Les répercussions d’une administration dirigée par Donald Trump se feront sentir bien au-delà des frontières étatsuniennes. Quel pourrait être l’impact de ce changement de présidence sur les marchés émergents ainsi que ses incidences au plan mondial?
Lors du premier mandat de Trump, de janvier 2017 à janvier 2021, les performances annuelles des marchés ont été de 3,17% en euros et de 6,47% en dollars. Au cours de cette période, l’indice dollar a reculé de 10% et la paire Euro/dollar US est passée de 1,05 à 1,21. Le rendement du 10 ans américain a chuté de 2,50% à 1,00%. Ces références historiques sont utiles pour planter le décor, mais elles ne présument pas des performances à venir. Les choses pourraient-elles évoluer différemment lors de ce 2e mandat?
La dynamique inflationniste
La mise en place de droits de douane résultant de la politique de Donald Trump est susceptible d’attiser l’inflation. Cependant, son impact réel dépend de plusieurs facteurs tels que l’effet de substitution (le produit importé est remplacé par un produit domestique offert à un prix similaire) ou la réponse des pays exportateurs (qui réagiraient en dépréciant leur devise par exemple). En outre, si l’immigration est fortement réduite, cela pourrait provoquer des tensions sur le marché du travail et, par conséquent, créer de l’inflation.
Une inflation plus élevée pourrait influencer les décisions de la banque centrale américaine (Fed) et, compte tenu de l’ampleur du différentiel de taux d’intérêt, cela affecterait les marchés émergents. Une Fed plus restrictive renforcerait le dollar au détriment des devises émergentes.
Taux d’intérêt US et endettement
Si le gouvernement accroît ses dépenses, il est probable que son endettement et le coût des emprunts augmenteront, ce qui pourrait déboucher sur une hausse structurelle des taux d’intérêt américains. Soulignons cependant que la corrélation entre les taux américains et la performance de la dette émergente en devises locales est relativement faible. En revanche, une appréciation du dollar a un impact plus marqué sur ces marchés qu’une augmentation des taux américains.
La dette émergente reste très attrayante, car le différentiel de croissance entre les économies développées et les économies émergentes est favorable.
Quelles perspectives pour le dollar?
Une dépréciation du dollar serait nécessaire pour satisfaire à l’ambition de Donald Trump de réduire le déficit commercial. Cependant, un dollar fort va à l’encontre des efforts de relocalisation dans la mesure où il diminue les prix des biens d’équipement importés. Au vu de la vigueur actuelle du dollar, une amélioration structurelle semble peu probable. Un dollar stable ou en baisse serait plus favorable pour les devises des marchés émergents.
Considérations géopolitiques
Anticiper l’évolution géopolitique est toujours un défi. Et même si Donald Trump souhaite résoudre le conflit ukrainien, il n’est pas certain qu’il y parvienne. Par ailleurs, le risque demeure que les tensions au Moyen-Orient s'aggravent, en particulier en Iran. Or, l’instabilité géopolitique peut se traduire par une volatilité accrue des marchés qui affecte confiance des investisseurs et freine les flux de capitaux en direction des marchés émergents.
Impacts régionaux
Amérique latine: le Mexique est souvent considéré comme le pays qui pourrait être le plus affecté par les changements de la politique américaine. Cependant, la «sunset clause» (qui prévoit l’expiration automatique de l’accord commercial entre les États-Unis, le Mexique et le Canada) n’intervenant qu’en 2026, il est probable que les échanges se poursuivront jusqu’à cette date. Il est donc possible que le président américain concentre toute son attention sur les entreprises chinoises actives au Mexique plutôt que sur une réorientation des flux d’investissements directs à l’étranger. Donald Trump pourrait se montrer moins accommodant avec des pays tels que le Guatemala ou le Honduras, ce qui constituerait un renversement par rapport à la politique de Joe Biden qui cherchait à réduire l’immigration au moyen d’aides locales.
Europe: elle est actuellement confrontée à une récession et l’introduction de nouvelles taxes douanières pourrait encore ralentir l’économie (et éventuellement faire baisser le taux de croissance de 0.5%, estime Goldman Sachs). Cela pourrait amener la Banque centrale européenne à revoir le taux terminal à la baisse, un scénario qui serait positif pour les taux d’intérêt européens. Il est probable que ces tendances se reflèteront également dans les pays d’Europe centrale du fait de leurs liens étroits avec la zone euro.
Asie: La Chine pourrait réagir aux taxes douanières imposées par les États-Unis en ajustant sa monnaie, ce qui se répercuterait sur les autres devises asiatiques. Une telle évolution se traduirait par une volatilité accrue des marchés des changes régionaux, ce qui affecterait la dette émergente libellée en devises locales.
Considérations stratégiques pour les investisseurs
Le précédent mandat de Donald Trump a été marqué par la fréquence des annonces tonitruantes de changement de politique, lesquelles ont attisé la volatilité des marchés. Il pourrait en aller de même durant ce mandat. C’est la raison pour laquelle il est important de rester axé sur le long terme. Ayant anticipé la victoire de Donald Trump, les marchés ont déjà réajusté leurs cours ces dernières semaines. Ils pourraient procéder à un nouvel ajustement, en particulier après une vente massive des bons du Trésor américain, ce qui pourrait constituer un point d’entrée intéressant pour les investisseurs.
Au sein du secteur obligataire, la dette émergente reste très attrayante, car le différentiel de croissance entre les économies développées et les économies émergentes est favorable. À long terme, ces économies devraient converger. Pour l’heure, les marchés émergents représentent 27% des obligations et 50% du PIB mondiaux.
Intégrer la dette émergente dans les portefeuilles peut être avantageux sur les plans de la diversification et des performances ajustées au risque. Actuellement, les rendements et le portage sont particulièrement intéressants, notamment en comparaison avec ceux des obligations américaines (haut rendement et de qualité investissable). En outre, les marchés frontières ajoutent à la diversification dans la mesure où ils sont faiblement corrélés avec les grands marchés émergents ainsi qu’en raison de leurs risques spécifiques.