Quand le climat devient politique mondiale

Peter de Coensel, DPAM

3 minutes de lecture

Le temps des discours est terminé, il faut passer à l'action!

Points clés à retenir
  • La COP 26 constituera un moment historique que les dirigeants politiques devront saisir afin de mettre en œuvre une réduction immédiate des émissions de gaz à effet de serre. 
  • Les mesures fiscales et monétaires relatives à la politique climatique se mêleront aux mesures traditionnelles. Les mécanismes actuels de réponse des banques centrales seront adaptés aux réalités climatiques. La recherche n'en est qu'à ses débuts dans ce domaine, mais elle doit faire l'objet d'une attention particulière.
  • Les aspirations en matière de politique fiscale au niveau supranational témoignent de grandes ambitions. Toutefois, un sentiment d'urgence est nécessaire au niveau des états pour qu'un changement de tendance se produise d'ici 2030. Et un temps précieux a déjà été perdu.
Climat et politique mondiale

La Commission européenne (CE) a annoncé le programme «Fit for 55», visant à réduire les émissions de gaz à effet de serre (GES) de 55% d'ici 2030, en utilisant 1990 comme référence. Le plan propose 12 politiques axées sur l'énergie, l'industrie, les transports et le chauffage des bâtiments, qui incitent les industries et les ménages à s'orienter vers un éventail d'énergies plus vertes. Et un système inédit de tarification du carbone aux frontières, sur les importations de biens à fortes émissions produits en dehors de l'UE, a été proposé par la CE. Mais il faudra au moins deux ans pour que les négociations aboutissent.

Les actions prometteuses des USA, de la Chine et de l’UE
sont loin d'atteindre l'objectif de l'accord de Paris.

Malgré des propositions inspirées, telles que l'interdiction de la vente de nouvelles voitures à moteur à combustion d'ici à 2035, l'ambition reste limitée et l'ONU tire la sonnette d'alarme. Les actions prometteuses des Etats-Unis, de la Chine et de l'Union européenne sont loin d'atteindre l'objectif de l'accord de Paris, à savoir une limite de 1,5°C. Le Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat (GIEC) préconise une baisse des émissions mondiales de 45% en 2030 par rapport aux niveaux de 2010 afin d'atteindre un niveau net zéro en 2050, ce qui limiterait le réchauffement à environ 1,5°C. Mais les pays jouent avec les années de référence et les ambitions diffèrent selon l’année de référence. Les objectifs de réduction des GES doivent être exprimés en chiffres absolus ainsi qu'en séries d'empreintes par habitant. Et a l'heure actuelle, les émissions mondiales de GES continuent d'augmenter. 

Si l'on considère le nombre d'habitants, la Chine et les Etats-Unis portent une lourde responsabilité, puisqu'ils sont responsables d'environ 40% des émissions mondiales de GES. Malheureusement, en 2021, les contributions déterminées au niveau nationale (CDN) indiquent qu’il n’aurait qu’une réduction d'environ 1% des GES d'ici 2030, ce qui tranche radicalement avec le chiffre de 45% requis par le GIEC. Il passe à 25% si nous souhaitons rester en dessous d'une hausse de 2°C du réchauffement climatique. Le chiffre de 55% reste un compromis, dans la mesure où les 27 Etats membres de l'UE devraient réduire leurs émissions d'environ 10% de plus pour respecter les objectifs de l'accord de Paris. La mise en place de politiques fiscales qui soutiennent l'atténuation des risques et le changement de comportement sur les questions environnementales est une condition nécessaire mais pas suffisante!

La politique monétaire doit augmenter les chances de succès. La Banque centrale européenne (BCE), la Banque d'Angleterre (BoE) et la Banque du Japon (BoJ) ont toutes intégré le risque climatique dans leur dispositif politique. Les banques centrales peuvent orienter les canaux de financement des gouvernements et des entreprises à l'échelle mondiale. Dès que le coût du financement deviendra attractif pour les acteurs et les leaders qui encouragent les progrès environnementaux, les entreprises et les gouvernements à la traîne commenceront à y prêter attention. Dans de nombreux cas, l'environnement pourrait devenir un objectif prioritaire de la stratégie. 

Les politiques climatiques fiscales et monétaires
devraient se renforcer mutuellement.

La politique monétaire pourrait également faciliter le financement d'entreprises existantes ou futures qui stimulent l'innovation en général ou les avancées technologiques en particulier. Les politiques climatiques fiscales et monétaires devraient se renforcer mutuellement. Encore une fois, si l'on considère le gigantesque défi mentionné ci-dessus, cela nécessitera des niveaux modestes de coût de financement. Comme la scène est mondiale, une convergence des taux à long terme à l'horizon 2030 semble possible. Une trajectoire qui maintient les taux gouvernementaux, ainsi que les taux de financement des entreprises, ancrés autour des niveaux actuels.

Raccourcissement du cycle?

A moyen-terme, un cycle économique plus court pourrait être envisagé, à mesure que la pandémie de COVID-19 est maîtrisée. La réouverture mondiale a provoqué de nombreuses frictions dans les chaînes de demande et d'approvisionnement. Cependant, elle a fait preuve d'une étonnante résilience et capacité à rebondir. La rapidité à laquelle les écarts de production pourraient se combler contient également les signes d'une fin précoce de ce cycle. On peut s'attendre à ce que la surchauffe conduise à un resserrement responsable de la politique monétaire dans les économies des pays développés et des pays émergents. Ains, récemment la Nouvelle-Zélande a mis fin à son programme d'assouplissement quantitatif. Plusieurs autres pays développés vont suivre.

La Fed annoncera le «début de la réduction des taux d'intérêt début 2022» d'ici la fin de l'été. Cette annonce rime avec la hausse des marchés obligataires au cours du dernier mois et demi, puisque les marchés obligataires américains, puis européens, ont choisi le «cycle court» comme scénario de base. Dans le cadre d'un cycle court, il faut s'attendre à ce qu'un cycle complet de hausse des taux d'intérêt soit modeste par rapport aux 40 dernières années. Le taux directeur final de la Fed américaine ne se situera pas entre 2,25% et 2,50%. Nous pourrions «seulement» atteindre 1,25%-1,50%. Cela pourrait expliquer le dynamisme des marchés de taux américains. Elle est également liée aux défis à plus long terme mentionnés ci-dessus. Les investissements environnementaux favorables à la fiscalité auront un faible retour sur investissement dans le jargon des entreprises, mais un retour sur investissement élevé pour l'homme et la planète. L'imposition de taux réels négatifs sur la scène mondiale des investissements est un sous-produit de cette réalité complexe.

Corrections du marché

A court terme, ce qui pourrait déclencher une correction du marché est le plus facile à mettre en évidence: les marchés traitent les nouvelles vagues COVID comme un risque résiduel. Dès que le risque de base et le risque résiduel s'inversent, la correction pourrait être brutale. Les niveaux de vaccination sont décevants dans les différents pays développés et presque inexistants dans les pays émergeants. Mais la vaccination finira par entraîner une immunité collective et la COVID-19 ne sera plus qu’une grippe.

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