Revenir sur les actions européennes

Emmanuel Ferry, Evooq

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Le vrai défi pour l’investisseur en actions européennes est de définir le degré de risque absolu de son portefeuille.

Une exposition indicielle passe à côté de la véritable opportunité en Europe, à savoir les sociétés de taille moyenne, cycliques pour la plupart et donc pénalisées en 2020, mais mieux gérées que leurs homologues d’outre-Atlantique et offrant un vrai levier sur le cycle mondial.

De la décennie perdue au sursaut de 2020

Les Actions européennes sont devenues la classe d’actifs la plus mal-aimée des investisseurs, conséquence logique d’une sous-performance quasi-ininterrompue depuis plus de dix ans. Pourtant, si la réponse à la crise de 2008 avait été calamiteuse, l’Europe se distingue cette année par sa gestion de la pandémie et la rapidité de la réouverture de son économie. Il semble qu’une prise de conscience se soit opérée avec l’accord sur le plan de relance de la Commission Européenne. Doté d’une enveloppe de EUR 750 Md, c’est le premier exemple d’un plan de relance européen qui repose sur une mutualisation fiscale. C’est un tournant majeur, qui prouve que les erreurs du passé ont été comprises et ne seront pas répétées. Cela permet d’écarter les craintes d’une fragmentation politique définitive, qui étaient encore présentes il y a quelques semaines. Les progrès réalisés sur le plan politique commencent à avoir un impact visible, mais qui pour l’heure reste surtout cantonné aux marchés des changes et de la dette souveraine. La parité EURUSD a progressé au-delà de 1.18 dollars contre un creux à 1.07 en mars, tandis que le spread Italie - Allemagne s’est resserré de plus de 100 points depuis le printemps.

Les Actions européennes peuvent constituer un choix gagnant
dans l’environnement de reprise post-virus.

Le bilan reste plus mitigé en ce qui concerne les marchés Actions. L’indice MSCI Europe a bien participé au rebond généralisé depuis la fin du printemps, mais il peine à rattraper le retard accumulé depuis le début de l’année par rapport à l’indice mondial. Les Actions européennes peuvent constituer un choix gagnant dans l’environnement de reprise post-virus, mais à condition d’adapter les choix d’investissements au contexte particulier du continent. Les profits en Europe sont à la traîne des Etats-Unis depuis des années. Mais une part significative de la croissance bénéficiaire aux USA - celle qui provient des petites et moyennes entreprises - a été artificiellement gonflée par un levier financier excessif, ce qui a provoqué un ajustement brutal lorsque l’impact économique du COVID-19 s’est fait sentir. La résistance relative des profits en Europe lors du choc de 2020 provient d’une gestion financière des entreprises plus prudente, qui se traduit notamment par un endettement plus faible.

Un marché pour la gestion active

La raison du rattrapage décevant de l’Europe tient en grande partie à l’absence d’acteurs majeurs de la technologie au sein des indices européens – les GAFAM  (Google, Amazon, Facebook, Apple, Microsoft) étant les principaux moteurs de la hausse récente des actions mondiales. On constate qu’en Europe les petites et moyennes capitalisations ont surperformé les grandes sur les dix dernières années, à l’opposé de ce qui s’est passé aux Etats-Unis. L’univers européen offre un large vivier d’entreprises bien exposées à la croissance mondiale et ayant bénéficié d’une stricte discipline financière de la part de leurs dirigeants, tandis qu’aux Etats-Unis, les politiques pro-actionnariales à courte vue menées ces dernières années ont fini par plomber les bilans de beaucoup d’entreprises dans des proportions préoccupantes.

Reprendre du risque via une augmentation de l’allocation
sur les Actions européennes prend tout son sens.

L’investissement en Actions européennes requiert donc une gestion active et déconnectée des indices. Si les indices américains sont attractifs grâce aux GAFAMs (qui représentent plus d’un quart de la capitalisation US), les indices européens sont le reflet des erreurs de la décennie passée, entre d’une part une représentation encore forte d’un secteur financier surexposé à la croissance domestique et sur-régulé, et d’autre part le poids grandissant de quelques géants de l’alimentaire, de la pharmacie ou du luxe, performants mais chers et offrant finalement peu de levier dans le cas d’un scénario de reprise. Une stratégie purement indicielle passerait donc à côté de la véritable opportunité en Europe, à savoir les sociétés de taille moyenne, cycliques pour la plupart et donc pénalisées en 2020, mais mieux gérées que leurs homologues d’outre-Atlantique et offrant un vrai levier sur le cycle mondial.

Innover dans la gestion du risque

Au-delà du positionnement par rapport aux indices, le vrai défi pour l’investisseur en Actions européennes est de définir le degré de risque absolu de son portefeuille. Le pari gagnant des gérants actifs ces dernières années a été de surpondérer les sociétés les plus solides, tant du point de vue de la profitabilité que du bilan. Un choix auquel nous souscrivons, mais avec quelques réserves. Un positionnement défensif est aujourd’hui très cher et risque de sous-performer durablement si un cycle de reprise devait véritablement s’enclencher. A l’opposé une stratégie ultra contrariante est sans doute encore trop prématurée à ce stade, compte tenu des pressions déflationnistes structurelles et de l’aversion au risque solidement ancrée. Nous avons développé un processus innovant de gestion du risque, qui s’appuie sur une approche multi-facteurs plutôt que sur une mesure unique. Nous intégrons à la fois la dimension fondamentale et la dimension marché ainsi que plusieurs horizons temporels. Mais ce qui distingue avant tout notre méthodologie, c’est le fait qu’elle se focalise en priorité sur les risques extrêmes. L’idée est d’identifier les entreprises dont les mesures de risque sortent significativement de la norme afin de pouvoir limiter au maximum l’exposition du portefeuille sur ce type de profils, sans pour autant pénaliser les entreprises ne présentant que des risques modérés. Une telle approche semble particulièrement adaptée au contexte économique européen. Elle permet une plus grande flexibilité en terme de construction de portefeuille par rapport aux approches défensives plus classiques qui induisent des biais de concentration significatifs sur les pays ou secteurs les moins cycliques, ce qui nous semble peu adapté dans le contexte actuel. Une telle approche permet de surperformer dans les phases de croissance médiocre, tout en préservant les gains lors des phases d’expansion et de normalisation. Dès lors, reprendre du risque via une augmentation de l’allocation sur les Actions européennes prend tout son sens.

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