«Super Mario» à l’assaut des populismes

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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On attend beaucoup de Mario Draghi… Et peut-être pas seulement en Italie.

Une nouvelle fois dans l’histoire du pays, c’est un technocrate/homme providentiel qui occupe le Palais Chigi, la résidence des Présidents du Conseil Italiens. Déjà surnommé «super Mario» depuis son mandat à la tête de la Banque Centrale Européenne, Mario Draghi a réussi à réunir sur son nom, et sur la composition de son gouvernement, la quasi-unanimité des deux Chambres du Parlement.

Sa principale mission est de préparer un plan de réformes et d’investissements qui rencontrera les conditions énoncées par Bruxelles et ses partenaires européens, pour l’attribution des fonds qui lui sont destinés dans le cadre du Plan de Relance Européen. Avec 200 milliards d’euros promis, l’Italie serait le premier bénéficiaire de cette manne européenne, soit environ 11,5% du PIB nominal estimé du pays pour 20211.

Mario Draghi a attribué les postes les plus importants aux technocrates
les mieux aguerris et les plus dévoués dont il dispose.

Pour cela, il faudra à Mario Draghi non seulement du temps mais l’assurance d’un soutien solide des principales forces politiques et d’influence du pays – représentées directement ou non au Parlement. Le temps lui est d’ores et déjà compté. En principe, le nouveau Premier Ministre dispose de deux ans avant les élections générales de 2023. Entre temps, l’élection présidentielle – au suffrage indirect – l’an prochain, si elle aboutissait à la réélection du Président sortant Mattarella, conforterait sa position et lui apporterait de ce côté l’appui moral dont il aura besoin. Il lui faudra ensuite cimenter l’Union Nationale dont il vient de bénéficier pour sa nomination.

Comme on pouvait s’y attendre, Mario Draghi a attribué les postes les plus importants aux technocrates les mieux aguerris et les plus dévoués dont il dispose. Il peut compter également sur d’importants relais à la Commission Européenne, à commencer par Paolo Gentiloni, le Commissaire européen chargé des affaires économiques.  Mais il également su ménager de subtils arbitrages politiques, conduisant à réserver des sièges aux représentants de principaux partis dont le soutien lui est nécessaire.

Elu sur une promesse et pour une mission – aussi large soit-elle – quand il lui reste à détailler son programme d’action, Mario Draghi, là comme ailleurs, a su imposer ses priorités : s’assurer d’un engagement le plus large possible avant d’énoncer les modalités pour y parvenir. S’il lui reste à faire ses preuves, son discours au Parlement ne laisse en tout cas plus aucun doute sur l’implication européenne de l’Italie. Plus encore peut-être que son prédécesseur, l’autre «super Mario»  Monti en 2011, Mario Draghi bénéficie de l’amorce d’un reflux des partis dits populistes. Déjà la curieuse alliance Lega – 5 étoiles, avait du plomb dans l’aile. Giuseppe Conte, issu de ses rangs, s’en était assez détaché et a su s’imposer comme un véritable leader durant la crise de la Covid-19, tandis que la Lombardie de Matteo Salvini était particulièrement touchée par la pandémie, sans que son représentant n’y fasse la démonstration de sa capacité à gérer la crise.

En affirmant que l’Italie ne peut être sans l’Europe, ni l’Europe sans l’Italie,
le Premier Ministre Italien rappelle la place de son pays dans le concert continental. 

Une étude récente entend faire le point sur l’ascension et peut-être désormais le reflux des partis populistes. Depuis le début des années 2010 environ, leurs traits communs, leurs fondements idéologiques, les corrélations entre leur influence politique, les chocs économiques et l’organisation politique de nos régions, comme leurs réalisations et leur impact sur les économies et les sociétés des pays où ils ont été portés au pouvoir2 sont ainsi remis en perspectives.

Ainsi, l’accession au pouvoir de Mario Draghi marque-t-elle un tournant dans la vie politique italienne qui, je pense, dépassera le cadre de ses frontières. Elle s’inscrit dans la dynamique plus large qu’entend par exemple insuffler Joe Biden à ses alliés, en leur affirmant que «L’Amérique est de retour». Mais une Amérique qui se veut plus pragmatique et soucieuse des plus fragiles. En affirmant que l’Italie ne peut être sans l’Europe, ni l’Europe sans l’Italie, le Premier Ministre Italien rappelle la place de son pays dans le concert continental.  

Alors qu’Angela Merkel s’apprête à quitter son poste et qu’Emmanuel Macron sera bientôt en campagne, c’est au niveau européen que Mario Draghi devra donner toute la mesure de son leadership.

 

1 Selon les dernières prévisions de l’OCDE.
2 «The Political Economy of Populism» Sergei Guriev, Elias Papaioannou, october 13, 2020, dedicated to Roberto Alesina

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