Gonet: l'actualité des marchés au 3 septembre

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Wall Street fermée (Labour Day), Eurostoxx +0,30%, SMI +0,12%.

La semaine boursière démarre tout en douceur, orpheline de Wall Street qui, premier lundi du mois de septembre oblige, célèbre le travail et s’offre une grasse matinée pour l’occasion. Le Labour Day trouve ses origines à la fin du XIXe siècle, lorsque des militants syndicaux ont fait pression pour qu'un jour férié fédéral soit instauré afin de reconnaître les nombreuses contributions des travailleurs à la force, à la prospérité et au bien-être des Etats-Unis. Ça, c’était pour la partie sérieuse et un tantinet instructive de cette chronique.

Les indices d’actions européens sont donc dépourvus de boussole hier, ils ne dérogent pas à la règle dans un tel contexte et font comme d’habitude soit quasiment rien. Les clôtures du jour oscillent entre +0.2% et -0.2%, on note la faiblesse des secteurs de la défense (qui craint la paix…) et de tout ce qui a trait de près ou de loin aux traitements anti-obésité, le chef d’orchestre en la matière Novo Nordisk indique que la pénurie de son traitement vedette Ozempic se poursuivra jusqu’à la fin de l’année. L’Allemagne vit un traumatisme rare, Volkswagen annonce un vaste plan de restructuration et n’exclut pas de fermer des usines en Allemagne, ça ne s’était jamais produit auparavant et cela met en lumière le maillon faible du groupe, la marque VW qui fait nettement moins bien qu’Audi et consort. Le puissant syndicat de la métallurgie IG Metall dénonce « un plan irresponsable qui ébranle les fondations de Volskswagen et menace massivement les emplois et les sites », à Francfort la bourse salue la nouvelle et envoie le titre en hausse de 1.7% à la cloche. On jette un œil à l’indice Stoxx Europe 600 (SXXP), qui recule très légèrement en clôture et se maintient quasiment à son niveau le plus élevé de tous les temps.

Ce mardi 3 septembre marque la véritable rentrée des classes pour les traders de Downtown Manhattan, les maisons des Hamptons sont désertées, retour aux affaires pour un marché qui flirte avec ses sommets (le S&P500 – SPX) n’en est qu’à 0.4% et se pose pas mal de questions quant à la suite, sachant que septembre, en plus de nous taper sur le moral à cause de ce foutu soleil qui prend lentement la tangente (la fréquence de nos barbecues faisant de même) est historiquement un mois dangereux pour la bourse, les autres mois étant octobre, novembre, décembre, janvier, février, mars, avril, mai, juin, juillet et août. Les baisses de taux des banques centrales, Fed en tête, sont imminentes, ce qui rend les marchés quelque peu frileux, de nombreux investisseurs se mettent en position d’attente dans cette optique. L’inflation semble inquiéter de moins en moins, on se concentre sur le volet croissance dans les salles de marchés. Le marché prévoit des baisses de taux par notamment la Fed (18 septembre), la BCE (12 septembre) et la BNS (26 septembre). La conviction des Fed Funds est totale en ce qui concerne la Fed et la BNS. Dans le cas de la BCE le marché est plutôt confiant mais moins catégorique, ce qui explique en partie la faiblesse du dollar vis-à-vis de l’euro de ces derniers temps.  

La volatilité du marché est faible, le VIX (volatilité du SPX) est de retour à 15 après sa mise en orbite du 5 août (65.73 en séance). Le ratio put/call somnole en faveur des calls, on semble bien détendu sur les parquets de trading. La Banque du Japon reste une source de préoccupation, elle annonce cette nuit qu’elle continuera à relever ses taux en cas de besoin, ce qui pourrait avoir un impact sur le yen et remettre en lumière le carry trade, avec les conséquences potentielles que l’on a désormais tous en tête. Au chapitre des sociétés, la saison des résultats trimestriels qui touche à sa fin est bonne mais indique aussi que les attentes du marché sont tellement élevées que tout cela devient quelque peu irrespirable, l’exemple récent de Nvidia est parlant.

Nous voilà donc apparemment à l’aube d’une période un peu compliquée pour les marchés d’actions. Cela dit, n’oublions pas le facteur X du marché, capable de faire mentir les modèles théoriques les plus alarmants : les Américains. Le Wall Street Journal publie un article ce matin qui indique que les Américains ont rarement été aussi enthousiastes à propos du marché boursier qu’aujourd’hui. Au deuxième trimestre, le nombre de comptes de retraite 401(k) chez Fidelity Investments d’une valeur d’au moins 1 million de dollars a atteint 497'000, une augmentation de 31% par rapport à l’an passé et un record. JP Morgan indique que les placements en actions des ménages américains ont régulièrement augmenté cette année et représentent désormais 42% de leurs actifs financiers totaux. On n’avait plus vu ça depuis 1952. Rappelons ici que le SPX a réalisé plus de 30 records historiques cette année, ce qui a un impact direct sur le « wealth effect » des individus investis dans la bourse américaine. C’est tout sauf négligeable, les gens se sentent mieux, plus en sécurité et ont de facto tendance à plus consommer. D’ailleurs l’AAII (American Association of Individual Investors) indique un sentiment haussier au plus haut cette année. Bien entendu, une partie de la population financière voit dans ces signes des raisons de se montrer prudents. Septembre est un mois volatil et l’élection présidentielle américaine approche (5 novembre).

Des investisseurs s’inquiètent de la domination des géants de la technologie, plus précisément quant à la monétisation des tombereaux de milliards de dollars investis dans l’intelligence artificielle. Si l’on se penche sur les faits, on constate que, même pendant la brève période de turbulences boursières de début août, les intervenants ont continué d’acheter des actions, les flux entrants dans les fonds américains ont persisté pendant huit semaines jusqu’à la fin août. Même constat si l’on zoome sur les fonds investissant dans des petites capitalisations, qui ont attiré 12.7 milliards de dollars de capitaux rien qu’en juillet, un record. On notera en parallèle que la correction du mois d’août (on parle de correction lorsqu’un indice perd 10%) a duré 11 jours de trading soit le repli le plus court depuis 2011. Les investisseurs institutionnels ne sont pas restés sur la touche, ils ont massivement acheté des actions entre juillet et août.

Que retirer de cela ? FOMO (Fear Of Missing Out) ? YOLO (seriously ?) ? TINA (There Is No Alternative) ? La réponse n’est pas évidente, en revanche les turbulences boursières de début août confirment une énième fois que seule une approche à long terme est judicieuse en termes d’investissement.

Au menu macro-économique du jour, on démarre avec l'indice des prix à la consommation (sorti en-dessous des attentes était-ce possible ?) et le produit intérieur brut (plus fort que prévu) en Suisse. Plus tard, aux Etats-Unis, l'après-midi sera consacrée à l'indice PMI manufacturier de S&P Global (15h45), ainsi qu'aux dépenses de construction et à l'indice ISM manufacturier, tous deux prévus pour 16h00.

Volkswagen envisage de fermer des usines en Allemagne et de supprimer des emplois. La pénurie d'Ozempic de Novo Nordisk devrait se poursuivre au quatrième trimestre. Les résultats de Partners Group reculent au premier semestre. Swiss Life augmente son bénéfice d’exploitation de 7% au premier semestre. AMS-Osram a finalisé la vente d'actifs au chinois Focuslight. Tesla prévoit une Model Y à six places, dont la production est prévue pour 2025 en Chine, selon l’agence Reuters. Par ailleurs, la firme annonce des ventes record au mois d’août en Chine avec plus de 63’000 véhicules écoulés, c’est 37% de mieux qu’en juillet. Ceci dit on se calme dans les chaumières fan d’Elon Musk, tout cela reste nettement moins clinquant que la concurrence locale, BYD par exemple a vendu 371'000 véhicules en Chine sur la même période.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en léger repli. Tokyo égare 0.04% à la cloche, Hong Kong rend 0.27%, Shanghai perd 0.29%, Séoul abandonne 0.61% et le Nifty50 rend 0.05%. Le future SPX traite à l’équilibre et l’Europe fait de même à l’ouverture. L’or continue de se battre avec le niveau de 2500$ et le pétrole remonte légèrement, à 74.16 dollars par baril de WTI Light Crude.

En France, sœur Anne ne voit toujours rien venir. Après n’avoir notamment pas voulu déranger les jeux olympiques, invoqué les 80 ans du débarquement ou refusé de « perturber la rentrée scolaire », Emmanuel Macron « poursuit ses consultations ». Une annonce de nomination de premier ministre n’est pas garantie pour aujourd’hui. 

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