Investir dans un contexte d’incertitudes élevées

Daniel Jakobovits, Hyposwiss Private Bank

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La diversification hors des Etats-Unis s'est avérée utile pour la partie actions du portefeuille et elle devrait continuer d’apporter une contribution positive.

Nos revues trimestrielles débutent traditionnellement par une analyse des données macroéconomiques publiées au cours de la période précédente. Malheureusement, l'imposition initiale par l'administration américaine, le 2 avril, de droits de douane réciproques beaucoup plus élevés que prévu rend cet exercice inutile. Que faire avec des données qui indiquent une récente amélioration de l'inflation américaine ou une accélération des exportations chinoises?

Les données d'enquête annonçaient déjà un ralentissement de la croissance et une hausse des anticipations inflationnistes, mais les données macroéconomiques «concrètes» ne seront disponibles qu’à partir de juin au plus tôt. A court terme, les investisseurs sont à la merci des fluctuations de l'actualité économique américaine. Les prévisions des entreprises ne devraient pas être d'une grande aide. Dans une certaine mesure, cette faible visibilité rappelle le début de la pandémie.

Les revirements de politique officielle observés ces dernières semaines sont sans précédent.

  • Imposition le 2 avril de droits de douane réciproques beaucoup plus élevés que prévu (composés d'une composante universelle de 10% et de surtaxes individuelles par pays, portant les taux effectifs aux Etats-Unis à environ 25%).
  • Suspension pendant 90 jours des surtaxes individuelles par pays afin de permettre des négociations bilatérales, à l'exception de la Chine, le 9 avril.
  • Augmentation ultérieure des droits de douane sur les produits chinois à des niveaux équivalents à un embargo commercial. Cette mesure a été imitée par la Chine, qui l'a qualifiée de «plaisanterie».
  • Exclusion des composants électroniques des droits de douane bilatéraux imposés à la Chine et annonce d'un droit de douane sectoriel qui sera déterminé et annoncé ultérieurement pour les semi-conducteurs et les équipements connexes.
  • Possibilité d'exemptions des droits de douane sur certaines pièces automobiles afin de donner aux fabricants américains le temps de rapatrier leur production aux Etats-Unis.

Chacun de ces changements, une fois intégré dans les modèles économiques, a des implications très importantes pour la croissance et l'inflation. La dispersion des résultats possibles est actuellement extrêmement large et il est presque impossible de leur attribuer des probabilités. Le nœud du problème repose en partie sur deux questions:

  • Quelles seront les demandes des Etats-Unis dans leurs négociations bilatérales pour réduire/supprimer les droits de douane réciproques?
  • A quoi ressembleront les relations commerciales entre la Chine et les États-Unis une fois que la phase extrême de postures aura pris fin?

Les nouvelles concernant la politique tarifaire, les accords entre pays et les droits de douane sectoriels pourraient aller dans les deux sens. Nous reconnaissons la possibilité d'évolutions positives ou négatives au cours des 60 à 90 prochains jours et estimons qu'il serait imprudent de «parier» dans un sens ou dans l'autre.

Les implications par classes d'actifs

Marché obligataire

Le marché obligataire américain n'a pas réagi comme il l'avait fait lors des crises précédentes. Les rendements à long terme ont augmenté (de 50 points de base pour les bons du Trésor à 10 ans) et les bons du Trésor américain se sont dépréciés par rapport aux taux de swap, indiquant une érosion progressive de leur statut «sans risque». Si cette tendance se maintient, elle sera très préoccupante. Notre position sur le marché obligataire consiste à privilégier les crédits Investment grade à court et moyen terme.

Marché des changes

Sur les marchés des changes, nous assistons à une situation très inhabituelle. Le dollar américain s'affaiblit malgré:

  • son statut historique de «valeur refuge» en période de turbulences,
  • les droits de douane élevés qui, en théorie, devraient contribuer à le renforcer (et l'ont fait sous le premier mandat de Donald Trump),
  • la hausse des rendements obligataires américains, qui devrait également lui servir de soutien.

Tout cela ajoute à la confusion, car des positions qui devraient historiquement fournir une certaine diversification ou des couvertures finissent par ajouter au risque global des portefeuilles. Si ces corrélations se maintiennent, elles indiqueront une réévaluation générale des actifs américains par les investisseurs étrangers. Une telle réévaluation ne peut être contrée par les mesures de la Réserve fédérale américaine, car elle se répercutera sur les comptes de capital. La menace d'une hausse des rendements combinée à un affaiblissement du dollar américain devient une préoccupation réelle pour les investisseurs étrangers sur les marchés obligataires américains.

La position que nous préconisons sur les marchés des changes est une surpondération prudente de la devise de référence et une méfiance à l'égard de l'exposition au dollar américain dans les portefeuilles non libellés en dollars américains.

Actions

En ce qui concerne les actions, nous restons conscients des valorisations (21 fois les bénéfices pour l'ensemble du marché américain sur la base d'hypothèses optimistes en matière de bénéfices) et de la forte volatilité. Cela nous conduit à continuer de préconiser une allocation prudente à horizon de 6 à 12 mois. Il est difficile d'imaginer comment les données macroéconomiques ou les résultats pourraient soutenir le marché au cours des trois prochains mois.

La diversification hors des Etats-Unis s'est avérée utile pour la partie actions du portefeuille, et nous continuons de penser qu'elle devrait apporter une contribution positive.
Or

L'or s'est révélé être une couverture extrêmement efficace pour les portefeuilles dans cette période de turbulences, et nous continuons de penser qu'il devrait jouer ce rôle dans le contexte actuel, marqué par des risques politiques et une probabilité accrue d'un scénario de stagflation temporaire.

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