Tour d’horizon du marché des changes

Zouhoure Bousbih, Ostrum AM

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L’euro parait vulnérable à un retournement conjoncturel face au billet vert.

© Keystone
Un pic pour le billet vert?

L’indice ICE dollar semble avoir atteint un pic en octobre 2022, qui correspond également à un pic sur l’inflation et sur les taux d’intérêt de long terme américains.

Le dollar américain bénéficie également du statut de valeur refuge en cas de hausse de l’aversion au risque sur les marchés financiers. Quatre inquiétudes dominent actuellement: la récession américaine, l’inflation, la crise des banques régionales américaines et le plafond de la dette américaine. Tous ces risques entraînent également des conséquences sur la trajectoire des taux d’intérêt et donc du billet vert. Il est donc difficile de conclure systématiquement au rôle de valeur refuge du dollar qui se traduirait par une appréciation du billet vert contre toutes les autres devises. Le pic ressemble plutôt à une pause où les investisseurs, tout comme la Fed, restent dépendent aux données.

Depuis le mois de mai, le billet vert s’est renforcé, dans le sillage de la hausse du taux d’intérêt à 2 ans qui est repassé au-dessus des 4%, reflétant la publication de données économiques meilleures qu’attendu. Ce n’est donc pas son rôle de valeur refuge, mais les anticipations de politique monétaire qui expliquent le renforcement du billet vert.

Le pire est passé mais…

La zone euro a évité la récession, grâce à la baisse des prix du gaz naturel (désormais à moins de 30 euros le mégawattheure, soit un plus bas depuis 2021), ainsi qu’aux mesures des gouvernements afin d’amortir le choc énergétique sur les consommateurs et les entreprises. L’amélioration des perspectives de croissance de la zone euro a soutenu la monnaie unique, qui est repassée au-dessus de la parité contre dollar.

La compétitivité des exportations nippones est la raison principale pour laquelle la Banque du Japon (BoJ) hésite à sortir de la politique de contrôle de sa courbe de taux d’intérêt à cause du yen.

L’euro est donc la devise qui a le plus fort positionnement acheteur parmi les principales devises. Cependant, depuis avril, les surprises économiques sur la zone diminuent.

Ainsi, une détérioration des perspectives de croissance, ainsi qu’un positionnement important pourraient mettre sous pression l’euro contre le billet vert.

Le yen manipulé?

Le yen a atteint un plus bas face au yuan depuis 30 ans, proche des niveaux de 20. La devise nipponne s’est également dépréciée contre le billet vert, proche de ses plus bas atteint en 1998.

La faiblesse du yen explique la bonne performance de l’indice NIKKEI, 17,68% depuis le début de l’année, soit une des meilleures performances du G20, juste après l’indice Nasdaq (20%). Le Japon dispose donc d’un avantage concurrentiel important pour répondre aux besoins d’investissement dans les infrastructures qui devraient augmenter dans la région. Selon le rapport, Infrastructure Financing in Asia, de l’Asian Development Bank (ADB), l’Asie émergente doit investir plus de 5% de son PIB au cours de la prochaine décennie dans les infrastructures. Cela représente plus de 22 600 milliards de dollars d’ici 2030, soit 1 500 milliards de dollars par an!

La compétitivité des exportations nippones est la raison principale pour laquelle la Banque du Japon (BoJ) hésite à sortir de la politique de contrôle de sa courbe de taux d’intérêt à cause du yen. La différence dans la dynamique de politique monétaire entre la Fed et la BoJ pourrait s’inverser et soutenir le yen, ce qui pénaliserait la compétitivité de ses exportations.

Changement de régime pour le yuan?

La devise chinoise semble amorcer un changement de tendance. Après avoir atteint, en octobre 2022, un plus bas contre dollar depuis 2015, le yuan s’est apprécié face au billet vert dans le sillage de la faiblesse de la monnaie américaine, mais également dans la perspective de l’ouverture de l’économie chinoise.

Depuis le mois de mai, le dollar s’est raffermi entraînant dans son sillage la dépréciation des autres devises, dont le yuan. Cependant, ce dernier s’est également déprécié par rapport à son panier de devises. Par ailleurs, le taux de change pivot fixé par la Banque Populaire de Chine a été maintenu à un plus bas depuis décembre 2022, suggérant une tolérance de la Banque centrale à la récente faiblesse de sa devise, tant que le mouvement reste graduel et ordonné. La reprise chinoise post-«Zéro-Covid» est lente: il est donc probable que les autorités chinoises souhaitent affaiblir le yuan pour soutenir les entreprises exportatrices pénalisées par la faiblesse du yen.

Devises émergentes: des taux réels attrayants

Les taux nominaux ont été jusqu’à présent le principal catalyseur du marché des changes, dans le sillage du resserrement monétaire global.

Cependant, plusieurs Banques centrales des pays émergents sont proches de la fin de leur cycle de hausses, voire prêtes à assouplir leur politique. Les taux d’intérêt réels seront le principal catalyseur du marché des changes, pouvant conduire à des divergences entre les devises.

Le Brésil et le Mexique ont déjà des taux d’intérêt réels positifs et élevés, ainsi qu’un profil de l’inflation en baisse.

L’évolution du réal contre dollar n’a jusqu’à présent aucun lien avec les fondamentaux du pays. En effet, en 2022, lors de l’invasion russe de l’Ukraine, la parité est passé sous les 5, puis est repassée au-dessus de ce niveau sur fond de thématique d’inflation américaine et de hausses de taux de la Fed. Les investisseurs devraient se focaliser sur les fondamentaux du pays qui s’améliorent et soutenir le réal.

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