de correction insolite avec les marchés en dehors des Etats-Unis qui demeurent non affectés. Les investisseurs devraient envisager de diminuer leur exposition aux actions américaines afin d’atténuer les risques induits en partie par les incertitudes engendrées par l’administration Trump, selon Mathieu Racheter, responsable de la stratégie actions chez Julius Baer. Celle-ci recommande des financières et industrielles européennes, la Chine, les mid-caps allemandes et des actions suisses.
Existe-t-il le risque d’une récession aux Etats-Unis et d’une baisse sensible des marchés des actions?
Contrairement à son premier mandat, Donald Trump n’est plus orienté vers Wall Street mais vers «main street», c’est-à-dire son électorat. C’est pourquoi il est sans doute enclin à baisser les taux d’intérêt, par le biais notamment d’un recul du gaspillage fiscal, quitte au besoin à accuser son prédécesseur et à risquer un ralentissement économique à court terme. En espérant ainsi, à plus long terme, bénéficier aux entreprises et aux ménages privés, en stimulant la demande et la production industrielle américaines. Et ce en vertu du mot d’ordre «Make America great again».
D’ailleurs, l’indice S&P 500 a corrigé de près de 10% par rapport à son pic de février dernier. Réduisant du même coups son écart avec les actions européennes et suisses en particulier. Après deux très bonnes années boursières aux Etats-Unis, et très concentrées sur le secteur IT, une baisse se profile à l’horizon.
Avez-vous réduit votre exposition aux actions américaines?
Oui. Nous sommes devenus plus prudents envers les actions américaines, surtout les «Sept Magnificent», en particulier Nvidia et Alphabet, dont le poids est énorme au sein de l’indice S&P 500; ce qui explique pourquoi ce dernier a plus progressé que l’indice des petites et moyennes capitalisations, S&P 400. Un mouvement vers davantage de diversification des actions est souhaitable. Nous avons effectué une rotation au profit des actions européennes, suisses et chinoises. Sans oublier de procéder de manière disciplinée.
«Nous mettons l’accent sur Commerzbank et Société Générale s’agissant des financières.»
Quelles sont les actions européennes que vous privilégiez à cet égard?
Nous sommes positifs à l’égard de valeurs financières et industrielles. S’agissant des premières, nous mettons l’accent sur les banques Commerzbank et Société Générale. Dans l’industrie, et eu égard aux investissements prévus dans les infrastructures, nous favorisons Siemens et Alstom. Nous sommes par ailleurs favorables à un investissement dans l’indice des mid cap allemands, MDAX.
Et s’agissant des actions suisses, recommandez-vous toujours Sika, Partners Group, Lindt & Sprüngli, Georg Fischer et Sunrise?
Les actions suisses offrent une combinaison de qualité défensive et de valorisations raisonnables. Nous accordons notre préférence maintenant à Georg Fischer, qui opère un recentrage industriel prometteur sur les solutions et systèmes de tuyauterie fiables, qui sont essentiels pour le transport sécurisé de l’eau, des produits chimiques et des gaz. Ce recentrage devrait conduire à une hausse des marges et des cash-flows.
De surcroît, nous trouvons les actions chinoises intéressantes, en particulier des valeurs technologiques, dont Alibaba Group. Elles évoluent dans un marché haussier cyclique.
«L’augmentation considérable des dépenses des pays européens consacrées à la défense soutiendra leur croissance.»
Tout cela n’est-il pas dangereux si une forte récession survient aux Etats-Unis?
C’est un scénario possible, mais pas le plus probable. Cependant, en pareil cas, la baisse du marché américain entraînerait vraisemblablement celle d’autres marchés, dont européens et suisse. Mais nous penchons plutôt pour un affaiblissement conjoncturel aux Etats-Unis ou une récession douce.
D’autre part, les pays européens veulent augmenter sensiblement leurs dépenses consacrées à la défense, ce qui soutiendra leur croissance. De plus, l’Allemagne a annoncé un tournant économique majeur visant à moderniser les infrastructures du pays, outre le renforcement de son armée. C’est un plan XXL inédit: au total, entre 1000 et 1500 milliards d’euros pourraient être investis dans l’économie allemande durant la prochaine décennie.
La Chine agit également pour stimuler sa demande intérieure. Avec un cycle conjoncturel découplé de celui des Etats-Unis. Par opposition aux précédents feux de paille, les mesures de stimulation chinoises semblent cette fois-ci durables, étayées par les progrès technologiques considérables dans l’intelligence artificielle (IA), l’électromobilité et les énergies renouvelables notamment, où la Chine prend une position de leader mondial. En suivant fermement son propre chemin.
L’or sert-il encore de protection?
Les prix de l’or continuent d’augmenter en raison des craintes au sujet de la politique et de l’économie américaines, en lui attribuant les caractéristiques d’une protection contre la volatilité des marchés. Le métal jaune apparaît, en somme, comme un élément de diversification avec l’Europe et la Chine.