SGS et Sonova, deux indispensables d’un portefeuille

Philippe Rey

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Ces deux entreprises reposent sur des tendances porteuses. BKW, Holcim ou Emmi sont aussi à suivre, selon Omar Brem, directeur de la recherche à la ZKB.

Plus que jamais, il convient de se montrer discipliné et sélectif en matière d’actions, après une forte année boursière 2024. Allnews fait à ce sujet le point avec Omar Brem, responsable de la recherche de la Banque cantonale de Zurich (BCZ).

Quelle est la situation du marché des actions après une très bonne année 2024?

L’année écoulée a en effet été remarquable, avec des rendements au-dessus de la moyenne, par exemple sur le marché boursier américain. En contraste, le marché suisse a sous-performé les marchés boursiers étrangers. Comment se présentera 2025? Nous pensons que l’environnement macroéconomique reste constructif, mais que certains défis géopolitiques se profilent, bien que la barre soit relativement haute, spécialement pour les grandes capitalisations boursières américaines du secteur IT. Dans un tel contexte, une sélection rigoureuse d’actions s’impose.

Quelles sont justement vos favoris suisses pour 2025?

Holcim, Partners Group, Roche, SGS et Sonova, s’agissant des «large caps» ou grandes capitalisations boursières, ainsi que BKW, Emmi, Helvetia, Swissquote et Ypsomed concernant les «small et mid-caps» ou petites et moyennes capitalisations.

SGS et Bureau Veritas ont mis fin à leurs discussions au sujet d’une fusion. Qu’en pensez-vous?

Nous sommes soulagés que les discussions sur l’opération aient été interrompues, car nous apprécions beaucoup plus l’investissement de SGS en tant que tel et nous pensons qu’il y a beaucoup de choses à apprécier.

Rappelons que la fusion entre Holcim et Lafarge, il y a dix ans, n’a pas été facile. Elle a en effet posé de nombreux problèmes à l’époque et a entraîné une sous-performance significative pendant de nombreuses années après la fusion.

En termes de rentabilité, SGS et Bureau Veritas se suivent de près. De plus, les deux entreprises ont des actionnaires de référence à long terme : GBL avec une participation de 18,9% dans SGS et Wendel avec 26,5% dans Bureau Veritas. Il se pourrait bien que l’un des grands actionnaires ait poussé à la conclusion d’un tel accord.

«La valorisation de Nestlé redevient intéressante.»

Fondamentalement, le secteur TIC (testing, inspection et certification) convainc par sa forte dynamique, alimentée notamment par le développement durable. L’arrivée de Géraldine Picaud au poste de CEO a donné un nouveau souffle à SGS. Nous apprécions la société genevoise qui vise une croissance organique de 5% à 7% par an d’ici 2027 et une augmentation de la marge opérationnelle courante (EBIT) de 150 points de base (valeur de base 14,7% en 2023).

De plus, l’action SGS offre un dividende attractif et un ratio EV/EBITDA ajusté (valeur d’entreprise sur les bénéfices avant intérêts, impôts, dépréciations et amortissements) d’un peu plus de 12x à 12 mois, ce qui reste modéré selon nous. La juste valeur par action est de 107 francs, sur la base de nos estimations de flux de trésorerie actualisés (DCF). Bien entendu, il existe des risques de ralentissement de la croissance en Chine, d’augmentation des droits de douane et d’accroissement des obstacles au commerce international.

Sonova ne paraît pas a priori bon marché…

Sonova a lancé une nouvelle plateforme de produits auditifs, qui intègre l’intelligence artificielle et accentue le leadership technologique de cette entreprise. Sonova se révèle clairement le numéro un mondial des appareils auditifs, avec une part de marché d’environ 28%, et un consolidateur dans le commerce de détail avec une part de marché de 4% (numéro deux derrière Amplifon).

Le taux de pénétration des appareils et solutions auditifs est encore bas.  Dans l’univers des entrées de gamme, où Sonova est présente avec Sennheiser, Apple apporte en réalité une aide. Par analogie, l'Apple smart Watch n’a pas tué l’horlogerie, mais induit une plus forte demande de montres en général. Commencer avec un produit OTC peut amener à acheter un produit plus élaboré, a fortiori avec le vieillissement de la population.

Contrairement à l’avis de beaucoup de monde, l’action n’est pas chère avec un ratio cours-bénéfice (P/E) d’un peu plus de 20x. Notre estimation de la juste valeur par action s’élève à 360 francs.

Emmi représente-t-elle une véritable opportunité? Et Nestlé?

Emmi affiche une bonne dynamique dans un secteur difficile. Cette entreprise agroalimentaire a accru durant les 15 dernières années son bénéfice d’exploitation (EBIT) et son bénéfice par action de 7% par an tandis que le dividende a augmenté de 12% par an. Une croissance de l’EBIT et du bénéfice par action de 9% par an est possible pour la période 2025-2027 grâce à l’acquisition de Mademoiselle Dessert en octobre dernier.

Le multiple endettement net/EBITDA demeure maîtrisable avec un rapport de 2,0x pour 2025. Le P/E avec un peu plus de 16,0x pour 2025 s’avère inférieur à la moyenne historique de 21,5x depuis 2015. Nous estimons à 1052 francs la valeur réelle par action.

Quant à Nestlé, le recul du cours de l’action est susceptible de procurer une opportunité. La valorisation redevient intéressante. Il est cependant trop tôt pour juger l’efficacité des initiatives menées sous l’impulsion du nouveau CEO, Laurent Freixe. Ce dernier a l’avantage de connaître très bien le groupe, contrairement à son prédécesseur Mark Schneider à qui il faut rendre hommage d’avoir modifié fondamentalement le portefeuille. Une question cruciale est la capacité de Nestlé à engendrer à nouveau une croissance des volumes. Pour l’heure, le marché demeure sceptique.

Holcim est une autre recommandation de la BCZ. Pourtant l’action a déjà fortement monté…

Nous tenons pour rationnel le spin-off des activités nord-américaines. Cette transaction est susceptible de libérer de la valeur. Les ambitions de croissance et rentabilité pour les deux parties d’entreprises du groupe Holcim sont intactes. De plus, Holcim joue un rôle moteur dans la décarbonation de l’industrie du ciment.

Holcim génère un free cash-flow important, de plus de 3 milliards de francs par an, permettant des versements de dividendes attractifs et non imposables, des rachats d’actions, des transactions de M&A (fusions et acquisitions) et le renforcement du bilan. La valorisation de Holcim demeure intéressante nonobstant les trois dernières années avec une surperformance sur ce plan. Nous estimons à 106 francs environ la valeur par action sur une base de DCF.

«Helvetia se montre plus pro-actif que Baloise du point de vue de l’optimisation de son portefeuille.»

De même, l’action BKW n’est-elle pas sur une crête élevée?

BKW se négocie sur le marché à un multiple EV/EBIT de 11,9x, soit au-dessous d’une moyenne de 13,9x pour les cinq dernières années. Les prix assurés (couverture ou hedging) sensiblement plus élevés pourraient amener une amélioration significative des bénéfices à court et moyen termes.

Le mix de production énergétique de BKW est avantageux, grâce à une grande flexibilité de l’énergie hydraulique; ce qui procure des chances supplémentaires dans le négoce eu égard à une volatilité croissante sur le marché de l’approvisionnement électrique.

Le groupe bernois génère un cash-flow considérable, ce qui contribue à un solide bilan. Nous estimons la juste valeur à 196 francs par action, sur la base d’un DCF.

Quels sont les arguments en faveur de Helvetia?

Ce groupe d’assurances affiche une dynamique de croissance robuste en non- vie, tout en améliorant sa rentabilité. Il a entrepris, sous la férule du nouveau CEO Fabian Rupprecht, une optimisation de son portefeuille. C’est une différence par rapport à Baloise, qui doit désormais l’effectuer sous la pression du nouvel actionnaire Cevian. Helvetia se montre davantage pro-actif sur ce plan et dispose d’une marge de solvabilité SST supérieure à la moyenne avec 300%.

Nous pensons que l’action n’a pas épuisé son potentiel, outre une situation du dividende qui s’avère attractive. Nous prévoyons une augmentation du dividende par action de 50 centimes jusqu’en 2027. Nous estimons la juste valeur à 178 francs par action. 

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