
Le profil en V des marchés Actions a confirmé le caractère très technique du choc de volatilité qui a eu lieu début août. Depuis le point bas du 5 août, les marchés Actions globaux ont intégralement récupéré la baisse de 8% par rapport au point haut de la mi-juillet. La baisse de marché avait été très brève et limitée aux grandes valeurs technologiques (-18% pour les Magnificent 7). Ce rapide retour à la normale ne doit pas empêcher de tirer des enseignements pour les prochains mois.
1/ En termes d’allocation d’actifs, le fait marquant est le retour du rôle diversifiant des Obligations d’Etat par rapport au risque Actions. Les Treasuries de longue duration ont connu une appréciation de 6% lorsque le S&P500 perdait 8%. C’est donc un épisode risk-off traditionnel qui a eu lieu. Le repli de l’inflation vers l’objectif de la Fed permet de revenir à une situation de décorrélation entre les Actions et les Obligations d’Etat. Cette décorrélation avait cessé de fonctionner en 2022 avec la hausse de l’inflation au-delà de 3%. La poursuite de la bonne performance des Govies parallèlement au rebond des Actions pourrait susciter quelques interrogations sur la pérennité de la trajectoire des actifs risqués.
2/ La perspective d’une baisse des taux de la Fed en septembre a libéré un potentiel d’appréciation des Treasuries à longue duration au-delà de l’épisode risk-off. Les taux d’intérêt réels à 10 ans (1,75%) demeurent élevés, même si on est en retrait par rapport au pic de 2,50% enregistré en septembre 2023. La prime de risque Actions par rapport aux Obligations d’Etat américaines est au plus bas depuis 2007. Tout nouvel épisode d’ajustement de valorisation des actifs risqués soutiendra les Treasuries.
La vision bottom/up demeure un point d’ancrage solide pour le positionnement optimiste des investisseurs.
3/ La première baisse effective des taux directeurs en septembre neuf mois après le pivot opéré par Jerome Powell en décembre 2023 (qui avait poussé les marchés à anticiper jusqu’à sept baisses des taux) est perçue comme tardive (behind the curve). Dans ce contexte, il n’est pas certain que cela soit le déclencheur d’un nouvel épisode haussier pour les Actions. Au contraire, cela pourrait accréditer la thèse d’un risque de récession en 2025, renforçant dès lors la nécessité de dé-risquer les portefeuilles.
4/ Le repli des Actions de cet été n’a pas été un reset pour les anticipations des investisseurs. La performance relative des actions cycliques par rapport aux actions défensives est compatible avec un ISM manufacturier de haut de cycle (au-dessus de 60), contre un niveau actuel de 46,8. Le positionnement des investisseurs est très rapidement repassé en surpondération sur les Actions, même s’il demeure légèrement inférieur au point haut enregistré la mi-juillet.
5/ La vision bottom/up demeure un point d’ancrage solide pour le positionnement optimiste des investisseurs. Le contexte macroéconomique a détourné les investisseurs de la bonne saison des résultats pour le T2 2024. Cinquante-six pour cent des entreprises du S&P 500 ont dépassé les prévisions du consensus de BPA de plus d'un écart-type par rapport aux estimations, ce qui est supérieur à la moyenne à long terme de 46%. Il n’en demeure pas moins que la performance des Actions cette année a été tirée par l’expansion des multiples de valorisation. Un assouplissement des conditions monétaires est en général un prérequis pour une dynamique de revalorisation. La déconnexion récente était un signal d’excès de complaisance. A l’avenir, la Fed devra donc (sur-)délivrer pour soutenir les marchés.
6/ La dépréciation du dollar a été un fait marquant: -4% de taux de change effectif depuis le début du mois de juillet. Outre le débouclage du carry trade (rachat de yen, vente des Actions Tech), cela reflète plus fondamentalement une politique de la Fed plus pro-active, les aléas autour des élections américaines, et un dollar qui pourrait être plus contra-cyclique dans un contexte accru de risque récessif. La hausse des cours de l’or est désormais en ligne avec ses drivers traditionnels (baisse du dollar, baisse des taux), tandis qu’auparavant, l’or montait davantage sur des considérations de stockage préventif. Le taux de change effectif réel du dollar se situant en haut de son range de long terme (2001, 1985, 1970), la dépréciation du change constitue un levier résiduel majeur de stimulation économique. C’est un risque à adresser dans un portefeuille, d’autant que cela pourrait s’accompagner d’une sous-performance des Actions américaines et d’un derating du secteur de la Tech.
7/ Les cours des métaux industriels sont entrés en bear market entre mai et juillet, cumulant une baisse de plus de 20%, sous l’effet des problèmes structurels en Chine. L’inflexion monétaire aux Etats-Unis pourrait favoriser le complexe émergent de manière contrariante, du moins à court terme.
8/ Le débouclage du carry trade est un événement très ponctuel, mais il constitue un signal précurseur d’un choc financier plus sérieux, résultant d’une combinaison toxique «excès de levier financier/excès de concentration/excès d’illiquidité». C’est la recette pour toute crise financière.
9/ Le manque de visibilité sur le cycle économique provient de la concomitance entre les effets retards du resserrement monétaire de 2022-23 (hausse des taux de défaut dans l’immobilier et les cartes de crédit, hausse du chômage), et anticipations de baisse des taux (qui profitent aux actifs/emprunteurs de meilleure qualité). C’est la raison pour laquelle l’inflexion à venir de la politique monétaire ne permet pas d’exclure une récession en 2025.
10/ Le choc de volatilité a confirmé plusieurs thèmes d’investissement déjà identifiés, dont: la préférence pour les sociétés de qualité en termes de bilan, la recherche d’anti-fragilité dans un portefeuille diversifié, les approches à base de revenu avec une forte marge de sécurité, la pertinence des approches contrariantes, le de-risking et le contrôle ex ante de la volatilité.
Le flash crash du lundi 5 août n’est pas un non-événement, malgré la pleine récupération de la destruction de valeur. Le choc de volatilité est une première réplique qui fragilise la structure du marché. Les causes du choc de marché sont toujours présentes. Cela rend probable la répétition d’épisodes de stress financier, avec cette fois des effets plus profonds et plus durables en cas de dynamique de propagation macro-financière et non plus simplement technique.