Le syndrome du génie incompris

Axel Botte, Ostrum AM

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L’escalade tarifaire de Trump secoue les marchés, renforce le ralentissement et pousse les investisseurs vers les taux.

 

Les marchés d’actions ont capitulé au profit des marchés de taux après les tarifs tous azimuts annoncés par Donald Trump. Le T-note plonge sous 4% retrouvant ainsi son statut de valeur refuge au détriment de l’or. Les premiers signes tangibles d’un ralentissement apparaissent sur le marché du travail aux Etats-Unis.

La brutalité des hausses de droits de douane imposées à tous les pays du globe a provoqué une tempête financière mondiale. L’administration Trump entend corriger les déséquilibres commerciaux bilatéraux en imposant des taxes proportionnelles à chacun de ses déficits. Or, le déficit extérieur chronique des Etats-Unis est principalement le reflet du rôle central de la demande interne américaine dans l’économie mondiale et de l’absence de production domestique substituable aux importations. Outre l’impact direct des tarifs sur les prix à la consommation, cette taxation des importateurs recréera les perturbations sur les chaines d’approvisionnement apparues durant le covid. Le commerce mondial va probablement se contracter. Le scénario de récession gagne en probabilité surtout si la faiblesse des marchés entraine un credit crunch. La qualité de crédit des ménages se dégrade déjà, de sorte que le consommateur est sur une ligne de crête. L’amélioration des enquêtes en Europe ou en Chine passe presque inaperçue. Les mesures de rétorsion canadiennes et chinoises s’ajoutent à cette dynamique délétère. La Chine réplique à hauteur des tarifs américains tout en prenant des mesures d’embargo sur ses exportations et les entreprises américaines. L’escalade est enclenchée, jusqu’à faire plier Donald Trump? Sur le front de l’emploi, les postes à pourvoir décélèrent et le taux d’embauche poursuit sa modération. Les créations d’emplois ressortent pourtant à 228’000 en mars. Les annonces de plans de licenciements s’accumulent dans le secteur public ou dans le secteur de la distribution, pris en étau entre les tarifs douaniers et la chute de la confiance des ménages, mais ces secteurs augmentent les effectifs. La santé crée encore 77’000 emplois.

Tarifs, récession et ruée vers les actifs refuges

Les séances de liquidation s’enchainent sur l’ensemble des marchés d’actifs risqués. L’indice VIX de volatilité implicite retouche le niveau de 40%, signe d’un stress aigu sur les marchés. La sous-performance des actions américaines se généralise au cours de la semaine avec des performances de -9% sur le Nikkei et de -8% en Europe. Les valeurs bancaires européennes, en nette surperformance depuis le début de l’année, sont désormais sujettes aux prises de profit. Le T-note à 10 ans casse le plancher de 4% à mesure que les marchés intègrent une plus forte réaction de la Fed. Les marchés monétaires projettent désormais 100pb d’allègement en 2025. Il est possible que le marché spécule sur une intervention d’urgence si les conditions financières rendent plus probable un effondrement d’activité. Concernant la BCE, les anticipations des intervenants indiquent une baisse supplémentaire du taux de dépôt à 1,75% voire 1,50%. Le Bund revient autour de 2,50%, sans préjudice aux spreads souverains dont l’écartement reste très mesuré. Le risque politique français rajoute à peine 1pb au mouvement haussier des spreads. Le BTP s’échange à 115pb. Les spreads de crédit et, plus encore le high yield, subissent la baisse des actions. L’investment grade s’écarte d’une dizaine depb à 95pb contre swap. La hausse des spreads sur le high yield américain (+100pb en 2025) n’est probablement pas terminée, compte tenu des niveaux de valorisation voire du besoin de refinancement l’an prochain.

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