Conjoncture américaine, les nuages s’amoncellent

Eric Vanraes, Banque Eric Sturdza

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Chronique des taux de la banque Eric Sturdza.


Nonfarm Payrolls vendredi: faites le pont du 4 juillet!

De nombreux investisseurs vont, à juste titre, s’intéresser aux statistiques de l’emploi publiées vendredi. Le consensus de marché attend un taux de chômage de 4% et 190’000 créations d’emplois en juin. Nous allons surtout regarder avec la plus grande attention si les 272’000 emplois créés de mai sont révisés à la baisse.

A la lumière de notre chronique de la semaine dernière, qui pointait du doigt un risque grandissant de remake de la crise immobilière de 2008, nous serions tentés d’affirmer, sur un ton volontiers provocateur, que les statistiques du marché de l’emploi sont devenues secondaires à nos yeux. Six mois avant la faillite de Lehman Brothers, qui a entraîné le monde dans le chaos économique, le taux de chômage s’élevait à 4,9%. Il aurait pu atteindre 4% le résultat aurait été le même. Notre préoccupation principale aujourd’hui n’est même plus l’inflation. C’est le ralentissement (voire le début de la récession) dans les secteurs hypersensibles aux niveaux de taux, immobilier en tête. C’est cet élément capital, et non le niveau d’inflation, qui va dicter la politique de la Fed.

Soulagement du côté de l’inflation

Sur le front de la macroéconomie, la semaine passée a été dominée par la publication des statistiques d’inflation PCE Deflator et Core PCE. Elles sont sorties en ligne avec les anticipations de marché, avec un Core PCE en décrue de 2,8% à 2,6%, ce qui permet de valider les bonnes nouvelles que les indices CPI et PPI nous avaient apportées un peu plus tôt dans le mois. Cette lente décrue est surtout compatible avec un retour de l’inflation vers des niveaux proches de 2% début 2025. Toutefois, le grand public pas forcément passionné par ces statistiques se sera logiquement passionné pour le grand débat qui a fait dégringoler la cote de Joe Biden dans les sondages.

Aujourd’hui, alors que nous commençons à ressentir du soulagement du côté de l’inflation, la conjoncture se rappelle à nous. Les ventes de maisons neuves plongent de 11,3% en mai (on attendait -0,2%) et si le GDP du premier trimestre est confirmé à 1,4%, la consommation des ménages est révisée de 2% à 1,5%. Nous pouvons légitimement nous demander ce que nous réserve le deuxième trimestre. Deux entreprises ont communiqué leur inquiétude à ce sujet. Walmart a signalé que le comportement du consommateur est en train de changer brutalement et que son activité pourrait en pâtir. Walgreens a dû baisser son objectif de résultat, décrivant un «challenging consumer environnement». Le management espérait que la consommation allait rester forte mais constate que ce n’est pas le cas. Si Walgreens rencontre des difficultés qui lui sont propres (ils ont annoncé en fin de semaine la fermeture de 8’600 points de ventes aux Etats-Unis), le constat fait par ses dirigeants conserve toute sa valeur: et si le consommateur américain, qui représente toujours plus des deux tiers du PIB, commençait à diminuer ses dépenses? Ce ne serait pas étonnant sachant qu’une administration Trump sera vraisemblablement mois généreuse que le tandem Biden-Yellen.

Jackson Hole, FOMC bis du mois d’août

Entre le prochain FOMC programmé le 31 juillet et le suivant qui aura lieu le 18 septembre, il est peut-être judicieux de considérer que cette année, le symposium de Jackson Hole fera office de FOMC bis. Du 22 au 24 août, il s’agira de bien analyser les propos des différents intervenants car si tout le monde est à peu près d’accord pour estimer que le FOMC du 31 juillet sera un non-événement, celui de septembre devrait être le théâtre d’une éventuelle première baisse de taux de la Fed.

Le 10 ans, qui était passé sous la barre des 4,20% mi-juin, retournait à 4,45% hier. Les taux longs se tendent de nouveau sans tendance claire. Le taux à 2 ans se retend également mais beaucoup moins et ce bearish steepening se retrouve dominé par les flux. Comme la période estivale est en général un peu moins liquide, il y aura peut-être quelques opportunités d’investissement si le 10 ans poursuit sa correction au-dessus de 4,5%. En termes de stratégie obligataire, il conviendrait d’abandonner petit à petit ce que nous appelons «les plaisirs éphémères». Ces investissements en marché monétaire ou obligataire à maturité très courte offrent encore des rendements supérieurs à 5%, mais plus pour très longtemps. Il s’agit donc de remettre petit à petit de la duration dans les portefeuilles.

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