Le marché solaire résidentiel aux USA, comme la phase croissante de la lune

Raphaël Gilliéron, BCV

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La production solaire résidentielle américaine est en ébullition, possède un potentiel de rattrapage, mais le chemin à parcourir reste important.

Sur fond d’incertitudes économiques, et ce depuis l’arrivée des beaux jours, le prix du polysilicium, un composant essentiel à la fabrication des panneaux solaires, fond comme neige au soleil. Il atteint USD 7,8/kg en juin, en baisse de près de 48% depuis mai. Cette chute se répercute sur le coût final des panneaux avec des prix à leur plus bas historique. Ceci pourrait donner un autre souffle à un marché solaire résidentiel américain, certes en forte croissance, mais également en proie à des changements fondamentaux. (Bloomberg 2023)

Marché solaire en ébullition

Pour un investisseur s’intéressant à la transition énergétique, le solaire représente une thématique incontournable. En effet, ce secteur possède un rythme de croissance supérieur aux autres d’énergies renouvelables. En 2022, le solaire a vu ses capacités installées croître de 23,1% dans le monde, contre 15,2% pour l’énergie éolienne et 3,4% pour l’énergie hydraulique.

Les stars des panneaux

Cette croissance est principalement entraînée par les trois titans que sont la Chine, l’Europe et les États-Unis. À eux seuls, ils cumulent à fin 2022 plus de 700 gigawatts (GW) de capacités installées, soit près de 70% de la capacité solaire mondiale. Il est intéressant de noter que la pénétration – représentée par le nombre de watts installés par habitant – varie drastiquement d’une région à l’autre. Là, où l’Europe possède une capacité de 400 W/habitant, la Chine en a presque la moitié moins avec 217 W/habitant. Les États-Unis se trouvent à mi-chemin avec 289 W/habitant, ce qui montre le potentiel de rattrapage du Nouveau Monde vis-à-vis de l’Ancien. (IRENA, 2023)

Les États-Unis sous la loupe

Pour rappel, on distingue deux catégories sur le marché de l’installation solaire: les installations résidentielles et les installations commerciales. Les premières sont installées principalement sur les toits d’habitations individuelles ou d’immeubles résidentiels. La production est grandement dédiée à la consommation des ménages, le surplus étant réinjecté dans le réseau moyennant un émolument des fournisseurs d’électricité. Les installations commerciales ou fermes solaires sont, elles, comparables à des champs de tournesols, avec des rangées de panneaux qui pivotent au gré de l’orientation des rayons solaires. Si une installation résidentielle possède une capacité moyenne de production de 2 à 5 kilowatts (kW), une installation commerciale, comme celle de Solar Star en Californie, produit l’équivalent de la consommation de 255'000 ménages (SunPower, 2016).

La volonté politique, le coût des matières premières, la pression sur les prix et la structure du marché semblent autant d’étoiles alignées pouvant contrer les effets des quelques nuages qui rôdent.

La taille de leur marché respectif varie également énormément. À fin 2022 aux États-Unis, environ 15 GW d’installations résidentielles étaient en activité contre plus de 80 GW commerciales. Cette disparité apparente se réduit, puisque sur les 18 GW de panneaux installés l’année passée, environ deux tiers sont d’origine résidentielle. (SEIA, 2023)

Au vu de ce fort rattrapage, c’est donc le segment résidentiel qui semble le plus attractif et sur lequel nous allons nous attarder.

De la Terre au soleil

Le marché du solaire résidentiel américain connaît non seulement une forte croissance, mais possède également un potentiel largement sous-exploité. Le faible nombre de watts installés par habitant s’explique ainsi grandement par le petit nombre d’habitations équipées de panneaux solaires. À travers les États-Unis, seulement 4% du parc immobilier résidentiel en est pourvu. Bien entendu, les chiffres varient fortement selon les États. Après Hawaii, où 30% des habitations possèdent une installation solaire, c’est la Californie qui tire son épingle du jeu avec près de 18% de taux de pénétration. A contrario, dans les États du Midwest le solaire n’a vraiment pas le vent en poupe. Cela dit, d’ici 2032, la construction de plus de 12 millions d’installations est prévue. (Sunrun, 2023)

Le nuage NEM 3.0

La Californie possède donc une avance considérable grâce, en plus d’un climat propice, à une volonté politique de développer cette énergie renouvelable. Depuis 2020, toute nouvelle construction doit comprendre des panneaux solaires.

En revanche, depuis le 15 avril 2023, le ciel s’est quelque peu couvert sur l’Ouest américain. Le nuage se nomme Net Energy Metering 3.0 ou NEM 3.0. Ce programme régit le montant auquel l’énergie injectée dans le réseau par les installations solaires est rétribuée. Depuis mi-avril, ce montant a été réduit en moyenne de 75%. NEM 3.0 vise à combler le fossé existant entre les périodes de production d’énergie solaire – en cours de journée – et les périodes de pointe de consommation – matin et soir. La Californie veut ainsi promouvoir l’installation de batteries dans chaque habitation et augmenter la part d’autoconsommation de l’énergie solaire. (CPUC, 2022)

L’IRA ou le rayon d’espoir

Le solaire peut en revanche bénéficier du Inflation Reduction Act ou IRA. Cet acte publié par l’administration américaine en août 2022 prévoit des mesures visant à freiner l’inflation grandissante aux États-Unis et à dynamiser la production d’énergie renouvelable domestique. Dans la catégorie du solaire résidentiel, cela se traduit principalement par le Solar Investment Tax Credit qui permet au propriétaire d’une installation solaire mise en service dès 2022 de déduire 30% des coûts sur sa déclaration d’impôts. Ce crédit d’impôt persistera jusqu’à fin 2032, puis devrait s’estomper graduellement avant de s’éteindre en 2035. (UC, 2023)

Factures loin du zénith

Le prix de l’électricité fournie par les entreprises de services à la collectivité ne cesse de progresser. En effet, l’augmentation annuelle des tarifs attendue pour les trois prochaines années est de l’ordre de 20%, et ce, au-delà de l’évolution du prix du baril de pétrole.

Grâce à la baisse structurelle des coûts d’installation et au prix de l’électricité en hausse, ceux qui optent pour un système solaire «maison» continuent à se voir offrir une facture d’électricité plus basse.

Constellation du marché résidentiel

Pour l’investisseur, la configuration du marché de l’installation solaire aux États-Unis recèle des caractéristiques intéressantes. D’un côté, 55% du marché sont servis par des milliers de petits installateurs solaires indépendants alors que, de l’autre, 45% dépendent de quatre entreprises cotées, à savoir Sunnova, Sunrun, SunPower et Tesla. Ces dernières ont tendance à intégrer des équipes d’installateurs ou à signer avec eux des partenariats, ce qui leur permet d’augmenter leur poids dans le marché. Le solaire résidentiel américain se rapproche d’une forme d’oligopole, qui, avec ses barrières à l’entrée, protège les acteurs existants et réduit le risque de nouveaux arrivants.

Alignement d’étoiles

Ainsi, s’intéresser au marché de la production solaire résidentielle aux États-Unis revient à analyser sa forte croissance, mais aussi le chemin qu’il lui reste à parcourir pour exploiter son potentiel. Bien entendu, le domaine ne se résume pas uniquement à la niche de l’installation. L’investisseur qui s’intéresse à cette forte tendance peut explorer d’autres secteurs adjacents tels que les batteries ou la production de panneaux solaires. La volonté politique, le coût des matières premières, la pression sur les prix et la structure du marché semblent autant d’étoiles alignées pouvant contrer les effets des quelques nuages qui rôdent.

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