Restez investi

Emmanuel Ferry, Evooq

2 minutes de lecture

Le marché regarde «l’autre versant de la vallée» de la récession. Reprendre du risque est une nécessité, sans ignorer les risques à venir qu’il faudra intégrer.

C’est un nouveau cycle qui se dessine à partir du point bas créé par la crise du Covid-19. La surpondération en Actions semble justifiée à ce stade post-crise, phase habituellement associée à des rendements à deux chiffres. Mais la persistance de fragilités structurelles (déflation, excès d’endettement, trappe à liquidité, moins de croissance nominale) justifie un positionnement modéré en risque, qui peut se résumer en trois thématiques: 1. approche qualité dans le stock picking toujours et encore; 2. diversification en dehors des classes d’actifs traditionnelles qui sont en voie de raréfaction; 3. gestion active des stratégies de couverture.

Les investisseurs doivent continuer à augmenter le risque dans les portefeuilles. La question ne porte plus sur la nature du profil de reprise (V, U, W, L, I, …), mais plutôt sur la vitesse de réallocation des liquidités accumulées par les investisseurs depuis 2018. Elles représentent aux Etats-Unis près de USD 5 trillions (25% du PIB), contre un précédent pic de 4 trillions en 2009 et 2.5 en 2002. Cela permet d’accepter, du moins à court terme, des pics de valorisation (P/E prospectif à 21.5x pour les Actions mondiales, plus haut niveau depuis 2002), car le marché l’interprète comme un poids bas du cycle des bénéfices. Or, le marché Actions n’est pas particulièrement en avance par rapport au redressement des attentes des analystes sur les perspectives bénéficiaires. La raréfaction du gisement des actifs financiers est une conséquence directe de l’action des banques centrales: contrôle de l’ensemble de la courbe des taux d’intérêt et achats de dette Corporate. Les Actions deviennent la seule classe d’actifs capable de valoriser le risque. Or, le niveau élevé de la prime de risque réelle à 330pb ne repose pas exclusivement sur la faiblesse des taux réels mais surtout sur une stabilité à un niveau encore élevé du earning yield (4%).

Les autorités seront de plus en plus réticentes à fermer
les économies et le système sanitaire est mieux préparé.

Il faut néanmoins intégrer dès à présent une possible résurgence des risques, dont celui d’un seconde de vague de contamination. Depuis la mi-avril, le P/E des marchés Actions a été étroitement corrélé (à hauteur de 80%) avec le nombre de cas de Covid-19. Ainsi, le replis par rapport au plus haut niveau des marchés le 9 juin est à relier directement avec la remontée des cas aux Etats-Unis. Le marché est donc vulnérable à une recrudescence de la pandémie. Toutefois, les autorités seront de plus en plus réticentes à fermer les économies et le système sanitaire est mieux préparé. Enfin, les investisseurs, qui ont maintenu une sous-pondération Actions, vont probablement se renforcer à l’occasion de séances de consolidation. Les élections présidentielles américaines qui auront lieu le 3 novembre 2020 vont cristalliser les inquiétudes à partir du mois d’août, comme lors de chaque élections très ouvertes. Le nouveau paquet fiscal de USD 1 trillions attendu en juillet va porter le déficit public des Etats-Unis à près de 25% en 2020, associé à un taux d’endettement proche de 140% du PIB. Les craintes d’une reprise conjoncturelle avortée (après 3-6 mois contre une durée habituelle de reprise de 12 à 24 mois) combinées avec la levée progressive des mesures de soutien à partir du mois de septembre sont fondées. Mais l’hypothèse d’une nouvelle phase de reflation monétaire devrait limiter l’ampleur de la correction. Le Put des banques centrales et maintenant des Etats est solidement ancré.

Il faut donc rester investi, tout en privilégiant les thèmes compatibles avec un contexte macro-financier atypique. Le risque Actions doit être diversifié par des stratégies décorrélées et orthogonales.

A lire aussi...