Taux d’intérêt: un cycle inhabituel

Chris Iggo, AXA Investment Managers

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Sous réserve d’un sans-faute en matière de politique monétaire, les taux resteront très bas, raison pour laquelle les perspectives à moyen terme sont favorables.

  • Les problèmes en matière d’offre devraient encore durer plusieurs mois et soutenir les taux d’inflation. 
  • Sous réserve d’un sans-faute en matière de politique monétaire, les taux resteront très bas, raison pour laquelle les perspectives à moyen terme sont favorables. 
  • Nous évoluons cependant dans un environnement présentant des taux légèrement supérieurs et nous approchons du milieu du cycle actuel, ce qui signifie que des ajustements nuancés du portefeuille semblent justifiés. 
L’inflation pourrait durer 

Il y a comme précédemment consensus quant au caractère temporaire de la hausse de l’inflation observée à l’échelon mondial. Force est toutefois de reconnaître que les économistes, les investisseurs et les décideurs en matière de politique monétaire ont été dans l’ensemble surpris par la vitesse et l’ampleur de cette hausse ainsi que par les troubles y afférents en matière d’offre. Voilà qui prouve à quel point l’économie globalisée est complexe. Le changement de comportement des consommateurs et entreprises va lui aussi influencer encore un certain temps l’offre sur le marché du travail et sur celui des marchandises, de même que le secteur des services. Les pénuries de marchandises de toutes sortes devraient durer encore quelques mois au moins, jusqu’à ce que les entreprises aient rétabli des lignes d’approvisionnement performantes. L’inflation devrait donc elle aussi durer encore un moment. 

Préparons-nous à des taux plus élevés 

En ce qui concerne les marchés financiers, il y a lieu de relever que tout ceci pourrait avoir des répercussions sur les données macroéconomiques et freiner les investisseurs. L’élément le plus problématique pourrait cependant être une erreur en matière de politique monétaire. Les banques centrales pourraient surréagir à la hausse de l’inflation en adoptant rapidement une position plus restrictive. La semaine dernière, tant la Réserve fédérale (Fed) que la Banque d’Angleterre (BoE) ont continué à préparer les marchés à la fin d’une politique monétaire extrêmement généreuse. Le message de la Fed a ainsi clairement indiqué que le tapering allait commencer en novembre déjà. Les achats de 80 milliards de dollars actuellement en obligations du Trésor américain et de 40 milliards par mois en titres couverts par des créances hypothécaires seront alors progressivement réduits. 

Pas de quoi paniquer 

Il n’y a pourtant pas de quoi dramatiser. Les banques centrales vont très vraisemblablement agir de manière responsable. Elles ne proposent pas un retour trop rapide à une «normalité» à long terme, et les marchés ne prennent pas non plus en compte des mesures trop draconiennes. Il est également peu probable que la politique commette l’erreur de laisser l’inflation augmenter trop fortement trop longtemps. Ce qui cause actuellement une certaine inquiétude sur les marchés obligataires, ce sont les attentes revues en ce qui concerne le calendrier des futurs échelonnements des taux, et non leur orientation ou leur ampleur. Considérant ce dont le marché tient compte pour l’instant, la première hausse de taux de la Fed est attendue pour fin 2022. D’après le contrat Fed Fund Futures, le taux directeur ne sera pas avant fin 2023 à 1%. Dans l’ensemble, l’idée centrale est que nous nous dirigeons vers un environnement avec des taux légèrement supérieurs. 

Confiance dans les banques centrales 

Pour le moment, nous allons considérer que les banques centrales vont agir correctement. Une sortie précoce du relâchement quantitatif, suivie de hausses des taux, peut être rapidement rattrapée si l’inflation et la croissance baissent rapidement ou si les marchés financiers réagissent mal. Au vu des inquiétudes liées au niveau d’endettement mondial, ce scénario est tout à fait plausible. Le scénario «laisser courir l’inflation» est par contre improbable si l’on considère la durée pendant laquelle les décideurs en matière de politique monétaire ont attendu une hausse de l’inflation. Ils ont certainement un plan solide pour gérer la situation. 

Ajustements en milieu de cycle 

Les investisseurs devraient tenir compte du fait que ce cycle est inhabituel. Il y a toutefois des schémas typiques, et il semblerait que nous passions d’une phase précoce de reprise à ce qui peut être assimilé au milieu du cycle. La demande n’est pas le problème, mais les capacités disponibles vont être épuisées et cela complique cette fois la situation en raison des difficultés en matière d’offre. Au cours d’un cycle conjoncturel typique, la phase de transition entre la reprise et l’expansion est en règle générale liée à des taux plus élevés, une courbe de rendement plus forte, un plus grand pouvoir pour fixer les prix et une inflation haussière. Pour les investisseurs obligataires, le souci immédiat est plutôt une nouvelle hausse des rendements qu’un écartement des spreads de crédit. En milieu de cycle, les investisseurs en actions préfèrent plutôt les entreprises de qualité affichant une croissance stable à long terme aux entreprises cycliques axées sur l’opérationnel, qui font état de bons résultats dans les premières phases de la reprise. 

Matière à réflexion 

Malgré tout, une éventuelle phase «Risk-off» sur les marchés n’est pas encore exclue – il suffit de se rappeler ce qui s’est passé il y a deux semaines, lorsque l’attention s’est portée sur le marché immobilier chinois et sur une éventuelle onde de choc affectant d’autres secteurs et marchés. Mais en fin de semaine, les rendements sont repartis à la hausse et les actions ont passé la vitesse supérieure. Il semble ainsi que le schéma saisonnier typique de forte volatilité du marché aux alentours de l’équinoxe d’automne ait une fois de plus prévalu. Notre rétrospective trimestrielle des marchés a indiqué, en ce qui concerne les obligations, que les rendements allaient légèrement augmenter compte tenu des perspectives en matière d’inflation et de politique monétaire. 

Le fait que le rendement des obligations du Trésor américain à 10 ans soit de 1,44% est une source supplémentaire d’inquiétude pour nous. Si l’inflation et la Fed étaient les forces motrices, ce rendement devrait probablement être supérieur. Le poids du capital mondial, qui peut s’écouler vers des placements non risqués si la situation devient préoccupante, ne doit pas être sous-estimé. Il se peut que le sursaut de jeudi, qui a entraîné les rendements des obligations du Trésor américain à 1,45%, ceux des obligations fédérales à -0,22% et ceux des emprunts d’Etat du Royaume-Uni (gilts) à 0,96%, ait été légèrement exagéré. 

Moins de risque dans le portefeuille 

Pour diverses raisons, il peut donc être conseillé de réduire le risque dans les portefeuilles. En bref, préparez-vous à un léger changement en matière de taux en 2022, qui marquera le début d’un cycle de durcissement de la politique monétaire. Nous ne nous attendons pas à une forte hausse des rendements obligataires, mais une limitation de la duration pourrait être une stratégie prudente à court terme pour les investisseurs obligataires. Fondamentalement, le soutien offert aux obligations d’entreprises reste élevé, et des facteurs techniques indiquent que les hausses de rendements ne s’étendront vraisemblablement pas sans un choc. Au vu des spreads actuels, les perspectives concernant les rendements globaux pour les crédits sont toutefois limitées, et à moyen terme, un contexte financier légèrement plus tendu pourrait conduire à un écartement des spreads. En ce qui concerne les actions, les stratégies privilégiant la volatilité/qualité basse et la durabilité sont attrayantes en tant qu’investissement central. La croissance va se poursuivre et les bénéfices vont être importants, mais nous atteindrons le sommet de la croissance en 2021.

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