L'impact de la crise du Coronavirus sur la classe d'actifs du crédit

Didier Saint-Georges, Carmignac

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Même en termes relatifs, l’Europe devait faire nettement mieux qu’elle fait d’habitude dans les périodes de reprise.

Contexte macro et situation des marchés

Il est visible que l’économie globalement rebondit, ce qui ne constitue pas une surprise considérable après trois mois où la moitié de l’activité économique mondiale avait été mis en coma artificiel. Phénomène de consommation de soulagement, reconstitution des stocks, taux d’épargne excessif, et bien-sûr soutien monétaire et budgétaire. De ce point de vue, même en termes relatifs l’Europe cette fois-ci devait faire nettement mieux qu’elle fait d’habitude dans les périodes de reprise.

La question est de savoir si cette reprise en V sera rapidement tronquée, et c’est notre crainte.

  • L’épargne de précaution devrait rester relativement élevée, en conséquence d’une hystérésis de la crise, principalement une incertitude quant l’emploi, et des schémas de consommation qui ne reviendront pas à la normale tant que la perception du risque d’infection sera encore présente.
  • Les tendances déflationnistes qui prévalaient avant la crise vont plutôt se renforcer (les marges des entreprises étaient déjà sous pression, et les niveaux de dette ont bien-sûr encore augmenté).
  • La forme de la reprise en Chine pour l’instant oriente aussi vers ce scénario.
  • Le Congrès américain va devoir de nouveau s’accorder sur un plan de soutien budgétaire supplémentaire, d’au moins 1tr de dollars pour éviter une «falaise fiscale» au T3.

Les marchés se sont ajustés au manque de visibilité à moyen terme en raccourcissant considérablement leur horizon d’investissement. Pour l’instant ils se focalisent sur la rouverture des économies, ce qui explique le mouvement de rattrapage des secteurs cycliques, mais aussi la fragilité des marchés.

La situation aux Etats-Unis

La gestion de la crise sanitaire, le choc économique et la tension sur les questions d’inégalités et les questions raciales sont de sérieux obstacles pour le candidat Présidentiel Trump. Les paris sur le résultat des élections se sont clairement retournés depuis le mois d’avril. Selon les plus récents sondages, l’avance de Joe Biden dans les Etats clé (les «swing States») est aujourd’hui suffisante pour qu’il lui suffise de remporter la Floride pour être élu. Il peut donc concentrer sa campagne électorale. Trump doit à ce stade remporter au moins quatre des «swing States» pour l’emporter. Tout-à-fait possible bien-sûr mais clairement une difficulté plus grande que pour son concurrent.

Comme toujours, l’impact de l’élection d’un Président américain dépend aussi du résultat des élections au Congrès et au Sénat. Le Congrès semble acquis aux Démocrates mais l’évolution peut-être la plus importante dans les derniers sondages concerne le Sénat, qui semblait acquis aux Républicains, et qui aujourd’hui apparait extrêmement disputé. Une majorité Démocrate dans les deux chambres permettrait au Président élu d’appliquer son programme économique, qui en l’état reviendrait sur environ la moitié des baisses d’impôts de l’ère Trump : par exemple remontée du taux marginal de l’impôt sur le revenu de 37% à 39,6%, taux progressif sur les plus-values de 21 à 28%, taux d’imposition sur les sociétés relevé de 21 à 28%. Mais le programme de Joe Biden prévoit aussi une augmentation des dépenses d’infrastructure, un effort significatif sur l’environnement (les Etats-Unis probablement reviendraient dans l’accord de Paris sur le climat), une ligne toujours dure à l’égard de la Chine, mais beaucoup plus favorable à l’égard de l’Europe. En ce sens, il est probablement justifié de considérer que l’élection de Joe Biden serait probablement mieux ressentie sur les marchés européens qu’ailleurs.

L’un des risques économiques pour les Etats-Unis est que, en attendant que toutes ces incertitudes soient levées, les entreprises, et en particulier les PME reportent leurs décisions de recrutement et d’investissement.

Le rebond de l’activité Chinoise et l’avenir de la guerre commerciale

La reprise économique en Chine se poursuit mais toujours à un rythme globalement modeste. Schématiquement, la production industrielle, l’immobilier, et les infrastructures suivent une reprise en V, l’investissement privé plutôt une reprise en U, et la consommation une «reprise» en L.

La Chine stimule son économie, mais on est loin de ce qu’elle avait fait en 2009, et même loin de ce qui est fait en Occident, dont les pays font eux beaucoup plus qu’en 2009. Ce qui est fait en Chine risque de ne pas suffire à éviter une hausse continue du sous-emploi. La politique monétaire demeurant elle-même trop resserrée par peur de sorties de capitaux et d’un affaiblissement excessif du RMB, il nous semble que la Chine n’aura pas d’autre choix que de lancer un nouveau stimulus budgétaire.

Une évolution inquiétante serait que la Chine et les Etats-Unis s’engagent plus avant dans une rivalité idéologique, et que côté Chinois, Xi Jinping soit davantage poussé par ses ambitions géopolitiques que par la gestion économique de la crise.

Les mesures de relance en Europe

Par construction, une crise économique a un effet multiplicateur sur le risque de solvabilité des pays les plus fragiles. Par conséquent, le risque était très concret que les spreads souverains s’écartent de plus en plus, parce que la divergence de croissance au sein de la zone euro allait s’exacerber. En plus la Cour constitutionnelle allemande mettait beaucoup de pression sur la Chancelière allemande pour qu’elle choisisse son camp à l’égard de la zone Euro.

Le projet de budget présenté par la Commission Européenne va inévitablement être l’objet d’intense négociations, mais il semble bien que cette fois il devienne réalité en tant que premier acte de mutualisation budgétaire entre Bruxelles et les pays membres. Il ne faut pas sous-estimer la dimension littéralement historique de progrès.  Il demeure que sa mise en œuvre n’interviendra pas avant l’année prochaine, et en attendant la BCE continue de constituer le premier soutien des pays les plus fragiles.

Qu’attendre des banques centrales dans les prochains mois

En zone euro, la BCE n’avait pas d’autre choix que d’augmenter la taille et la durée du PEPP, tant que le relai budgétaire européen n’est pas rentré en action. Les marchés se sont vite ajustés à cet engagement.

Aux Etats-Unis, la situation est un peu différente. Jay Powell, a bien indiqué que la réduction très rapide du volume d’achats d’actifs allait maintenant se stabiliser. Mais le point plus important est que l’élargissement des achats aux obligations privées va maintenant véritablement commencer. Donc le soutien demeure important. Il reste que dans les prochaines semaines, c’est du Congrès américain que devrait venir la prochaine décision importante de stimulus supplémentaire.  

Carmignac

La bonne performance des fonds Carmignac a profité de notre expérience des crises de marché précédentes

  • Compréhension de la nature des propagations exponentielles (faillites dans un secteur bancaire très interconnecté en 2008, propagation épidémique en 2020)
  • Compréhension que, alors que les Etats et les systèmes sanitaires n’étaient pas préparés à gérer une pandémie, les banques centrales et gouvernements étaient parfaitement préparés à gérer une crise de marchés.
  • Cette crise renforce la tendance déflationniste préalable de «japonisation» globale et favorise encore davantage l’avantage compétitif des entreprises de croissance de grande qualité.

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