La Banque nationale suisse (BNS) a annoncé une réduction de son taux directeur de 50 points de base, le faisant passer de 1% à 0,50%. Cette décision, effective à partir du 13 décembre 2024, reflète la volonté de la BNS d’ajuster sa politique monétaire pour répondre à une baisse continue des pressions inflationnistes et à un environnement économique mondial incertain.
Les nouvelles prévisions d’inflation conditionnelle de la BNS montrent une révision significative à la baisse. En moyenne annuelle, l’inflation est attendue à 1,1% pour 2024 (contre 1,2% initialement), à 0,3% pour 2025 (contre 0,6%), et à 0,8% pour 2026 (contre 0,7%). Cette diminution s’explique par des facteurs externes, notamment la baisse des prix de l’énergie et des denrées alimentaires, ainsi que par la forte désinflation des biens importés, favorisée par l’appréciation continue du franc suisse. En novembre 2024, l’inflation annuelle en Suisse a atteint 0,7%, tandis que l’inflation sous-jacente s’est stabilisée à 0,9%. La baisse de taux vise également à soutenir cette trajectoire tout en maintenant l’inflation dans la plage de stabilité des prix à moyen terme.
Cette décision est donc cohérente avec la dynamique inflationniste actuelle et le contexte économique mondial. En Suisse, la croissance économique a été atone au troisième trimestre 2024, avec un PIB progressant de 1% en glissement annuel. Le secteur tertiaire a montré des signes de résilience, tandis que l’industrie a connu une baisse de sa valeur ajoutée. Le chômage a légèrement augmenté, mais reste faible dans une perspective historique, et les capacités de production ont affiché une utilisation normale. La dynamique du marché du travail reste néanmoins favorable avec une progression nominale des salaires de 1,5% pour 2024, soit une hausse réelle de 0,8%, renforçant le pouvoir d’achat des ménages suisses.
Sur le plan international, la croissance économique mondiale reste modérée, et l’inflation sous-jacente demeure relativement élevée dans plusieurs économies. Les incertitudes géopolitiques, notamment en Europe et aux Etats-Unis, augmentent les risques pesant sur les perspectives économiques globales. La récession probable en France au quatrième trimestre 2024, combinée aux tensions politiques et économiques dans la zone euro, accentue la pression sur la BNS pour ajuster sa politique monétaire. Depuis la dissolution de l’Assemblée nationale française, l’euro s’est déprécié de 4,6% face au franc suisse, contribuant à la compétitivité accrue des importations suisses, mais réduisant les débouchés extérieurs.
Les investisseurs anticipent une nouvelle baisse du taux directeur de 25 points de base en mars et une autre en juin 2025, ce qui porterait le taux BNS à 0% d’ici mi-2025. C’est notre scénario également. Bien que les taux négatifs ne soient pas envisagés pour l’instant, ils pourraient être discutés si le ralentissement économique mondial devenait plus marqué, affectant davantage les exportateurs suisses. La BNS a également réitéré sa disposition à intervenir activement sur le marché des changes pour contrer toute pression excessive sur le franc suisse.
Les taux négatifs ne sont pas exclus, bien qu’ils ne soient pas favorisés à ce stade. Selon nous, ils seront de plus en plus discutés, en particulier car la probabilité d’avoir des taux négatifs augmentera avec le ralentissement de plus en plus marqué de l’économie mondiale et en particulier de celle européenne (nous attendons 0,7% de croissance en 2025), qui réduira les débouchés extérieurs pour les exportateurs suisses. L’économie suisse est structurellement désinflationniste (inflation moyenne plus proche des 1%) en raison d’une croissance de sa productivité structurellement supérieure à celle des salaires. Enfin, l’appréciation du franc suisse se poursuivra. Les prévisions de taux CHF des investisseurs sont bien ancrées, à la différence des Etats-Unis et de la zone euro. Les écarts de taux entre la BNS et les autres banques centrales se réduiront donc, ce qui favorisera la poursuite de l’appréciation du franc suisse, en particulier face à l’euro.