La Fed sauve des emplois mais pas des vies

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.

Houston, we have a problem

L’expansion de la pandémie de Coronavirus aux Etats-Unis a finalement provoqué un volte-face spectaculaire de Donald Trump sur le sujet. Désormais fervent partisan du port du masque et de la distanciation sociale, il est surtout inquiet de la tournure que prend sa campagne électorale. Nous croyions en début d’année que cette réélection serait pour lui une formalité et portant Joe Biden (moins «sleepy» que prévu par le clan Trump) caracole en tête des sondages avec une avance confortable. A la crise sanitaire s’ajoute une escalade des tensions géopolitiques avec la Chine et l’épisode de la fermeture brutale du consulat de Chine à Houston n’est qu’un exemple de la crise qui s’installe entre les deux géants économiques et politiques. Dans ce contexte, les niveaux de marchés parlent d’eux-mêmes: l’or tutoyait les 1900 dollars vendredi et le 10 ans Treasury passait au-dessous de 0,6% en fin de semaine dernière. Pendant ce temps, les marchés à risque faisaient comme si tout allait se passer finalement bien, avec un S&P 500 proche de 3300 jeudi soir ou un CDX high yield à 460 bp de spread (contre 510 en début de mois).  

La Fed peut enfin se retirer du marché du repo,
constatant que ce dernier est rentré dans le rang.
Powell fait le maximum

Comme l’ont déjà expliqué de nombreux brillants experts, Jim Bianco en tête, la Fed peut faire beaucoup mais ce n’est pas elle qui trouvera un vaccin! Ce qui est rassurant, c’est que la politique de la Réserve Fédérale depuis le début de cette crise est efficace. Ça marche! Même peut-être trop bien au risque de créer de nouvelles bulles. Mais comme l’a justement remarqué un ministre français, lorsque les pompiers éteignent un incendie, il ne faut pas compter les mètres-cubes d’eau! Il y a un temps pour tout et nous ferons les comptes en 2021, en se posant la fameuse question qui nous brûle les lèvres à propos du retour (ou pas) de l’inflation. Les breakevens d’inflation nous indiquent que la crainte de déflation aux Etats-Unis est en train de disparaître pour de bon: 1,60% sur le 30 ans et 1,45% sur le 10 ans nous permettent d’espérer des niveaux légèrement plus élevés à la rentrée. Un dernier point nous paraît intéressant: la Fed peut enfin se retirer du marché du repo, constatant que ce dernier est rentré dans le rang. Cela signifie que toute cette politique exceptionnelle et ultra-accommodante de la banque centrale pour juguler les effets négatifs de la crise sanitaire a eu raison du désordre sur les marchés monétaires. Cela nous amène à nous poser une question légitime: serons-nous condamnés à un QE forever?

Stratégie obligataire

En juin, nous affirmions qu’un peu de duration pure en US Treasuries pour passer l’été sereinement était une stratégie de couverture intéressante. En un mois, le rendement du 30 ans US est passé de 1,46% à 1,23%. Sur la même période, nous n’avons pas connu d’accident sur les spreads de crédit puisque le CDX Investment Grade est passé de 75 à 70 bp. La couverture en emprunts d’états n’était donc pas forcément nécessaire mais elle ne nous a pas pénalisés. Aujourd’hui, deux scénarios principaux s’offrent à nous. Le premier, dans le sillage de Wall Street va essayer de voir du positif dans le rebond de l’économie et il faudra donc privilégier le risque. Le second scénario, dans le sillage du Dr Fauci qui estime que nous allons vivre indéfiniment avec ce Covid, sera dominé par la peur. Peur d’une escalade non maîtrisée sur le continent américain et peur d’une seconde vague en Europe notamment. Si cette seconde option est privilégiée par les marchés, il conviendra de rester prudents en conservant un mélange de Treasuries classiques, de TIPS et de crédits de bonne qualité. Il y a bien un troisième scénario, qui selon nous a toutes les chances de devenir le plus probable au cours des jours qui viennent: des marchés actions qui vont valider le scénario 1 tandis que les marchés obligataires vont prudemment envisager le scénario 2. Au beau milieu de cette torpeur estivale, souvent caractérisée par des volumes de transactions plus faibles, synonymes de plus ample volatilité, il faudra rester vigilants, pragmatiques et prêts à saisir des opportunités avec humilité. Cette dernière qualité sera sans doute la clé de la réussite et de la performance car aujourd’hui, personne n’est capable d’affirmer lequel des deux scénarios est le bon.   

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