L’immobilier peut compter sur ses fondamentaux

Philippe Gabella, BCV

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De nombreux indicateurs sont au vert pour les sociétés, fondations et fonds immobiliers. Le marché attend encore des signaux clairs du côté macroéconomique.

Après une année 2022 en rouge très foncé, 2023 espère le vert. Depuis le début de l’année, la tendance est à la stabilisation. L’indice SWIIT (SXI Real Estate Funds Index) a regagné un peu du terrain perdu l’an dernier dans un environnement fort volatil – et qui devrait le rester. À fin mai, l’indice progressait de 1,24% depuis le début de l’année. Le marché hésite entre des fondamentaux solides et un environnement macroéconomique toujours marqué par une inflation persistante et des taux haussiers.

Le marché immobilier suisse reste caractérisé par un déséquilibre persistant entre offre et demande. Alors que l’activité baisse dans la construction, les besoins en logement restent importants, soutenus par l’immigration et un marché de l’emploi tendu. Conséquence: le taux de vacance poursuit son recul, selon les données fournies par les fonds et les sociétés immobilières. Les immeubles à but de rendement perdent quelque peu en intérêt avec la fin des taux négatifs. La progression de leurs prix a ainsi ralenti au premier trimestre, selon les données du CIFI. Cependant, l’impact de la hausse des taux reste limité, même s’il entre peu à peu dans les valorisations. Il est par ailleurs intéressant de noter que l’immobilier commercial continue à bien se tenir, malgré le destin funeste qu’on lui prédisait à la sortie de la pandémie en raison des changements sociétaux attendus, comme le télétravail.

Normalisation des agios

Ainsi – et c’était finalement la bonne nouvelle de 2022 –, l’immobilier indirect peut compter sur des fondamentaux solides en attendant une normalisation de la situation sur le front de l’inflation et des taux. Le recul de quelque 15% de l’indice l’an dernier relevait, en fait, essentiellement d’un désintérêt massif des investisseuses et des investisseurs, réticents, en période de resserrement monétaire, à verser une prime pour acquérir cette classe d’actifs. Après avoir atteint des niveaux stratosphériques à plus de 45%, les agios sont largement passés sous leur moyenne historique (23%) en début d’année à environ 15%.

L’immobilier indirect devrait encore bénéficier d’une longueur d’avance par rapport aux obligations de la Confédération à 10 ans, principaux concurrents de l’immobilier coté dans les portefeuilles.

À cette amélioration des valorisations peut encore s’ajouter, côté bonnes nouvelles, une certaine résistance des valeurs nettes d’inventaires (VNI), qui ne se sont pas effondrées. Comme une majorité de biens immobiliers sont évalués par la méthode du Discounted Cash Flow (DCF), qui estime la valeur actuelle d’un bien en actualisant les flux de liquidités futurs (loyers), la situation aurait pu être délicate puisque la valeur d’un bien baisse alors que les taux montent. Or, les taux d’actualisation se sont montrés compréhensifs.

Dividendes en hausse

Quant aux dividendes, ils devraient avoisiner 3% cette année. Ce printemps, au terme de la saison des résultats des sociétés et fonds immobiliers, ils présentaient une légère tendance à la hausse. Ils peuvent notamment compter sur les relèvements du taux hypothécaire de référence établi par la Confédération – désormais à 1,5% – et donc la possibilité de voir les loyers s’adapter à la progression des taux et du coût de la vie. Actuellement, près d’un bail à loyer sur deux en Suisse est signé sur la base du taux de référence de 1,25% qui prévalait jusqu’au début du mois de juin.

L’immobilier indirect devrait par conséquent encore bénéficier d’une longueur d’avance par rapport aux obligations de la Confédération à 10 ans, principaux concurrents de l’immobilier coté dans les portefeuilles. Les rendements des emprunts de référence suisses évoluaient à fin mai largement sous la barre de 1% au terme d’un mois très volatil. Alors que la fin de ce cycle de taux approche, la progression de ces rendements, qui tendent à fluctuer au gré des anticipations d’inflation et des prévisions conjoncturelles, devrait se stabiliser sous les 2%.

Valse-hésitation

Valorisation plus raisonnable, rendements des emprunts de la Confédération peu concurrentiels, fondamentaux solides, les uns après les autres, les feux passent au vert pour l’immobilier indirect. Or, le marché poursuit sa valse-hésitation. Un coup d’œil au marché primaire confirme la retenue des acteurs. Globalement, le bilan des véhicules ayant procédé à une augmentation de capital s’avère plutôt mitigé cette année, même si, en mai, l’activité a quelque peu repris des couleurs. Il est vrai que le marché a aussi dû compter avec les incertitudes liées à l’annonce de la reprise de Credit Suisse par UBS, rapprochement qui donne naissance à l’acteur le plus important du marché de l’immobilier indirect suisse.

Les fondamentaux du marché immobilier suisse devraient encore contrebalancer les effets de la hausse des taux dans cet environnement incertain. Pour les investisseurs et les investisseuses, une quête de qualité s’impose afin, notamment, d’assurer les revenus. Un coup d’œil aux performances des différents véhicules de placement depuis le début de l’année donne un léger avantage aux fonds immobiliers. Les sociétés immobilières, moins sensibles aux taux, ont perdu leur avance après un mois de mai en fort recul. Au-delà des risques de consolidation ponctuelle du marché, cette classe d’actifs devrait continuer à tirer son épingle du jeu et à tenir son rôle dans un portefeuille diversifié.

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