Investissements climatiques: 2024, sous le signe d’Hélios ou d’Eole?

Raphaël Gilliéron, BCV

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Dans le royaume des énergies renouvelables des dynamiques très différentes règnent entre les maîtres du vent et du soleil.

Au cours d’une année 2023 marquée par la poursuite de la hausse des taux des grandes banques centrales, les thématiques liées à la décarbonation ont connu une trajectoire boursière qui les a amenées aux portes du royaume d’Hadès. Cette descente aux enfers se lit dans les baisses des ETF représentant les trends séculaires que sont les énergies éoliennes et solaires. Des reculs de respectivement 40% et 22% à fin octobre, leur plus bas de l’année. Sur fond de nouvelles économiques encourageantes et d’attentes de détentes des taux, ces thématiques ont rebondi avant de fléchir à nouveau au passage de la nouvelle année.

2024 sur le mont Olympe?

En 2023, l’afflux d’investissements dans la transition énergétique globale a atteint un niveau sans précédent de 1770 milliards de dollars. Cette année devrait continuer à s’inscrire dans cette veine avec notamment la construction d’un nombre record d’installations éoliennes et solaires. A titre d’exemple, Bloomberg prédit une hausse mondiale des capacités éoliennes de l’ordre de 11% par rapport à 2023 ou de 115 GW. Une progression emmenée par les installations offshores qui devraient croître de 72% grâce au commissionnement de grands projets aux Etats-Unis et en Chine. Côté solaire, une hausse de pas moins de 25% est attendue, avec une capacité installée supplémentaire qui devrait avoisiner 513 GW. Grâce à la flexibilité qu’offrent les modules solaires, c’est Hélios qui devrait prendre l’avantage des chiffres, tant en termes de croissance que de valeur absolue.

Sur le marché des producteurs de modules solaires, une sélection méticuleuse des titres pèsera de tout son poids pour qui souhaite éviter de se brûler les ailes.

Pressions différentes

Dans ces deux marchés attendus en forte croissance en 2024, tous les acteurs y gravitant ne sont pas logés à la même enseigne. De grandes disparités émergent tant sur le plan intrasectoriel qu’intersectoriel. Les dynamiques sur le coût des équipements sont notamment très différentes avec des producteurs de modules solaires sous pression quand les producteurs d’éoliennes cherchent plutôt à protéger leurs marges. Une différence qui s’explique notamment par la forte exportation des modules solaires chinois alors que les éoliennes chinoises sont dédiées presque exclusivement au marché local et influencent ainsi peu les prix internationaux.

Gare à Icare

Pour les producteurs de modules solaires, l’exercice 2024 s’annonce à nouveau compliqué. Après être passés de 0,24 à 0,12 dollar par watt en 2023, les prix moyens des modules devraient continuer de baisser sous la pression industrielle de l’Empire du Milieu. Plusieurs fabricants seront par conséquent obligés de vendre à perte et même de remettre en question la poursuite de leur activité.

C’est ici qu’une sélection méticuleuse des titres pèsera de tout son poids pour qui souhaite éviter de se brûler les ailes. S’il tient tout de même à garder une exposition solaire, l’investisseur pourrait envisager de se tourner vers des producteurs de matériel auxiliaire, comme le verre, l’enveloppe ou encore le cadre des panneaux. En effet, les experts prévoient que ces pans de l’industrie devraient réussir à maintenir des marges à deux chiffres en raison de barrières à l’entrée plus grandes, ce qui les protège d’un afflux de concurrents.

Les auspices d’Éole

Dans l’éolien, les producteurs occidentaux de turbines sont moins mis sous pression par leurs concurrents asiatiques que les fabricants de panneaux solaires. En effet, la majorité de la production chinoise est installée sur le marché domestique. Par ailleurs, avant la crise sanitaire, les fabricants avaient connu une contraction de leur marge en raison d’un nouveau système de mise aux enchères pour l’attribution des projets visant à récolter les fruits du travail d’Eole, ceci que ce soit sur le marché européen ou sur le marché américain. Ce système a contribué à une diminution des prix. La pression sur les marges a été amplifiée par les perturbations des chaînes d’approvisionnement et la hausse des prix des matières premières constatées depuis 2020. Ces dernières années, pour préserver leurs marges, les producteurs se sont résolus à augmenter leurs prix graduellement d’une ampleur moyenne totale de 24%. Au fur et à mesure que les entreprises concrétiseront leur carnet d’ordres, elles exécuteront des commandes à un prix plus élevé tout en profitant de la légère détente sur les coûts de production ce qui soulagera les marges, qui demeureront toutefois modestes. Modestes, mais positives, contrairement au solaire qui souffre même en Chine.

Pour s’y retrouver

Les énergies renouvelables devraient encore une fois occuper le devant de la scène en 2024 avec, sauf grande surprise, de nouvelles installations records, mais avec, aussi, des marges toujours sous pression. Toute baisse des taux devrait par ailleurs leur être favorable, réduisant leurs coûts de financement. Dans ce labyrinthe, l’investisseur doit suivre le bon fil d’Ariane pour se frayer un chemin à travers la multitude d’entreprises cotées actives dans la confection d’équipements pour les énergies renouvelables ainsi que dans le dédale des facteurs impactant les dynamiques de ces domaines. L’assainissement de la production chinoise, aujourd’hui en surcapacité, devrait constituer un bon repère, tout comme l’évolution de l’approche politique des soutiens à la transition énergétique.

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