France: toujours sous une bonne étoile (ou deux)?

Bruno Cavalier, ODDO BHF

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La croissance française fait jeu égal avec celle des autres pays du G7. Changement notable avec le passé récent.

Après un premier semestre 2018 où l’activité a été en demi-teinte et où l’agenda des réformes n’a pas avancé aussi vite qu’annoncé par le gouvernement, nous examinons les perspectives et les risques de l’économie française. L’élection de Macron a fait disparaître d’un coup le risque de Frexit. A la place est né l’espoir qu’on allait enfin s’attaquer sérieusement aux problèmes d’emploi, de fiscalité, d’éducation. Cette direction suit son cours. Les tentatives d’obstruction par les syndicats ont échoué. L’opinion publique est partagée, mais pas majoritairement hostile pour l’instant. Les réformes qui restent à faire, au sujet des retraites ou des dépenses publiques par exemple, sont les plus difficiles à réussir.

Situation économique

Comme dans la plupart des autres pays d’Europe, l’activité a ralenti en France au premier semestre et le climat des affaires s’est tassé depuis un haut niveau. Une fois pris en compte ces résultats décevants, les prévisions de croissance du PIB réel ont été rabotées. En trois mois, la prévision moyenne a été réduite de 0,3 point à 1,8% pour 2018 et se maintiendrait dans ces eaux-là en 2019. Il n’y a pas si longtemps, de telles perspectives auraient été jugées bonnes. Par ailleurs, la croissance française fait jeu égal avec celle des autres pays du G7, ce qui est un changement notable avec le passé récent. Durant le quinquennat de François Hollande, la France avait accumulé un retard de croissance de 0.7 point par an vis-à-vis de ses pairs. 

La balance des risques opère un partage assez net
entre la demande domestique et la demande extérieure.

En tout état de cause, il n’y a pas de remise en cause du schéma de reprise (premier graphique ci-dessous). A l’heure actuelle, la balance des risques opère un partage assez net entre la demande domestique et la demande extérieure. Le moteur interne garde à peu près le même régime que l’an passé. Si certaines mesures fiscales ont pesé sur le revenu disponible au premier trimestre, d’autres vont compenser cela après l’été. Le rebond de l’inflation est avant tout tiré par les prix de l’énergie, donc simplement ponctuel. Dans ces conditions, la fermeté des créations d’emploi est encourageante (second graphique ci-dessous). A l’extérieur, il y a plus de risques. La France n’est certes pas aussi directement exposée que l’Allemagne aux frictions commerciales croissantes avec les Etats-Unis, mais les effets induits des droits de douane vont bien au-delà du seul volume des échanges affectés et se répercutent sur les prix, les chaînes d’approvisionnement, et le moral des entreprises.

France: perspectives de croissance du PIB
France: indice des conditions d’emploi
Sources: Consensus Inc., INSEE, Oddo BHF Securities

 

Agenda de réformes 

Après un premier train de mesures sur le code du travail et la fiscalité, le gouvernement a débuté 2018 avec un programme chargé. Etaient ainsi concernés des domaines aussi divers que le logement, les transports, l’apprentissage, la formation professionnelle, l’activité des entreprises, sans compter d’autres projets sur les institutions. Bref, il semblait que le gouvernement, encouragé par ses premiers succès et souhaitant profiter de l’embellie du cycle économique, allait accélérer les réformes. Ce n’est pas du tout ce qui s’est produit. En réalité, la présentation de la loi sur les entreprises a été différée de plusieurs mois, d’autres dossiers ont été retardés du fait des consultations avec les parties concernées ou dans le cadre du débat parlementaire. 

La grande affaire du premier semestre aura finalement été la réforme de la SNCF dans le but de préparer l’ouverture à la concurrence du transport ferroviaire. Il va sans dire que les handicaps de la France ne se résument pas au fait que l’opérateur national est surendetté et a perdu en efficacité au fil du temps. On peine à voir en quoi ce dossier était si urgent qu’il ait fallu lui donner la priorité sur tous les autres. Par définition, la réforme n’a qu’une portée sectorielle, sans répercussion visible sur les grands équilibres économiques ou financiers. En même temps, certains observateurs – et sans doute le gouvernement lui-même – veulent y voir un symbole important pour la suite de l’agenda. Dans cette affaire, en effet, des syndicats dont la seule doctrine est de défendre becs et ongles des avantages acquis ont perdu la bataille de l’opinion, à la différence de ce qui s’était passé dans les longues grèves de 1995. 

En majorité, les Français ont approuvé la réforme; ils ont supporté trois mois de grèves sans broncher, le gouvernement n’a pas reculé, la loi a été votée. Selon nous, il est faux de croire que le gouvernement peut répéter l’expérience sur d’autres sujets épineux, comme les dépenses publiques, le rôle de l’Etat, les retraites. Les enquêtes d’opinion montrent que l’adhésion des Français aux réformes doit se juger au cas par cas. Il en va de même de la capacité de dialogue ou de nuisance des syndicats.

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