L’été a finalement été (trop) chaud sur les taux longs américains. Le taux des obligations 10 ans est passé de 3,7% à 4,3%. Mais c’est bien le taux réel qui a été le principal facteur explicatif.
Ni trop chaud, ni trop froid: c’est ainsi que l’on peut décrire l’état de l’économie américaine en se référant ainsi au scénario économique dit «boucles d’or». L’été vient avec son moment de pause et de réflexion: qui aurait pu dire ainsi, il y a un an, que la Réserve fédérale (Fed) allait piloter l’atterrissage de l’économie américaine et éviter une récession devenue inévitable? Force est de constater que depuis le début de l’année, l’économie américaine n’en finit pas de surprendre. Pour preuve, les prévisions de croissance du PIB américain pour 2023 étaient proches de zéro en début d’année, pour finalement s’établir aujourd’hui autour de 2%. Nous avions nous-mêmes dès le second trimestre, commencé à revoir nos prévisions à la hausse sans tomber dans l’excès de pessimisme. «La récession qui n’en finira jamais d’arriver» sera peut-être un bestseller l’été prochain.
L’été a finalement été (trop) chaud sur les taux longs américains. Le taux des obligations 10 ans est passé de 3,7% à 4,3% au moment d’écrire ces lignes. Mais c’est bien le taux réel qui a été le principal facteur explicatif. La première phase de remontée de taux était liée au durcissement de la politique monétaire suite aux chocs inflationnistes. Mais cette montée récente des taux réels s’est traduite par une stabilité des anticipations d’inflation oscillant désormais autour de 2,3% (point mort à 10 ans), pendant que les taux nominaux ont poursuivi leur remontée. La Fed a restauré sa crédibilité dans sa lutte contre l’inflation, maintenant un discours de taux qui resteront élevés plus longtemps, le marché repoussant et révisant les premières baisses de taux dans le temps. Une première explication de la remontée des taux longs serait donc liée à la vigueur de l’économie américaine, justifiant un taux réel plus élevé. Une seconde trouve sa source dans la reconstitution d’une prime de terme demandée par les investisseurs: dit autrement, un taux de rémunération plus élevé pour compenser le risque de détenir des obligations d’État à long terme par rapport à des maturités courtes. L’offre (émission du Trésor américain pour financer la dette publique) est en constante dérive: la dette nationale approche les 32’000 milliards de dollars, en hausse de 50% en 5 ans et de 1’500 milliards de dollars depuis l’accord trouvé sur le plafond de la dette en juin.
Plus d’investissements sont requis pour financer les déficits liés à la guerre, la transition énergétique, et supporter la consommation. En face, les investisseurs habituellement acheteurs d’obligations pour investir leurs dollars, se détournent du billet vert. Certains, pour des raisons de diversification, de changement de politique monétaire domestique, d’autres pour des raisons politiques, comprenez devenir moins dépendant des Etats-Unis. Comme toute équation offre/demande, la question sera le point d’équilibre.
Cette question est cruciale pour la gestion de portefeuille. Depuis quelques mois, la corrélation entre le marché actions et obligataire est repassée positive : les actions baissent car les taux remontent (le prix des obligations baissant dans le même temps). Un investisseur ayant acheté une obligation 10 ans US cette année est en performance négative. La performance des fonds diversifiés dis 50-50 en pâtissent, les flux également: 20 milliards d’euros de flux sortants à fin juin selon Morningstar, contre 100 milliards d’euros de flux entrants sur les obligations (principalement à échéances courtes) et monétaires. Pour un client privé, cette volatilité sur les taux longs n’est pas supportable. Pour autant, un point d’équilibre redonnera de l’attractivité aux obligations longues et apportera la diversification nécessaire et donc l’attrait dans les portefeuilles diversifiés.
Au global, nous sommes proches de la neutralité en termes de duration, mais privilégions toujours le portage jusqu’à cinq ans. Nous sommes passés positifs sur les actions au début de l’été et maintenons une vue constructive. Au sein des actions, ce sont les valeurs liées aux énergies renouvelables qui ont passé un été difficile: la hausse des taux longs vient fortement impacter les plans d’investissement à long terme de ces projets, couplée à une inflation des coûts, des changements de réglementation aux Etats-Unis, ou encore des problématiques de défaut sur le stock existant.