Private Equity & illiquidité: l’union fait la force

Jacques Chillemi & Pavel Ermoline, Hermance Capital Partners

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Les investissements en marchés non cotés n’ont cessé de croître au cours de la dernière décennie.

Les mérites de la classe d’actifs sont bien connus mais une caractéristique freine certains investisseurs: l’illiquidité. Cet attribut structurel du Private Equity est souvent cité parmi les désavantages, tout en étant largement accepté par les investisseurs ayant un horizon d’investissement à long terme. Ainsi, depuis plusieurs années nous remarquons l’émergence de véhicules cherchant à proposer une alternative aux fonds fermés classiques, en promettant une liquidité. Parmi ceux-ci, des approches indicielles d’investissement, des véhicules côtés, et des fonds ouverts. Malheureusement, ces solutions souffrent de plusieurs limitations, qui réduisent leur potentiel de rendement.

L’approche indicielle, via des indices tels que le LPX 50, est souvent utilisée comme benchmark au Private Equity, mais repose sur une promesse trompeuse. En effet, ces indices capturent une exposition via des instruments côtés, en incluant notamment des sociétés de gestion d’actifs tels que Carlyle, KKR, Apollo, ou encore Blackstone. Les rendements de ces indices découlent donc en partie de la performance de ces grands groupes, contrairement à une réelle exposition aux sociétés non-cotées.

L’épisode de volatilité du printemps 2020 illustre ce manque de résilience,
avec des décotes pouvant parfois atteindre près de 60%.

Les véhicules côtés, investissant dans un portefeuille de fonds ou de sociétés non cotées, offrent un accès immédiat et ce pour des tailles d’investissement modestes. Néanmoins, si certains atteignent une taille significative, la plupart sont pénalisés pas un faible volume rendant la liquidité très relative. De ce fait, ces fonds traitent souvent à une décote importante à la NAV et sont sensibles aux mouvements de marché. L’épisode de volatilité du printemps 2020 illustre ce manque de résilience, avec des décotes pouvant parfois atteindre près de 60%, rendant l’option de sortie rédhibitoire. Le profil rendement-risque de ces alternatives semble ainsi peu attractif: le rendement est pénalisé par une fiscalité parfois moins avantageuse, des coûts de structure importants et une volatilité élevée. La liquidité est ainsi chère payée, à noter que celle-ci a tendance à disparaitre au moment où l’investisseur en le plus besoin.

La troisième solution, via des fonds ouverts, est souvent réservée à des stratégies dont le sous-jacent est relativement liquide, tel que l’immobilier à rendement. En effet, comme les distributions réalisées sur les actifs existants sont utilisées pour servir les investisseurs sortants, des investissements peu liquides tels que du Buyout peuvent difficilement s’inscrire dans ce cadre. Certains fonds ont ainsi eu mauvaise presse en garantissant une liquidité tout en étant massivement exposé à des actifs illiquides. Des situations de volatilité entrainent alors l’actionnement de «gates», limitant les sorties, où pire, la vente d’actifs à prix lourdement décotés pour rembourser les investisseurs sortants, au détriment des autres participants. De notre point de vue, la promesse de liquidité est fallacieuse lorsque les sous-jacents sont illiquides.

Finalement, les fonds cotés ou ouverts sont souvent pénalisés à deux niveaux supplémentaires. D’abord, par la gestion de la trésorerie, avec des montants non-négligeables pouvant reposer sur le bilan en attente de réinvestissement. Mais aussi par une sur-diversification, diluant l’alpha de certains investissements.

La meilleure solution pour investir sur les marchés non cotés consiste donc à accepter l’illiquidité et d’en inclure les caractéristiques lors de la construction du portefeuille. En effet, l’illiquidité est nécessaire aux fonds de Private Equity, qui ne peuvent se permettre le luxe de subir les tempêtes boursières pouvant mener à une cristallisation de pertes au plus mauvais moment. Les investisseurs de long terme devraient donc se limiter à la structure classique des fonds fermés et non coté afin de bénéficier au maximum du potentiel de création de valeur et de performance du Private Equity.

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