Où en est la croissance française après l’été?

Bruno Cavalier, ODDO BHF

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Faut-il enterrer d’un même élan la reprise économique et l’agenda de réformes structurelles? S’il faut une réponse courte, elle est négative.

© Keystone

D’un été à l’autre, la situation économique française a notablement changé. Il y a un an, l’élection de Macron avait provoqué le soulagement chez les investisseurs, suscité de larges espoirs de réforme, le tout s’accompagnant d’une vive accélération de la croissance. Ces derniers mois, les horloges se sont toutes déréglées. Faut-il enterrer d’un même élan la reprise économique et l’agenda de réformes structurelles? S’il faut une réponse courte, elle est négative. Mais en l’absence de marges d’assouplissement budgétaire, tout devient beaucoup plus compliqué.

L’économie française a subi au premier semestre 2018 une baisse de régime qui se distingue de ce qu’on a observé dans le reste de la zone euro par son ampleur et par sa cause. D’une part, le rythme de croissance instantanée du PIB réel a baissé de 0,5 point en France, deux fois plus que dans le reste de la zone euro. D’autre part, alors que le freinage dans les autres pays est surtout imputable à la demande extérieure, autrement dit à des facteurs pour partie exogènes, en France il est dû aussi à un affaiblissement de la demande intérieure, en l’occurrence des dépenses des ménages. A première vue, le ralentissement économique paraît lourd de conséquences. Cela se voit dans le projet de budget pour 2019 ou dans le décrochage marqué des indices de popularité du président et du gouvernement. Une croissance médiocre génère moins de recettes fiscales, rend les arbitrages budgétaires plus complexes, crée moins d’emplois et in fine fabrique plus de mécontents.

Les indices de sentiment des entreprises
ont cessé de se dégrader durant l’été.

Il faut maintenant examiner quand et dans quelle forme l’économie française va sortir du trou d’air. Tout d’abord, une remarque positive. Après environ six mois de baisse, les indices de sentiment des entreprises ont cessé de se dégrader durant l’été et, dans certains cas, se sont même un peu repris. Selon l’INSEE, la confiance continue de s’éroder dans l’industrie, le secteur le plus exposé aux tensions commerciales, et, à y regarder de près, c’est dû en bonne partie à la production automobile. Dans les services et la construction, la confiance des entreprises est stabilisée à un haut niveau. En somme, le climat des affaires se situe bien au-dessus de sa moyenne historique, il est cohérent avec une croissance d’environ 2% l’an. Le nowcast de la Banque de France indique un rebond dès le troisième trimestre.

Ensuite, il est notable que les dépenses d’investissement des entreprises restent bien orientées dans tous les secteurs (les rares exceptions du premier semestre ont été l’agriculture et les services aux ménages). Le crédit bancaire pour les dépenses d’équipement ne faiblit pas, sur une pente de 7-8% par an. Les entreprises sont de plus les principales bénéficiaires des allègements d’impôts et de  charges. Le cycle de l’investissement productif, amorcé en 2015, est donc particulièrement vigoureux. On ne peut pas en dire autant de l’investissement des ménages. Les mises en chantiers et les permis de construire fléchissent depuis le début de l’année. Les dépenses de logement résidentiel ont stagné au premier semestre, après seulement deux années de redressement. Plusieurs facteurs sont en cause. De manière générale, le logement connaît de manière presque continue des changements réglementaires (la loi ELAN) et fiscaux (la création d’un impôt sur la fortune immobilière). Cela crée de l’attentisme. À cela s’ajoutent les incertitudes sur le revenu disponible.

France: dépenses d'investissements

Source: INSEE, ACOSS, Oddo BHF Securities

En début d’année, les ménages ont subi une vive envolée de leur facture énergétique et simultanément une hausse de leurs impôts. Le pouvoir d’achat du revenu disponible a ainsi baissé de 0,5% t/t au premier trimestre, un recul inégalé depuis le matraquage fiscal consécutif à l’élection de François Hollande en 2012. Ces derniers jours, à l’occasion de la présentation du projet de budget 2019, le gouvernement a intensifié ses efforts, par voie de presse, pour tenter de redresser le tir en promettant des baisses d’impôt. Ces efforts nous semblent vains. Avec un déficit public qui frôle la limite de 3% du PIB et des dépenses publiques à 55% du PIB, il n’y a pas – et il ne peut y avoir – de marge de manœuvre pour baisser les impôts de manière significative et durable.

Au bout du compte, les perspectives de l’économie française dépendent en bonne part de l’évolution de l’emploi. Des informations anecdotiques venant du secteur de l’intérim ont été négatives. Mais d’autres données plus générales suggèrent que le marché du travail continue de se raffermir. Il en va ainsi des  embauches sur contrats longs ou de l’indice INSEE sur le climat de l’emploi qui s’est repris durant l’été.

France: déclarations d'embauches sur contrats longs

Les prochains rendez-vous

  • Le gouvernement a présenté son projet de budget pour 2019 le 24 septembre. Les hypothèses économiques sous-jacentes (PIB réel à +1.7%, inflation à +1.4%) sont raisonnables, sinon même un peu conservatrices. D’ici la fin de l’année, l’essentiel de l’agenda législatif portera sur la discussion budgétaire.
  • L’autre chantier législatif des prochains mois est la loi PACTE sur les entreprises qui, après  plusieurs reports au printemps dernier, a finalement été présentée. Le projet de loi est touffu car il réunit de multiples mesures dont le seul point commun est de simplifier diverses contraintes administratives.

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