Les actions mondiales ont connu une forte progression en 2024, de 17,5% après +22,2% en 2023. La classe d’actifs obligataire s’apprécie de 3,4%, après +7,1% en 2023. Le portefeuille de référence 50/50 en dollar est en hausse de 10,4%, après +14,7% en 2023. C’est 3 points de mieux que la moyenne historique.
Le thème dominant a été la reflation, combinant assouplissement monétaire général, stimulation budgétaire et mesures structurelles aux Etats-Unis. Sur le plan monétaire, le fait marquant a été le tournant radical des banques centrales, avec au total près de 150 réductions de taux directeurs. Concernant la Fed, l’année avait commencé par des anticipations agressives de baisse de taux de 170pb sur l’année. Finalement, la Fed a opéré seulement 100pb de détente, le dernier FOMC de l’année associant la baisse de 25pb à un message plutôt restrictif, limitant les attentes d’assouplissement monétaire à moins de 50pb sur 2025.
D’ailleurs, les taux d’intérêt à long terme des Etats-Unis ont progressé de 110pb à 4,6% depuis la première baisse des taux directeurs en septembre 2024. Une telle divergence est une première dans l’histoire des cycles de baisse des taux de la Fed. Elle accrédite la thèse d’une erreur de politique monétaire (détente procyclique et tardive), la repentification de la courbe indiquant une accélération économique. Mais l’augmentation récente de la prime de terme sur les taux à 10 ans (term premium; estimée à 0,7% en fin d’année contre 0% en septembre) pourrait aussi refléter une vigilance accrue de la part des marchés sur la conduite de la politique budgétaire et les échéanciers de dette, mais aussi sur un éventuel conflit à venir entre Trump et Powell.
Ce reset des anticipations sur la Fed confirme la prééminence des leviers plus politiques de la politique économique (détente fiscale, droits de douane, déréglementation), tels qu’annoncés par le Président élu Donald Trump. Les banques centrales en Europe ont été plus réactives, avec un premier mouvement donné par la Banque Nationale Suisse dès le mois de décembre 2023, avec quatre baisses au total (de 2,0% à 0,5%). La BCE a suivi six mois après avec une détente cumulée de 135pb (de 4,50% à 3,15%). La Banque d’Angleterre a été plus tardive et plus modérée, avec seulement deux baisses de 25pb à 4,75%.
La domination des Etats-Unis s’est exprimée par la très forte performance des Actions américaines: le S&P500 TR a progressé de 25,0% après +26,3% en 2023.
L’assouplissement des conditions monétaires s’est accompagné d’un creusement des déficits publics des pays de l’OCDE vers le seuil des 5% de PIB, dans un contexte électoral vivace, aux Etats-Unis (7,8% du PIB) et en France (6,2% du PIB). Tous les regards se portent sur le Trésor américain qui devra refinancer USD 3 trillions de dette arrivant à maturité en 2025. La France devrait devenir le plus gros emprunteur de la zone euro en 2025, avec un montant annuel estimé à EUR 340Md. La Chine a déployé une série de mesures pour soutenir son économie face à des défis structurels tels que la crise immobilière, une consommation intérieure atone et un endettement croissant des gouvernements locaux. Cela a été sans succès, les mesures étant essentiellement de nature monétaire, dans un environnement déflationniste: le taux à 10 ans de la Chine a baissé de manière continue en 2024, de 2,6% à 1,7%.
Un regain de tensions populistes s’est manifesté, avec plusieurs cas d’alternances et d’instabilité politique. Près de 70 élections générales ont eu lieu, représentant la moitié de la population mondiale. Le point focal a été l’élection aux Etats-Unis, avec la large victoire de Donald Trump, et l’instabilité en Europe (Royaume-Uni, France, Allemagne). Sur le plan géopolitique, les tensions sont restées fortes, avec la poursuite de la guerre en Ukraine et au Proche-Orient.
Le découplage économique entre les Etats-Unis et le reste du monde a été significatif. Au cours de l’année, le consensus a révisé en hausse ses attentes sur la croissance du PIB en 2024 aux Etats-Unis (de 1,7% à 2,1%), tandis qu’elles ont été revues en baisse à partir de l’été dans la zone euro et en Chine. La surperformance de l’économie américaine a reposé sur les mesures gouvernementales dans les infrastructures et l’industrie (IRA, CHIPS and Science Act), la révolution technologique de l’IA, et la résilience du marché de l’emploi. A l’inverse, le déclin industriel observé en Allemagne et en France a pesé sur les perspectives.
La domination des Etats-Unis s’est exprimée par la très forte performance des Actions américaines: le S&P500 TR a progressé de 25,0% après +26,3% en 2023. C’est le triple de la moyenne de long terme. La performance ajustée du risque a été exceptionnelle, avec un ratio de Sharpe de 1,7x (vs. 0,5x pour le High Yield). La capitalisation boursière a augmenté de USD 11,5 trillions, comparé à un PIB en valeur de 29,66 trillions. L’appréciation a été une ligne droite, mise à part le bref repli de 8,5% durant l’été causé par le débouclage forcé des positions de carry-trade sur le yen. Le fait véritablement marquant de l’année 2024 a été l’amplification de l’expansion des multiples de valorisation, de 19x à 22x, alors que le cycle des EPS est sur un point haut, avec une progression de près de 10%. Cette combinaison «croissance des bénéfices et croissance des multiples» est rare et s’explique par le cadre extrêmement favorable, combinant désinflation, croissance du PIB revue en hausse, reflation, et révolution technologique de l’intelligence artificielle, dont les Etats-Unis maitrisent toute la chaine de valeur. La domination des Magnificent-7 (Microsoft, Amazon, Meta, Apple, Alphabet, Nvidia, Tesla) illustre le rôle des géants/monopoles de la Tech, dont les valorisations hautes (P/E de 38x vs. 19x pour le reste du marché) ont été portées par une surperformance significative des bénéfices.
La surperformance boursière des Etats-Unis est historique face à l’Europe, qui ne progresse que de 8,6% (MSCI Europe TR) (+1,8% en dollar, soit trois fois moins que le cash en dollar). On peut parler d’annus horribilis pour l’Europe, avec la mise en échec du cœur de la zone euro (France, Allemagne), qui connait une crise multiforme: politique, sociale, énergétique, industrielle. La chute de certains Magnificient européens complète le derating européen: L’Oréal -23.9% (dividende inclus), Nestlé -20,7%, LVMH -12,6%, Novo Nordisk -9,6%, ASML qui a perdu jusqu’à 10% avant de revenir à -1% en fin d’année. L’exception a été SAP, qui a progressé de 71%. Le SMI s’apprécie de 7,5% (dividende inclus), et le CAC40 stagne (-3,0% avant dividendes). Le Japon est en hausse de 8.3% (en dollar), les EM de +5,6%, dont +18,9% pour le MSCI China.
La force du dollar a été une autre expression de la domination américaine. Le dollar en change effectif (indice DXY) s’est apprécié de 7,1% en 2024, dont +6,6% face à l’euro, 7,8% face au franc suisse, +11,5% face au yen, et +11% face à l’ensemble des monnaies des pays émergents. En taux de change effectif réel, le dollar dépasse en 2024 son précédent record de 2002, soit une appréciation cumulée de 43% depuis son point bas historique de 2011. Cela n’a pas empêché les alternatives au dollar de connaitre une très forte appréciation: l’or a eu une performance historique, progressant de 26,4%, après +14,6% en 2023. C’est la première fois dans l’histoire que la performance annuelle cumulée de l’or et du S&P500 dépasse 50%. Le Bitcoin s’est apprécié de 120,5%, passant de USD 40'000 à plus de 100'000, profitant de son institutionnalisation et de l’élection de Donald Trump (souveraineté numérique).
L’année 2024 se termine donc sur de nombreux points extrêmes, dont certains points de rupture vont baliser l’année 2025. Un point bas conjoncturel a été atteint en septembre 2024. Le potentiel désinflationniste semble désormais très limité, et l’inflation sera sans douter la variable à surveiller. La prime de risque des Actions est à un plus bas depuis 2002, ce qui rend le marché vulnérable à une hausse des taux d’intérêt. Le facteur politique pourrait encore s’intensifier, avec un agenda américain très conflictuel sur le plan international (guerre commerciale). La valorisation et la concentration des marchés Actions américains sont extrêmes et affichent des records historiques: le ratio capitalisation boursière / PIB est à 200%; les dix premières sociétés pèsent pour près de 40% du S&P500. Les spreads de Crédit High Yield sont tombés à près de 250pb, ce qui n’offre plus aucune marge de sécurité en cas de choc. La très forte concentration des indices et des rotations brutales ont causé un carnage de la gestion active en 2024. Les grands fonds Actions leaders (biais qualité/croissance) ont effacé en quelques mois une décennie d’alpha. La soutenabilité financière des Etats pourrait être testée. Le stock de dette mondiale a dépassé les USD 300 trillions en 2024, dont plus de 100 trillions de dette publique.
Des choix décisifs devront être faits en 2025 pour trouver le bon chemin, alors que le consensus se positionne de manière un peu trop complaisante sur une pleine continuité des tendances de 2024.