Confiance en baisse, incertitude en hausse

Chris Iggo, AXA Investment Managers

3 minutes de lecture

Les problèmes de demande constituent la principale menace pour la croissance et les recettes à court terme.

  • L’inflation, un possible durcissement de la politique monétaire, des incertitudes en politique fiscale et une croissance au ralenti plombent les indicateurs de climat. 
  • A cet égard, les problèmes de demande constituent la principale menace pour la croissance et les recettes à court terme. 
  • Cette situation appelle une plus grande prudence. 
  • Au Royaume-Uni, l’économie est prise à la gorge en raison d’une politique de l’offre ratée combinée à une politique monétaire plus stricte. 
Péril en la demeure

Globalement, nous maintenons notre avis selon lequel la principale menace pour les marchés provient des problèmes en termes d’offre et de leurs répercussions sur la croissance et les recettes à court terme. Toutefois, les liquidités restent importantes, et les investisseurs ont de quoi s’acquitter de leur tâche. La mentalité «d’achat à la baisse» (buy on dip) des investisseurs pourrait prendre fin et limiter la tendance baissière. La volatilité est cependant plus élevée, et nous estimons que cela continuera d’être le cas. 

Le contexte macroéconomique n’est plus aussi clair qu’au cours du premier semestre. Les prix à la hausse des matières premières pourraient entraîner une baisse des marges bénéficiaires, avec pour corollaire le risque de devoir corriger à la baisse les prévisions de vente et de bénéfices. Les taux réels augmentent, ce qui n’est pas forcément un signal pour acheter toutes les actions Value. En effet, certaines valeurs industrielles cycliques, qui performaient bien aux quatrième et premier trimestres, ont perdu de leur superbe. Ceux qui déconseillent les instruments à revenu fixe prétendront que les obligations gouvernementales étasuniennes et similaires n’offrent pas de solide garantie avec de tels niveaux de rendement. Nous voyons les choses différemment: si les risques devaient se réaliser, les rendements obligataires pourraient reculer à leur plancher de leur marge de cette année. Il y a également lieu de tenir compte du fait que lorsque les pénuries de stocks se résorberont au cours des trimestres à venir, il pourrait y avoir une offre excédentaire, ce qui alimenterait des craintes de voir resurgir la pression déflationniste, surtout en cas de durcissement de la politique monétaire. 

Davantage de prudence 

Dans l’ensemble, nous considérons que les investisseurs ont moins confiance dans les perspectives macroéconomiques à court terme et envers les décideurs en politique monétaire. Les milieux politiques observent de plus près la Réserve fédérale (Fed), qui va connaître de profonds changements de personnel. De plus, la question du plafond de la dette américaine n’a toujours pas été résolue. La capacité des combustibles fossiles va être limitée si le financement de ce secteur est en recul. Tout indique que nous sommes très loin d’une reprise rapide, qui a été dopée en 2020 par une politique financière généreuse et des liquidités déversées librement. Le fait que la hausse de l’emploi hors agriculture est restée en septembre bien inférieure aux attentes (194’000 à la place des 500’000 attendus par les marchés) est aussi révélateur des tensions actuelles. Dans ces circonstances, une plus grande prudence est de mise pour un certain temps. 

Risque dû aux attentes inflationnistes revues à la baisse 

Ce constat est d’autant plus valable pour le Royaume-Uni. Les problèmes d’offre rencontrés actuellement par l’économie britannique sont, de l’avis du Premier ministre Boris Johnson, dû à la reprise de l’économie mondiale combinée à la transition de l’économie britannique, suite au Brexit, vers un nouveau modèle économique. Un modèle dans lequel la forte immigration ne tire plus les salaires vers le bas, mais favorise une évolution vers une économie hautement qualifiée offrant des salaires élevés. Ce message séduit une partie de l’électorat, mais s’avère douteux sur le plan économique. Il est risqué pour les investisseurs également, car il pourrait conduire à ce que les attentes inflationnistes soient revues à la baisse et à ce que la Banque d’Angleterre commette une erreur politique. 

Inflation plus élevée, pas de hausses de productivité perceptibles 

L’économie britannique est confrontée à un double problème: d’une part, à des difficultés d’approvisionnement et à l’inflation, qui résultent toutes deux de l’évolution globale, d’autre part, à des problèmes liés au Brexit et au grand nombre de citoyennes et citoyens européens qui ne travaillent désormais plus en Grande-Bretagne. La situation est encore plus corsée si l’on considère le manque d’investissements dans la qualification et les conditions de travail difficiles. Il apparaît aussi clairement que les capacités de substitution sont limitées, sinon tous les emplois libérés suite au départ des travailleuses et travailleurs européens seraient rapidement repourvus avec des employées et employés locaux. La conséquence économique la plus probable pour le Royaume-Uni devrait être un manque durable de forces de travail. Il devrait en résulter des interruptions dans la chaîne de fourniture de services et de livraison de marchandises, des hausses des salaires résultant des efforts déployés par les entreprises pour pourvoir les postes vacants et aucune hausse de productivité perceptible. 

Investir en livres sterling n’offre pour l’heure aucune garantie 

Pour le Royaume-Uni, le risque est de voir le durcissement de la politique fiscale et monétaire ainsi que la pénurie d’offre miner la croissance jusqu’en 2022. Avec des rendements de plus de 1% pour les obligations gouvernementales britanniques (Gilts), une dynamique négative est observée sur le marché obligataire, qui est entraînée par des taux d’inflation «break-even» et une attente de taux plus élevés. A un moment donné, la hausse des taux ne sera plus conciliable avec les risques macroéconomiques. Même une dévaluation de la livre sterling est possible si les investisseurs se focalisent sur une économie tournant moins bien et un climat politique délétère. Pour l’heure, la livre est en hausse en raison des risques de taux, ce qui est probablement une réaction, voire un réflexe, à court terme.

A lire aussi...