Obligations liées au développement durable: démarrage en trombe

Ronald Van Steenweghen, DPAM

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Les obligations liées à la durabilité (SLB) gagnent en popularité, mais suscitent des critiques.

Les obligations liées au développement durable ou Sustainability-linked bonds (SLB) sont toujours plus prisées par les investisseurs, notamment depuis la publication des «Principes applicables aux Obligations liées au Développement Durable» par l'International Capital Market Association (ICMA) en juin 2020(1), et à la suite de la décision prise par la Banque centrale européenne quelques mois plus tard d'ajouter les SLB à son programme d'achat d'actifs et de les accepter comme garanties. Ces obligations représentent en effet un moyen de développer le rôle clé que les marchés de la dette jouent dans le financement et la promotion des entreprises qui contribuent au développement durable. 

Le taux de croissance de l'espace naissant des SLB est spectaculaire. Ce segment représente moins de 2% des 2’000 milliards de dollars du marché de la dette ESG, contre plus de 70% pour les obligations vertes (Green Bonds ou GB). Cependant, en mai de cette année, 20% de l'ensemble des nouveaux emprunts ESG ont été émis sous le format SLB, ce qui laisse entrevoir de solides perspectives pour l'avenir.

En effet, pour réussir la transition vers une société à faibles émissions de carbone et plus inclusive, il est indispensable de ne pas se limiter aux obligations vertes. Il est nécessaire d’élargir la palette des investissements et des financements à différents secteurs et tailles d’émetteurs. Les SLB sont un excellent instrument pour responsabiliser ces derniers et favoriser leur engagement en matière de durabilité.

Des obstacles conséquents à dépasser 

Les SLB ont toutefois leurs détracteurs. Certains dénoncent un problème moral au cœur de la structure de l'instrument, car les investisseurs sont récompensés lorsqu'un émetteur n'atteint pas ses objectifs de durabilité. Un autre inconvénient réside dans la difficulté à mesurer systématiquement l'impact direct des SLB, puisque les émetteurs ont une totale discrétion sur l'utilisation des fonds. En outre, compte tenu de la grande flexibilité du cadre SLB, de la croissance explosive de ce segment naissant et de la formidable demande pour les investissements ESG, il existe un risque élevé de comportement opportuniste, d'allégations trompeuses et d’écoblanchiment.

Les dimensions sociales et de gouvernance de la durabilité sont loin de bénéficier du même niveau de consensus que celui dont bénéficie l’environnement.

Les principes des SLB développés par l'ICMA sont bien sûr d'une grande utilité pour faire la part des choses et des audits de tierces parties sont souvent disponibles et fournissent des indicateurs clés et des cadres d'évaluation pratiques. Cependant, si les impacts environnementaux bénéficient aujourd'hui de mesures et d'objectifs consensuels reconnus, tels que la neutralité carbone d'ici 2050 ou la réduction de 50% des émissions de CO2 d'ici 2030, les dimensions sociales et de gouvernance de la durabilité sont loin de bénéficier du même niveau de consensus et de sophistication en ce qui concerne les méthodologies, les concepts et les objectifs.

Il n'existe pas de solution miracle pour garantir la crédibilité des SLB, c'est pourquoi les spécialistes de l'investissement responsable sont si importants pour ce type d’instrument. L'investissement dans les SLB demande des analystes qu'ils fassent jouer pleinement leur expertise de recherche afin d'élaborer une vision holistique du profil de durabilité des émetteurs.

De multiples atouts

Les taux de croissance élevés, tant pour les SLB que pour les obligations vertes, devraient se maintenir. Nous prévoyons une augmentation du marché des SLB de 100 milliards de dollars au cours des 12 prochains mois, tandis que les obligations vertes devraient croître de plus de 750 milliards de dollars au cours de la même période. Le potentiel des SLB est énorme, mais nous estimons peu probable une entrée des émetteurs souverains à court terme et le travail à accomplir sur les plans de l'harmonisation, de la transparence et de la validation par des tiers reste encore considérable.

Néanmoins, grâce à une gestion active fondée sur la recherche crédit ESG, l'investissement en SLB offre de nombreux avantages : un potentiel financier attractif, une plus grande diversification du risque de crédit, une opportunité de créer des portefeuilles plus durables et d'inciter les entreprises à réaliser des progrès réels et significatifs en matière d'ESG. 

 

(1) L’ICMA définit les SLB comme «des titres de dette dont les caractéristiques financières et/ou structurelles peuvent varier selon que des objectifs de performance de durabilité/ESG prédéfinis sont atteints ou non par l’émetteur. Ainsi, les émetteurs s’engagent expressément (…) sur des améliorations futures de leurs résultats en matière de durabilité selon un calendrier prédéfini». La variable financière porte fréquemment sur le coupon, dont le montant augmentera si l’émetteur n’atteint pas les objectifs de durabilité fixés au moment de l’émission.

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