Revue du premier trimestre et perspectives

Bruno Lamoral, DPAM

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Un indicateur de confiance à suivre, l’appétit au risque des banques commerciales qui alimentent l’économie réelle en liquidités.


«La tendance est votre alliée, jusqu’à ce qu’elle s’infléchisse», ce vieil adage boursier semble particulièrement pertinent depuis la fin du premier trimestre. Pendant que Donald Trump et son équipe s’efforcent de rendre leur panache aux Etats-Unis, les investisseurs américains vendent les «sept magnifiques» et achètent des actions européennes et chinoises. Par ailleurs, les obligations allemandes, sans risque, traversent leur période la plus mauvaise depuis la chute du mur de Berlin.

Sauf pour l’or, le «Trump trade» qui avait très bien fonctionné au quatrième trimestre 2024, a connu un renversement abrupt. Après avoir fortement progressé de la mi-septembre à la mi-janvier, les taux américains ont reculé et le dollar s’est déprécié. Cette évolution résulte en grande partie des craintes que la hausse des droits de douane ne fasse grimper les prix et pèse sur la croissance économique, ce qui déboucherait sur une stagflation. Un tel contexte compliquerait la tâche de la Fed, car le maintien des taux d’intérêt à un niveau trop élevé pendant trop longtemps pourrait déclencher une récession. 

Bilan du premier trimestre

Les craintes concernant la croissance et l’incertitude engendrée par les annonces concernant les droits de douane ne semblent guère inquiéter la Maison-Blanche. Lors de son premier mandat, Trump voyait l’évolution du S&P comme un indicateur de sa réussite. Aujourd’hui, il reconnaît que nous passons par une «période de transition» et que, par conséquent, il faut s’attendre à des temps plus difficiles.

Priorité est donnée au marché obligataire. Durant le Covid, une grande partie de la dette, refinancée à des taux bas, arrive aujourd’hui à échéance. Par conséquent, toute baisse des taux américains serait un soulagement pour tous ceux qui cherchent à se refinancer. Elle aiderait également le gouvernement à s’assurer une croissance réelle du PNB de 3%, ce qui constitue le premier pilier du plan économique du secrétaire au Trésor, Scott Bessent. 

Les évolutions actuelles des marchés sont tout à fait logiques, surtout si l’on prend en compte l’uniformité du positionnement des investisseurs en début d’année.

Même si la pression exercée sur Jerome Powell pour réduire les taux à court terme n’a pas été très concluante, le gouvernement a réalisé que l’abaissement de la partie la plus longue de la courbe des taux pouvait être un moyen efficace pour stimuler la croissance. Il existe plusieurs chemins pour y parvenir, soit au travers de l’assainissement des finances publiques, avec l’aide d’une instance dédiée à l’efficience de l’administration telle que le DOGE (Departement of Government Efficiency), soit en contraignant les partenaires commerciaux à des achats massifs d’obligations américaines à long terme. De telles mesures contribueraient également à ramener le déficit budgétaire à 3% du PIB, objectif qui constitue le 2e pilier du plan économique. 

Quant au 3e et dernier pilier, il consiste à produire quotidiennement trois millions de barils de pétrole supplémentaires d’ici 2028. La baisse du prix de l’énergie a en effet été l’un des arguments clés de la campagne de Trump pour soutenir les ménages et l’industrie. Cette hausse de production exigeant un certain temps, les Etats-Unis ont fait le choix de s’organiser à l’international avec la Russie et l’Arabie saoudite, les deux autres plus gros producteurs mondiaux de pétrole. 

En ce qui concerne la bourse américaine, les indices actions ont reperdu la majeure partie de leurs gains postélectoraux. Les mégacapitalisations ont été particulièrement touchées, ce qui se traduit par un indice S&P 500 équipondéré qui affiche une performance nettement supérieure à celle de son homologue pondéré par capitalisation. Depuis le lancement de ChatGPT en 2022, on craignait généralement que les progrès de l’IA ne renforcent la position des très grandes entreprises qui disposent à la fois de vastes quantités de données et de capitaux importants. Aussi, contrairement à ce qui s’est passé au cours de ces dernières décennies, les dix plus grosses entreprises du monde devraient connaître une faible rotation ces dix prochaines années. Seul l’avenir pourra le dire, mais il est certain que les progrès des acteurs de la Tech chinoise au dernier trimestre ont forcé au réalisme ceux qui pensaient que la Chine n’était rien qu’un vaste atelier de fabrication et que toute l’innovation technologique se faisait aux Etats-Unis.

Dans ce contexte, les évolutions actuelles des marchés sont tout à fait logiques, surtout si l’on prend en compte l’uniformité du positionnement des investisseurs en début d’année. Les privés comme les institutionnels et les hedge funds étaient très optimistes vis-à-vis des actions, notamment américaines qui représentaient près de 75% de l’indice MSCI monde.  La correction actuelle constitue donc un rééquilibrage salutaire entre les secteurs et les régions.

Les besoins en investissements étant importants, il ne faut pas s’attendre à ce que ces aides aient rapidement un impact significatif sur les bénéfices des entreprises.

Les perspectives

Tant que les données quantitatives restent solides, le risque d’une récession imminente aux Etats-Unis est nul. Cependant, il faut suivre attentivement les données plus subjectives qui jouent souvent le rôle d’indicateurs avancés.

L’accroissement de l’incertitude politique a, sans aucun doute, une influence négative sur les indicateurs de confiance. Il sera donc intéressant de voir dans quelle mesure l’appétit au risque des banques commerciales sera touché, compte tenu de leur fonction de pourvoyeurs de liquidités à l’économie réelle.

Au trimestre dernier, l’enquête de la Fed auprès des responsables du crédit a montré que, pour la première fois en trois ans, les banques américaines ont cessé de durcir leurs conditions d’octroi de crédits.  Il en va de même dans la zone euro où l’on observe une accélération du cycle de crédit, notamment aux Pays-Bas et dans les pays du sud de l’Europe. Si ce mouvement s’étend à d’autres pays et qu’il est couplé à une relance budgétaire importante, alors les prévisions de croissance actuelles devront être révisées à la hausse.

Actions européennes à risque?

Nous n’en sommes pas encore là. L’Europe s’est réveillée, mais il faudrait encore qu’elle se remette en route. Plus de la moitié des fonds prévus dans le cadre de la facilité pour la reprise et la résilience (FRR), instrument du plan de relance Next Generation EU, n’ont pu être investis, car les pays ne satisfont pas aux conditions d’octroi de ces aides. Par ailleurs, comme l’a montré le rapport Draghi, l’Europe est confrontée à de nombreux problèmes et en particulier à un coût élevé de l’énergie qui plombe son secteur industriel.

Les besoins en investissements étant importants, il ne faut pas s’attendre à ce que ces aides aient rapidement un impact significatif sur les bénéfices des entreprises. Par ailleurs, l’annonce d’une augmentation des dépenses publiques ayant entraîné une forte hausse des taux à long terme, cela pourrait freiner les investissements privés.

Historiquement, on constate que le durcissement des conditions de crédit commence en général à se répercuter négativement sur l’économie avec un délai de deux à trois mois, ce qui pourrait éventuellement mettre fin à la surperformance des actions européennes.

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