La Fed confirme le tournant défensif

Emmanuel Ferry, Union Securities Switzerland SA

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La baisse des taux de 50pb est à la fois, majeure, tardive et anticipée. La Réserve fédérale accrédite l'idée d'un soft landing de l’économie US, scénario qui pourrait toutefois évoluer assez rapidement.

L'atterrissage en douceur demeure le scénario central. Les prévisions fournies par la Fed reflètent un soutien clair à ce scénario. Le taux de chômage augmente mais demeure modéré, la croissance du PIB se stabilise à 2% et l'inflation est de nouveau conforme à l'objectif en 2025. Les marchés financiers évoluent en conformité avec ce scénario: pentification de la courbe des taux qui repasse en territoire positif, compression des spreads de crédit à un plus bas historique, avec un spread High Yield à seulement 300 pb, élargissement de la profondeur de marché en dehors des megacaps, avec une tentative de rebond des marchés de moindre qualité (Small&MidCaps, marchés émergents). Le scénario de soft landing est déjà solidement ancré dans l’esprit des investisseurs.

Cela indique que le risque demeure biaisé dans le sens d’une dégradation de la conjoncture, scénario non encore anticipé par les classes d’actifs risqués, à l’inverse des marchés obligataires. Le taux objectif des Fed Funds, qui vient de passer de 5,50% à 5,0%, est attendu à 2,9% en octobre 2025 au vu des anticipations de marché, ce qui implique 210 pb de détente monétaire, dont 70 pb d’ici la fin de cette année. Le profil des anticipations est de ramener la politique monétaire à la neutralité (2,8-3,0%).

La politique demeure restrictive, et les effets du resserrement monétaire passé continuent à se diffuser dans l’économie.

Cette grande rotation alimentée par un retour de l’appétit pour le risque pourrait néanmoins être de courte durée. D’abord, la politique demeure restrictive, et les effets du resserrement monétaire passé continuent à se diffuser dans l’économie (défaut sur les cartes de crédit, remontée du taux de chômage, resserrement des conditions de crédit des banques). Puis, la politique budgétaire aux Etats-Unis a pris un tour restrictif, tendance qui a peu de chance d’être radicalement inversée quelque soit le résultat des élections présidentielles. Enfin, l’histoire des cycles d’assouplissement monétaire de la Fed plaide pour une relative prudence.

Historiquement, les cycles monétaires agressifs et tardifs s’accompagnent d’une perte maximale moyenne du S&P500 de 21% dans les 12 mois qui suivent la première baisse (-11% au cours des 6 premiers mois). Les épisodes réussis de soft landing sont plus des exceptions que la norme: 2019, 1995, 1984. Dans ces cas de figure, les marchés Actions connaissent une bonne performance dans les 3 à 6 mois qui suivent (+10%). En revanche, les cas de détente monétaire agressive qui ne parviennent pas à empêcher l’entrée en récession sont fréquents: 1973, 1980, 1981, 1990, 2001, 2007. Dans ces scénarios, les marchés Actions se manifestent par davantage de volatilité, des pertes importantes, et des rendements négatifs. A l’inverse, dans tous les cas de figure, les US Treasuries et les cours de l’or s’apprécient et les courbes de taux se repentifient (bull steepening).

Le fait aggravant dans le cycle actuel est le niveau de valorisation des actifs risqués en début de cycle de détente monétaire. Le P/E 12 mois du S&P500 est de 23.5x, équivalent à ce qui prévalait en janvier 2001, alors que, en général, les multiples de valorisation se contractent avant une inflexion monétaire (13.5x en moyenne). Les valorisations du High Yield sont également extrêmes.

Les indicateurs avancés pourraient connaître une amélioration liée à la baisse des taux de la Fed. Toutefois, ce redressement pourrait être de courte durée. Quant aux conditions monétaires et financières, une grande partie de la détente a déjà eu lieu depuis le pivot de Jerome Powell à la fin de l’année dernière. Le tournant défensif qui a eu lieu au printemps, confirmé en août, devrait donc être maintenu au cours des prochains mois. Un reset complet du cycle économique et des niveaux de valorisation des actifs risqués sera un préalable pour adopter une orientation agressive en risque. 

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