Immobilier coté: la fenêtre d’opportunité

Olivier Hertoghe, DPAM

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Après une période tumultueuse marquée par de forts disagios, l’immobilier coté est paré pour un rebond: les raisons d’espérer.

En 2022, la capacité de l’immobilier à se refinancer a été profondément remise en question. Résultat, les différentiels de crédit ont augmenté de près de 300 points de base. Cette hausse a été beaucoup plus marquée pour les sociétés immobilières que pour d’autres acteurs non financiers, car elle reflétait les inquiétudes concernant le risque de crédit ainsi que celles d’un assèchement du marché obligataire.

Depuis la fin 2022, les spreads sont revenus à un niveau beaucoup plus raisonnable. Cependant, le delta entre les sociétés immobilières et les sociétés non financières reste élevé et supérieur à sa moyenne historique. Il resterait donc encore une certaine marge pour un nouveau resserrement des spreads de crédit.

Stabilisation des taux swap

L’autre composante du coût des emprunts, les taux swap, a évolué à la baisse après avoir atteint un pic en 2023. Pour l’heure, ces taux évoluent sur un plateau, ce qui reflète l’attentisme d’un marché qui se prépare à d’éventuelles baisses des taux directeurs.  La diminution des spreads de crédit couplée à la baisse des taux swap a permis de réduire le coût des nouveaux financements qui est passé de 6% en 2022 à environ 4% à l’heure actuelle. Grâce à ce recul, les barrières aux nouveaux projets ou au refinancement de projets existants sont nettement plus basses. L’attrait du secteur sort donc renforcé pour les investisseurs.

Le marché obligataire s’ouvre à nouveau

Même si l’accès à l’emprunt obligataire n’a jamais été totalement fermé pour les sociétés immobilières, le coût de telles émissions était devenu prohibitif en comparaison de celui des prêts bancaires, surtout pour les sociétés immobilières bénéficiant de bonnes relations bancaires et d’actifs de qualité.  

La situation du marché obligataire s’est récemment améliorée: le fait que toute une série de nouvelles émissions ait été placée avec succès témoigne du regain de confiance du marché. Grâce à la réouverture du marché obligataire, la crainte que les banques aient à supporter l’intégralité des refinancements des obligations arrivant à échéance s’est atténuée.

Hausse contrôlée du coût moyen des emprunts

Dans le secteur immobilier, le coût moyen des emprunts tend à augmenter. Mais cette hausse est progressive et peut être maîtrisée, notamment au travers d’une gestion stratégique qui inclut des échéances longues, des taux d’intérêt fixes et des stratégies de couverture étendues. Ces instruments sont indispensables dans la mesure où ils contribuent à la stabilisation des plans de remboursement et permettent de se protéger contre la volatilité des taux d’intérêt.

Soulignons le fait que le coût marginal d’un emprunt a reculé depuis le mi-2023 et qu’il est resté stable cette année. Par conséquent, le coût moyen de l’emprunt progresse plus lentement que ce qui avait été anticipé au plus fort de la crise inflationniste.

écart de rendement: retour dans le positif

L’écart entre les rendements de l’immobilier et les taux swap est revenu en territoire positif. Autrement dit, le modèle économique qui consiste à emprunter de l’argent pour investir dans l’immobilier est à nouveau viable. L’existence d’un écart positif devrait permettre une réouverture du marché des transactions immobilières directes et faciliter le processus de détermination des prix. La valeur des actifs gagnant ainsi en lisibilité pour les investisseurs, le besoin de décotes importantes par rapport aux valeurs nettes d’inventaire s’amoindrira.    

Des résultats opérationnels robustes

Les résultats de l’immobilier en 2023 montrent à l’évidence que ce secteur est robuste : les taux d’occupation se maintiennent à un niveau élevé et les loyers sont en hausse.  Le fait que les sociétés immobilières soient parvenues à répercuter l’inflation sur les loyers témoigne de leur pouvoir de marché. Ajoutons qu’en Europe, les taux de vacance sont nettement plus bas que ceux observés en Asie et aux Etats-Unis, en particulier sur les segments bureaux et locaux commerciaux.

Réduction de l’endettement

Durant la phase d’assouplissement quantitatif, les sociétés immobilières européennes ont beaucoup augmenté leur endettement, ce qui a été l’une des principales raisons de la forte augmentation des spreads de crédit. Cependant, les gérants de ces sociétés ayant pris conscience du fait qu’un endettement excessif pouvait être source de préoccupations pour les investisseurs, ils ont commencé à le réduire fortement. Ce recul devrait contribuer à diminuer la volatilité des actions immobilières et ainsi améliorer l’environnement d’investissement.

Rappelons que les ratios emprunts/valeur des actifs et endettement net/excédent brut d’exploitation étant directement corrélés à la capacité d’une entreprise à gérer et assurer le service de sa dette, toute diminution de ces ratios est rassurante pour les investisseurs, tant sur le plan de la viabilité à long terme du secteur que sur sa capacité à résister aux fluctuations de l’économie.

Des valorisations avantageuses

Les actions immobilières européennes se traitent avec une forte décote par rapport à leur VNI. Cette dernière est justifiée lorsque les prévisions concernant les résultats opérationnels et financiers sont très incertaines. Mais à l’heure actuelle, les valeurs en capital approchent de leur plus bas au Royaume-Uni et sur le continent. Or, comme on l’a vu plus haut, les spreads de crédit et les taux de swap ayant reculé par rapport à leur plus haut de 2022, la visibilité sur le coût moyen des emprunts s’améliore. Par ailleurs, les loyers sont en hausse et les taux d’occupation élevés. Par conséquent, la décote actuelle des actions immobilières européennes ne paraît plus justifiée. Elle devrait donc revenir aux alentours de sa moyenne historique. Cela signifie que, toutes choses égales par ailleurs, le cours de ces actions devrait augmenter.  

Au vu de sa valorisation très avantageuse, l’immobilier européen représente une opportunité d’investissement exceptionnelle. Cela est vrai tant par rapport à son historique qu’en comparaison avec d’autres zones géographiques où les décotes sont moins prononcées.

Des allocations en hausse

Les hegde funds ont clairement parié à la baisse sur l’immobilier coté européen et les investisseurs «long only» l’ont fortement sous-pondéré en 2022 et 2023.  Bien qu’il ne compte plus aujourd’hui parmi les secteurs les plus «shortés», les investisseurs généralistes restent prudents dans leurs allocations à l’immobilier coté. Cependant, ces allocations devraient fortement augmenter dès que l’on aura davantage de visibilité sur les décisions des banques centrales pour ce qui concerne l’ampleur et la rapidité des baisses des taux directeurs.

Par ailleurs, le regain d’intérêt des investisseurs pour l’immobilier coté se traduira non seulement par un apport de capitaux, mais il permettra également d’améliorer la liquidité et la profondeur de ce marché. La tendance s’alimentera elle-même dans la mesure où un surcroît d’activité sur le marché et un sentiment positif devraient faire tache d’huile et amorcer de nouveaux flux d’investissement. Sommes-nous proches de ce moment tant attendu du retour de l’immobilier européen coté? Sur un marché devenu moins volatil et au vu de transactions qui se multiplient, le moment paraît idéal pour positionner stratégiquement les portefeuilles de manière à profiter de ce qui pourrait être un rebond considérable.

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