Inquiétudes sur la croissance US

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux. La stagflation est de retour… apparemment.

L’économie américaine nous a réservé quelques surprises négatives. La consommation semble en berne d’après les dernières publications de ventes au détail et de dépenses du consommateur. En général dans de tels cas, si l’on veut se rassurer, il est conseillé de se retourner vers les indices de sentiment pour savoir s’il s’agit d’un simple «coup de mou». Pas de chance, l’indice Conference board de confiance du consommateur est passé de 105,3 (révisé) à 98,3 alors que les marchés attendaient 102,5. Il ne s’agit donc pas d’une simple baisse mais d’un plongeon. Indice supplémentaire que le vent est peut-être en train de tourner, la prévision de croissance au premier trimestre de la Fed d’Atlanta vient de passer en territoire négatif! Ce qui est le plus inquiétant, c’est la raison qui pousse le consommateur à réduire ses achats et à prévoir de les réduire encore plus. Ce n’est pas la situation de l’emploi mais une crainte non dissimulée d’un retour de l’inflation dû principalement aux Trumponomics, dont le porte-drapeau emblématique est la politique de droits de douane.

La semaine a bien commencé pour les marchés de taux US!

L’inflation, parlons-en. Le fameux Core PCE cher à la Fed est sorti vendredi conforme aux attentes, passant de 2,9% (révisé) à 2,6%. Le PCE price index est également sorti sans surprise à 2,5%. On s’approche donc doucement de l’objectif de 2% mais sans garantie sur le célèbre «last mile». On constate également que le gap entre le Core et le Main se réduit et c’est tant mieux. Cependant, hier après-midi, les indices ISM ont rajouté des éléments de craintes stagflationnistes (désolé pour le néologisme). La composante New Orders est passée de 55,1 à 48,6 (donc baisse de l’activité), la composante Employment est passée de 50,3 à 47,6 (on a peut-être atteint le pic du quasi-plein emploi) et pour couronner le tout, la composante Prices Paid a explosé de 54,9 à 62,4. Autant dire que la semaine a bien commencé pour les marchés de taux US!  

Où va le 10 ans américain?

Si cela continue, la réponse à la question ci-dessus est limpide, on va se diriger tout droit vers 4%. Un peu gênant pour nous qui pensions connaître une période de stagnation dans une fourchette 4,4%-4,6%. Aujourd’hui, nous avons le même problème que la Fed qui est coincée avec son double mandat. L’inflation nous inquiète toujours et nous ne sommes pas à l’aise du tout avec ce rally mais d’un autre côté, l’activité économique commence à montrer des signes de faiblesse que nous avions ignorés jusqu’à présent. Le problème est assez simple et très compliqué à la fois: si les marchés se focalisent de nouveau sur les craintes inflationnistes, nous retournerons à 4,6% voire au-dessus mais si la stagflation est véritablement de retour, il n’est pas farfelu d’imaginer un 10 ans à 4% dans un futur proche.

Inflation contre croissance, et l’emploi dans tout ça? Il pourrait se rappeler à notre bon souvenir vendredi. Le taux de chômage sera anecdotique comparé aux créations d’emplois mensuelles. Février est attendu à +160'000 et la révision du faible +143'000 de janvier est envisageable. Nous regarderons attentivement la progression des Average Hourly Earnings (+4,1% YoY) même si Jerome Powell nous affirme que l’inflation des salaires ne crée pas d’inflation des biens de consommation.

Justement, Jerome Powell va devoir nous expliquer comment la banque centrale va gérer toutes ces publications économiques contradictoires. Dans quinze jours, nous l’attendrons au tournant sur trois sujets: le statu quo actuel de la politique monétaire, le ralentissement ou arrêt du Quantitative Tightening et enfin les Dot Plots qui nous renseigneront sur les futures décisions de politique monétaire cette année. Selon nous, la plus sage décision serait de ne rien faire, entre politique un peu plus dovish pour tenir compte du coup de fatigue de l’économie et politique un peu plus hawkish pour espérer parcourir ce «last mile» d’inflation le plus rapidement possible. En attendant, acheter du 10 ans à 4,2%, ce n’est pas intéressant. C’est soit trop tôt, soit trop tard!

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