Biden, le grand saut

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Le Président enfin investi a déjà pris son élan. Jusqu’où les marchés le suivront-ils?

Depuis le lancement de sa campagne, Joe Biden a dû franchir bien des obstacles pour en arriver à cette cérémonie d’investiture, qui s’annonce pourtant bien différente des autres. On le sait, celle-ci se tiendra dans une atmosphère pour le moins tendue, alors que la capitale est en état de siège. Elle sera marquée par la volonté d’afficher une union nationale, symbolisée par la présence de ces prédécesseurs Républicains et Démocrates, comme de nombreux Sénateurs de l’opposition, tandis que le Président sortant aura lui déjà gagné son terrain de golf de Mar-a-Lago.

Et c’est pour cela que Joe Biden n’entrera pas à la Maison Blanche sans quelques sérieux atouts. Son équipe gouvernementale déjà constituée a de fortes chances d’être rapidement approuvée grâce à la – courte – majorité dont le parti Démocrate dispose désormais au Sénat. De même, vient-il de présenter un nouveau plan de soutien majeur de quelques 1900 milliards de dollars. Même si, au bout de quelques concessions bien calibrées et sans trop coup férir, le Congrès ne lui en accordait que les deux tiers du montant demandé, le nouveau plan remporte d’ores et déjà les suffrages de ceux qui craignaient l’essoufflement de la conjoncture en ce début d’année.

Les points forts du plan en sont la prolongation des indemnités chômage, au moins jusqu’à l’automne, des fonds d’aide directe aux Etats – ce qui accélèrerait leurs campagnes de vaccination – des subventions aux petites entreprises et une nouvelle et plus généreuse distribution de chèques d’aide directe aux ménages – qui s’ajouteraient aux 600 dollars déjà votés en fin d’année. Il n’est pas sûr que d’autres propositions, comme le relèvement du salaire minimum fédéral à 15 dollars de l’heure, trouvent «preneurs» parmi les parlementaires, mais il est clair que la proposition fera son chemin d’une manière ou d’une autre.

La Chine sort renforcée de la crise et – au regard des chiffres
de son commerce extérieur – peu affectée par la guerre commerciale.

Avec ce plan, le Président peut compter sur le soutien de la Réserve Fédérale. De même, les marchés qui avaient parié sur un plan ambitieux n’en sont guère affectés, et les acquéreurs de dette américaine se bousculent au portillon.

La «lune de miel durera-t-elle»? Disons-le, le Président et son équipe n’ont guère de chances d’éteindre la révolte qui s’est levée, dans une fraction extrême de la population. Au niveau économique, après le plan de soutien, on s’attend à une bataille législative bien plus rude pour faire passer les dépenses d’infrastructures, mais qui inclurait également des hausses d’impôts, promesses en forme de serpent de mer, auxquelles une majorité sénatoriale reste encore allergique.

Pour le nouveau Président c’est peut-être à l’international que se dressent les obstacles les plus ardus. Les attaques de la Présidence précédente, les flottements de la transition et les «prises de gages» de nombreux pays, ont sérieusement savonné la planche diplomatique de l’Amérique. L’Iran a annoncé accélérer son programme d’enrichissement d’uranium, sans laisser de doute sur ses intentions. La Chine sort renforcée de la crise et – au regard des chiffres de son commerce extérieur – peu affectée par la guerre commerciale. A l’offensive sur le terrain de la politique d’influence globale, elle ne désarmera pas.

Pour revenir sur le terrain de l’économie, Joe Biden hérite d’un déficit public qui devrait encore atteindre les trois mille milliards de dollars cette année, tandis que certains s’inquiètent – prématurément encore – d’une résurgence de l’inflation. La perspective de plus de réglementations et d’une fiscalité un peu plus lourde, pourrait bien refroidir quelques ardeurs.

L’Amérique est de retour, elle devrait s’apaiser et s’unir: c’est le sens du discours que prononcera son Président. Les cents prochains jours lui seront chèrement comptés.

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