Ceux qui s'attendaient à ce que Donald Trump commence son mandat par une réforme fiscale ont été pris de court. Le 1er février, la Maison-Blanche a ravivé les tensions commerciales en annonçant une première série de décrets visant à instaurer des droits de douane sur les importations en provenance du Canada, du Mexique et de la Chine. Ces mesures imposent des taxes de 25% sur les importations générales du Canada et du Mexique, avec une exception pour les matières premières énergétiques canadiennes taxées à 10%. Quant aux produits chinois, ils se verront appliquer une surtaxe de 10%, portant la charge fiscale moyenne des exportations chinoises vers les Etats-Unis à près de 19%. Ces décisions sont justifiées par la présidence américaine comme une réaction aux mesures jugées insuffisantes pour lutter contre l'immigration illégale et le trafic de drogues.
Les marchés financiers ont réagi négativement à ces annonces. L'annonce de ces tarifs douaniers a suscité une réaction négative immédiate des marchés financiers. La bourse américaine, déjà fragilisée par l'affaire DeepSeek, a perdu jusqu'à 2% avant de se stabiliser. La situation s'est quelque peu apaisée après l'annonce par la présidente mexicaine, Claudia Sheinbaum, d'un moratoire de 30 jours obtenu lors d'un entretien avec Donald Trump. Elle a promis un renforcement de la sécurité à la frontière pour freiner le trafic de drogues et l'immigration illégale. Peu après, le premier ministre canadien, Justin Trudeau, a annoncé un accord similaire. De son côté, la Chine a réagi avec une série de mesures de rétorsion, notamment des taxes sur les produits énergétiques, les machines agricoles, les pick-up trucks et les véhicules de forte cylindrée. Pékin a également instauré des restrictions sur certaines exportations de minéraux stratégiques et a ouvert une enquête antitrust contre Google. Les experts estiment que cette réponse constitue un avertissement plutôt qu'une escalade brutale, laissant la porte ouverte à d'éventuelles négociations.
Les conséquences économiques de ces mesures pourraient être lourdes. Si ces droits de douane entraient en vigueur sans réaction, l'économie mexicaine et canadienne subirait une contraction d'environ 1% de leur PIB selon les estimations de la Brookings Institution. En revanche, l'impact sur l'économie américaine serait limité à une baisse de 0,2% du PIB, mais avec une inflation accrue de 1,3%. Si le Canada et le Mexique répliquaient avec des mesures équivalentes, les conséquences seraient plus sévères: une baisse du PIB de 3% pour ces deux pays, tandis que l'économie américaine enregistrerait un déclin plus modéré de 0,3%, avec une inflation contenue à 0,8%.
L'administration Trump semble préparer une stratégie commerciale coordonnée. En annonçant ces tarifs douaniers, l'administration Trump montre qu'elle ne se contente pas d'une posture protectionniste aveugle mais adopte une approche stratégique, ajustant ses actions en fonction des réactions des partenaires commerciaux et des marchés financiers. Peter Navarro, principal conseiller commercial du président, a déclaré que cette politique se veut «mesurée». Toutefois, il serait erroné de croire que Trump bluffe totalement. Ses objectifs premiers avec le Canada et le Mexique restent politiques, axés sur la lutte contre le trafic de drogue et l'immigration. Cependant, le décret signé le 20 janvier dernier laisse peu de doute sur les ambitions économiques de cette politique commerciale: lutte contre les pratiques commerciales jugées déloyales, réduction du déficit commercial et augmentation des recettes fiscales grâce à la création d'une nouvelle agence, l'«External Revenue Service». Le secrétaire au Trésor, Howard Bessent, a d'ailleurs résumé la philosophie de cette approche en déclarant: «Au lieu de taxer nos citoyens pour enrichir d'autres pays, nous allons taxer les pays étrangers pour enrichir nos citoyens».
L'Union européenne se retrouve exposée à ces tensions commerciales. Pour l'Union européenne, ces développements sont une source de préoccupation majeure. Les exportations européennes vers les Etats-Unis ont atteint 600 milliards de dollars en 2024, soit près de 20% des importations américaines. En comparaison, la Chine représente 13%. L'Europe a ainsi contribué à hauteur de 231 milliards de dollars au déficit commercial américain (1182 milliards de dollars), contre 292 milliards pour la Chine. Depuis 2018, le déficit commercial américain avec la Chine a diminué de 126 milliards de dollars, tandis que celui avec l'Europe a augmenté de plus de 60 milliards.