En examinant la performance des indices en 2024, force est de constater que la performance annuelle provient exclusivement des actifs à risque: les actions et, dans une moindre mesure, le crédit. La composante «pure» des revenus fixes, exprimée par l'indice agrégé américain, affiche un rendement de seulement 1,25% pour l’année écoulée. La décomposition du rendement indique que les investisseurs restent globalement confiants dans la capacité de la Réserve fédérale à contrôler l'inflation à long terme. Ils prennent toutefois note de la résilience de la croissance américaine et réagissent en augmentant les rendements réels requis.
Pour ajouter aux inquiétudes provenant de la performance annuelle de 2024, le rendement total cumulé sur 3 ans et 5 ans est négatif (respectivement -7,05% et - 1,62%). Ceci concerne aussi les investisseurs internationaux puisque le marché obligataire américain exerce son influence sur l’ensemble des marchés obligataires, même ceux dans lesquels les fondamentaux sont plus favorables.
Il ne fait en effet aucun doute que l'ajustement à la politique de taux d'intérêt zéro adoptée pendant la pandémie a été plus long et plus douloureux que prévu pour les investisseurs. Cela a conduit certains à remettre en question le rôle des obligations dans les portefeuilles. Qu’en est-il?
Il semble utile de séparer la réponse à cette question en deux étapes, en réfléchissant d'abord aux fondamentaux des actifs à revenu fixe eux-mêmes, puis au rôle des instruments à revenu fixe dans la construction des portefeuilles.
Les taux courts actuels peuvent être maintenus dans une économie forte et le risque d'un nouveau resserrement ne pourrait se matérialiser que si la Fed s'inquiétait d'une reprise de l'inflation.
En ce qui concerne les fondamentaux de la classe d'actifs elle-même, la prime de risque stratégique offerte par les obligations est attrayante, mais les investisseurs doivent reconnaître les nombreuses incertitudes à venir:
Les taux courts actuels (Fed Funds à 4,50%) ont été qualifiés de restrictifs par la Réserve fédérale. Pour nous, cela signifie qu'ils peuvent être maintenus dans une économie forte et que le risque d'un nouveau resserrement (qui constituerait un renversement de la politique après 0,75 point d'assouplissement dans ce cycle) ne se matérialiserait que si la banque centrale américaine s'inquiétait d'une reprise de l'inflation. Ce risque est actuellement faible, car les composantes de l'inflation qui ne sont pas basées sur les prix du marché (comme le logement) sont encore en train de s'ajuster à la baisse.
La résistance de l'activité économique américaine à des taux plus élevés a été l'une des principales surprises du cycle actuel. Nous n'avons pas observé de signes de ralentissement significatif de l'activité économique dû à des taux plus élevés, même avec des rendements réels élevés. Il reste donc difficile d'annoncer un sommet pour les rendements à long terme.
Une opinion neutre sur les obligations par rapport aux liquidités semble appropriée. Il apparait également que la performance soit plus susceptible de se matérialiser dans un environnement de pentification de la courbe, ce qui nous amène à favoriser la partie intermédiaire de la courbe pour l'exposition à la duration. Nous continuons à voir de la valeur dans les spreads de crédit, mais nous sommes enclins à prendre des bénéfices sur les segments de crédit purs (tels que le haut rendement) en faveur des secteurs ayant une subordination structurelle (tels que les obligations bancaires subordonnées et les dettes hybrides d'entreprise libellés en euros). Nous voyons également de la valeur dans les obligations hypothécaires garanties par l'agence américaine et recommandons d'y accéder par le biais de fonds spécialisés.
Même si, compte tenu des fondamentaux macroéconomiques, les obligations représentent un investissement bénéficiant d’une valorisation correcte, il est difficile d'établir un cas d'investissement dans lequel elles surpasseraient de manière significative les liquidités sur une période de 12 mois. Malgré cela, nous maintenons inchangée notre allocation aux obligations dans les portefeuilles diversifiés. En effet, aux niveaux de rendement actuels, les obligations représentent une protection précieuse contre une faiblesse inattendue de l'activité économique américaine. Les portefeuilles diversifiés contiennent une part importante d'actions qui souffriraient en cas de faiblesse économique inattendue (particulièrement compte tenu des valorisations élevées sur de nombreux segments). Les obligations sont susceptibles de fournir un gain en capital en cas de risque de récession, ce qui permet d’obtenir une diversification bienvenue avec un coût faible.