Gare à la complaisance des marchés

Axel Botte, Ostrum AM

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Le report du Brexit réduit la volatilité. On assiste à des prises de profit sur le Bund et le T-note. Le sentiment de marché s’améliore envers les banques.

©Keystone

La semaine financière s’est achevée par un rebond des taux d’emprunts d’Etats dans un environnement qui reste nettement favorable aux actifs risqués. Les principaux marchés boursiers mondiaux progressent d’environ 0,5% sur la semaine. La volatilité se traite au plus bas depuis fin septembre malgré les volumes étriqués. Les premières publications de résultats aux Etats-Unis sont pourtant sans relief. 

En zone euro, on observe un peu de pentification sur la courbe des taux.

Sur les marchés de taux, le Bund et le T-note subissent des prises de profit. En zone euro, on observe un peu de pentification sur la courbe des taux. Le report du Brexit ramène le Gilt à 10 ans au-delà d’1,20%. Les spreads souverains se compriment à l’instar des financières qui surperforment sur les marchés du crédit. Les valorisations ne cessent de se renchérir sur le high yield européen (367pb contre Bund). L’iTraxx Crossover s’échange sous 250pb, un niveau difficilement concevable au regard de la qualité de crédit intrinsèque de l’indice. La dette émergente en dollars (340pb) est recherchée comme en témoigne l’émission obligataire de 12 milliards de dollars d’Aramco facilitée, il est vrai, par les prix du pétrole élevés. 

L’euro passe 1,13 dollar mais le billet vert est sans tendance globalement. Le yen traite en bas de fourchette vers 112 pour un dollar.

Le graphique de la semaine
Il existe une asymétrie de la volatilité cotée liée à l’aversion pour le risque des investisseurs. Une baisse de la volatilité est généralement associée à une hausse des cours. 
Des contrats à terme permettent de s’exposer sur l’évolution de la volatilité implicite (VIX).  
Le changement de ton de la Fed a provoqué une accumulation de positions vendeuses de volatilité. Cela traduit une certaine complaisance des intervenants face aux risques économiques et financiers. L’épisode de janvier 2018 a semble-t-il été oublié.

 

Le FMI abaisse ses prévisions 

La hausse des marchés financiers depuis le début de l’année est à contrecourant du ralentissement mondial inscrit dans les dernières prévisions du FMI. Selon l’institution internationale, la croissance mondiale sera de 3,3%a cette année avant une inflexion à 3,6%a l’an prochain. L’Europe est la région la plus fragile. La zone euro affichera 1,3%a de croissance en 2019. Cette prévision paraît même optimiste compte tenu des hypothèses du gouvernement allemand tablant désormais sur un maigre 0,5%a outre-Rhin. L’Italie peinera à sortir de la récession. Les projections budgétaires ont été dégradées par le gouvernement Conte. En Chine, la décélération se poursuit vers 6%a à l’horizon de 2021. Le risque protectionniste resurgit avec les nouvelles menaces de Trump centrées sur l’Europe. L’UE répliquera dans des proportions similaires (environ 10 milliards de dollars d’importations visées). L’absence d’avancées concrètes dans les négociations avec la Chine a visiblement provoqué ce revirement du côté américain.  

Les enquêtes américaines du secteur manufacturier restent bien orientées.  

L’espoir est néanmoins permis à la lecture de dernières publications. Les exportations chinoises ont rebondi en mars (+14,2%a en dollars) et l’excédent commercial mensuel atteint de 32 milliards de dollars. Les sorties de capitaux nettes se modèrent grâce au redressement des investissements directs étrangers. L’assouplissement monétaire initié par la PBoC en janvier continue de porter ses fruits. Les nouveaux prêts bancaires s’élèvent à 1620 milliards de yens. Les indicateurs manufacturiers allemands (PMI avancé en avril) seront scrutés en fin de semaine après l’effondrement des commandes rapporté en février. Les enquêtes américaines du secteur restent bien orientées.  

Le S&P proche des sommets historiques 

Sur les marchés financiers, les indices actions ont retrouvé leurs niveaux de fin septembre à quelques points près. Le S&P s’échange au-dessus de 2’900 points. Les rachats d’actions estimés au-delà de 225 milliards de dollars au premier trimestre 2019 sont encouragés par les perspectives de politique monétaire. Regonfler les valorisations boursières aura «coûté» 75pb de hausses de taux et un peu de capital-crédibilité d’une institution sous influence de l’Administration en place. La volatilité a disparu sous l’effet de l’allègement annoncé par la Fed. L’indice VIX cote sous 13%. Les positions vendeuses de volatilité actuelles rappellent les excès de janvier 2018. La saison des résultats s’annonce pourtant difficile. Les bénéfices par actions sont attendus en recul de 3% sur un an. Certes, la communication des entreprises réduit le risque de mauvaises nouvelles mais la trentaine de publications déjà effectuée semble confirmer le coup d’arrêt dans la croissance bénéficiaire.  

La Fed s’apprête déjà à reformuler sa cible d’inflation
pour tenir compte de la faiblesse passée des prix.

Les taux remontent à la marge. Le T-note traite autour de 2,55%, ce qui reflète la hausse hebdomadaire de 5pb des points morts d’inflation. La plupart des indices de prix (importation, production) ont en effet surpris à la hausse en mars. L’IPC se situe à 1,9%a en mars. Cependant, la Fed s’apprête déjà à reformuler sa cible d’inflation pour tenir compte de la faiblesse passée des prix. Un objectif d’inflation moyenne tuerait dans l’œuf toute anticipation de resserrement monétaire. Une position acheteuse reste appropriée sur les Treasuries malgré un portage défavorable. Le spread 10-30a (41pb) conserve un potentiel d’élargissement.  

Surperformance des financières 

En zone euro, le pessimisme conjoncturel n’a d’égal que l’ampleur du rally des actions (+16% en 2019). Le sentiment de marché s’améliore aussi envers l’euro et les secteurs longtemps délaissés comme les banques ou l’automobile. Les bancaires s’apprécient de près de 5% sur la semaine écoulée. Cependant, à l’instar des Etats-Unis, les volumes d’échange restent étroits sur les marchés d’actions en Europe. Les investisseurs étrangers semblent toujours rester à l’écart de la cote européenne. Le timide rebond de l’euro participera peut-être à raviver l’intérêt des non-résidents pour les actifs de la zone euro.  

La baisse des rendements sans risque a stimulé la demande de crédit.

La surperformance des actions financières transparait largement sur les marchés du crédit. L’iTraxx relatif aux dettes financières subordonnées s’échange sous 140pb, soit le niveau le plus serré depuis le printemps 2018. La prime moyenne sur les obligations financières se réduit à 11pb par rapport aux non-financières. La baisse des rendements sans risque a stimulé la demande de crédit. Les flux entrants dans les fonds de crédit IG représentent 2% des actifs sous gestion depuis le début de l’année. Sur le high yield européen, la demande atteint 4% des encours des fonds. Les spreads sur les notations spéculatives se compriment de près de150pb en 2019.  

Les Bonos brièvement sous 100pb 

Sur les marchés d’emprunts souverains, le léger retracement du Bund vers 0,05% est un épiphénomène qui tient davantage à l’éloignement du Brexit qu’à un réel changement de tendance. Le 30 ans allemand est davantage vendu en amont de l’adjudication d’1md € de Bund 2044 cette semaine. Malgré quelques prises de profit, les taux allemands sont bas et vont le rester. Cela pousse les investisseurs à s’exposer aux dettes souveraines périphériques. Le Bono à 10 ans a ainsi brièvement cassé le seuil de 100pb contre Bund. Les obligations portugaises s’échangent autour de 110pb. L’Italie participe aussi au mouvement malgré la dégradation des projections économiques et budgétaires annoncée par le gouvernement Conte. 

Sur les marchés émergents, l’emprunt d’Aramco a attiré une demande estimée à 100 milliards de dollars. Le montant emprunté annoncé à 10 milliards de dollars a été relevé de 2 milliards, ce qui a finalement pesé sur les cours. Les taux et le pétrole soutiennent néanmoins les spreads émergents (340pb) à l’exception de la Turquie.  

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