Celui qui investit dans la dette émise par les entreprises doit impérativement se plonger dans l’étude de leurs stratégies, évaluer leur stabilité sur le plan financier, évaluer les risques auxquels elles sont exposées et être en accord avec leurs projets d’investissement. Ces tâches exigent à la fois un savoir approfondi et des compétences particulières compte tenu de la complexité de l’environnement dans lequel les entreprises évoluent ainsi que du caractère incertain de l’avenir.
Crédit, venant du latin «credere», signifie «faire confiance». Sur le plan humain, accorder sa confiance résulte d’un processus complexe qui exige un savant mélange de réflexion, d’expérience et d’intuition. Pour ce qui concerne l’investissement, la confiance résulte pour l’essentiel de la collecte et de l’exploitation des informations disponibles. C’est après avoir procédé à leur analyse minutieuse que le gérant d’actifs peut acquérir une compréhension approfondie de l’entreprise et de son marché. Il est alors en mesure d’identifier ses forces et ses faiblesses ainsi que les opportunités et les risques auxquels elle pourrait se trouver confrontée. Même s’il est toujours utile de prendre en considération les conclusions des agences de notation, il est primordial d’élaborer sa propre opinion afin de parvenir à se forger de solides convictions sur les entreprises et leurs secteurs d’activité. Il en découle une stratégie fondée sur la sélection de débiteurs dont le modèle d’affaires est durable et le potentiel de croissance avéré. Cette gestion active se distingue très clairement des approches de simple suivi des indices de référence.
Les apports de la sélectivité sur le segment «investment grade»
En pratique, cette approche de sélection permet de faire émerger les titres intéressants sur les marchés de la dette. C’est le cas de Netflix, dont les obligations sont de qualité «investment grade» (IG). Premier fournisseur mondial de services de vidéo à la demande, Netflix a profité de la désaffection générale vis-à-vis de la télévision traditionnelle. Malgré la concurrence accrue émanant de Disney+ et HBO entre autres, l’entreprise est parvenue à augmenter continuellement son audience et à maintenir un cash-flow élevé.
Il s’avère aujourd’hui que les bases de Netflix sont solides: son endettement est en baisse constante et ses perspectives 2024 sont encourageantes.
Il y a peu de temps, la solidité financière de Netflix faisait encore l’objet d’interrogations, mais il s’avère aujourd’hui que les bases de l’entreprise sont solides: son endettement est en baisse constante et ses perspectives 2024 sont encourageantes. Netflix a d’ailleurs vu sa notation évoluer de manière spectaculaire puisqu’elle est passée de BB- (S&P) ou Ba3 (Moody's) en 2019 à BBB+ (S&P) et Baa2 (Moody's) aujourd'hui et il n’est pas exclu que les agences améliorent encore ces notations. Cette réussite ne s’est pas matérialisée du jour au lendemain, mais le fait que nous ayons sélectionné ce titre témoigne de la puissance de notre processus de recherche.
Sur le segment «investment grade», le choix de VGP a également été un succès. Ce spécialiste paneuropéen de la propriété, de la gestion et du développement d’actifs immobiliers logistiques et semi-industriels de qualité supérieure possède plusieurs atouts. Son portefeuille est attrayant, les fondamentaux du marché lui sont favorables, son potentiel de croissance est significatif alors que les risques de développement sont limités. Par ailleurs, il jouit de liens étroits avec l’assureur Allianz et d’un bon accès au financement.
Or, il est fréquent que ces avantages ne soient pas totalement reflétés dans le prix de ses émissions, car l’entreprise est perçue comme légèrement plus «exotique» que ses pairs. Bien que ses obligations aient sous-performé en 2022, l’essentiel de leur baisse a été compensé depuis. Cela tend à montrer que le marché réagit parfois de façon excessive lorsque les tendances sont négatives, mais qu’il finit par corriger et revenir sur les fondamentaux.
Les apports de la sélectivité sur le segment du «haut rendement»
Nos stratégies d’investissement résultent d’une sélection et d’une analyse rigoureuses, en particulier dans des secteurs complexes tels que celui du commerce de détail. Ce secteur, caractérisé par une concurrence intense et des marges en baisses pour bon nombre d’entreprises, est très hétérogène du point de vue de la santé financière de ses acteurs. Il y a d’un côté ceux qui présentent une bonne solvabilité et de l’autre ceux qui ont à supporter un endettement élevé et qui se trouvent confrontés à un marché ultraconcurrentiel qui pèse sur leurs marges. La sélectivité est donc de mise dans ce secteur, d’autant plus lorsqu’il s’agit d’obligations à haut rendement.
Prenons l’exemple du groupe Afflelou. Malgré sa notation «B» et un endettement élevé, cette entreprise sort du lot. En effet, grâce à des politiques de remboursement des lunettes favorables en France et à un solide ancrage sur le marché, ce groupe est parvenu à maintenir une trésorerie saine qui lui a permis d’alimenter sa croissance et qui a contribué à sauvegarder sa solvabilité.
En revanche, le cas de la chaîne de supermarchés Casino invite à une certaine circonspection. Nos analyses aboutissent en effet à la conclusion que ce groupe se trouve confronté depuis des années à une compétition intense. Par ailleurs, il a le désavantage de présenter une structure financière qui manque de clarté. La décision d’éviter d’y investir en 2023 s’est avérée judicieuse puisqu’elle nous a permis d’éviter les problématiques liées à d’éventuels défauts de paiement.
Pour tenir compte de la diversité et du caractère imprévisible des marchés, notre approche résulte d’un savant mélange de diligence et de sélectivité qui devrait nous permettre de réduire considérablement de risque de faillite, de maximiser les plus-values pour les investisseurs et de disposer d’une assise solide pour développer des stratégies «haut rendement» de qualité.