Quelques pistes pour les banques européennes

Alexandre Stachtchenko & Stanislas Barthélémi, Blockchain Partner by KPMG

2 minutes de lecture

Chronique blockchain. Après une défiance assumée en 2017, les banques, principalement américaines, changent vite leur fusil d’épaule.

BNY Mellon, Morgan Stanley, JP Morgan, StateStreet ou Citi ont fait état dernièrement de leur volonté de lancer des services autour des cryptoactifs. 

Suite à un rapport très positif décrivant le bitcoin comme la «monnaie de préférence» du commerce mondial (mars 2021) à terme, l’un des patrons de Citibank ajoutait le 7 mai dans le Financial Times, «Je n'ai pas peur de rater quelque chose1 car je crois que la crypto est là pour rester et que nous ne sommes qu'au tout début du marché.»

Entre 14% et 22% des Américains détiendraient des cryptos
avec un ticket moyen d’environ 10'000 dollars.

Et pourtant, en tant qu’acteur financier, il y a une urgence à s’informer et à proposer des services aux clients particuliers et professionnels pour plusieurs raisons:

  • La demande est déjà présente avec environ 135 millions de détenteurs de cryptoactifs dans le monde. Si l’on compare cette croissance à celle d’internet, ce nombre atteindrait 1 milliard en 20212.
    - Pour les seuls USA, d’après deux études commandées par Gemini & NYDIG, entre 14% et 22% des Américains détiendraient des cryptos avec un ticket moyen d’environ 10'000 dollars.
     
  • Les nouveaux acteurs natifs du secteur ont déjà un appétit dépassant le seul service d’échange de cryptomonnaies. Ils proposent du dépôt contre rendement, un accès à de la donnée, des médias et des services financiers traditionnels comme les cartes bleues
    - Coinbase vaut 55 milliards de dollars au 11 mai, rassemble 56 millions de clients (soit plus que la plus grande banque européenne) et sécurise 10% de tous les cryptoactifs.
    - Binance génère 1 milliard de dollars de bénéfices au premier trimestre 2021 et les volumes quotidiens sur la plateforme avoisinent 60 milliards. 
    - Un dealflow de M&A dynamique: Les acteurs de custody sont prisés et deviennent un enjeu stratégique majeur (BitGo & Curv acquis depuis début 2021) 
     
  • Les fintechs aussi entrent dans la danse et génèrent déjà du revenu: 
    - Square a réalisé 75 millions de chiffre d’affaires au premier trimestre 2021 en commissions prélevées sur le change
    - Robinhood figure dans le Top10 des applications mobiles les plus téléchargées avec Coinbase en numéro 1

Il existe un risque fort que les acteurs nouveaux tels que BlockFi, Coinbase, Square et autres se taillent la part du lion et prennent le pas sur les institutions traditionnelles. D’ailleurs, beaucoup d’utilisateurs et détenteurs de cryptos utilisent déjà une combinaison entre leur banque traditionnelle et un acteur natif. Si demain l’acteur natif propose des services plus simples et à l’expérience utilisateur adaptée, combien feront le grand saut? 

UBS, ING, Deutsche Bank et Santander ont déjà indiqué
en Europe avoir des velléités sur le secteur. 

Dans l’étude de NYDIG, à la question «Etes-vous prêt à changer de banque pour un établissement  proposant des services liés à la crypto?», 71% des sondés répondent par l’affirmative. 

UBS, ING, Deutsche Bank et Santander ont déjà indiqué en Europe avoir des velléités sur le secteur. 

Pour les autres acteurs, la question n’est plus de savoir s’ils prendront ou non la vague, mais quand? 

Afin de rattraper le retard, les initiatives suivantes sont à considérer: 

  • Acculturer toute l’organisation à ces sujets sous l’angle stratégique
  • Proposer une exposition aux cryptoactifs à ses clients avec des partenaires 
  • Proposer la conservation des cryptoactifs pour le compte de clients puisqu’à terme, la majorité des détenteurs auront leurs actifs cryptos sécurisés par ce biais 
  • Donner accès à des services et à des produits de la finance décentralisée pour rendre productif les cryptos en recrutant les expertises techniques et financières nécessaires (aussi appelés stratégistes dans le monde de la DeFi) 

Une telle adoption de la part du secteur privé aurait des conséquences positives en matière de compétitivité, ainsi que de souveraineté face à des acteurs étrangers, de plus en plus puissants économiquement dans le secteur. L’accès à une nouvelle infrastructure financière et à de nouveaux services est en jeu.

 

1 Itay Tuchman, responsable mondial des opérations de change de Citigroup, a utilisé le terme de FOMO: Fear of Missing Out.
2 Il y avait environ 120 millions d’utilisateurs d’internet en 1997.

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