Chine - UE, un accord pour quoi faire?

Valérie Plagnol, Vision & Perspectives

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Quel bénéfice l’Europe peut-elle vraiment attendre de l’accord sur les investissements avec Pékin?

Que diable L’UE allait-elle faire dans cette galère? C’est à peu près dans ces termes que l’on pourrait décrire l’accueil réservé à l’accord d’investissement signé en toute fin d’année dernière entre la Chine et l’Union Européenne. Fruit de plusieurs années de négociations, il a été présenté comme le point d’orgue de la présidence européenne d’Angela Merkel, et le legs de la Chancelière sortante, autant que le moyen pour la Chine de «briser» l’isolement dans lequel semblaient l’avoir poussé les Etats-Unis.

Les critiques se sont multipliées sur le fond comme sur la forme. L’accord n’irait pas assez loin dans le rééquilibrage des relations entre les deux entités, la Chine n’ayant consenti que de maigres concessions – parfois même comme dans le cas du travail forcé, jugées dérisoires – tandis qu’elle se voit garantir l’accès au marché européen et ouvrir celui de l’énergie dont elle pouvait craindre le bannissement. De son côté, l’Union Européenne se voit reprocher de sacrifier ses principes fondamentaux sur l’autel du commerce, alors que depuis le 30 décembre, la répression s’est intensifiée à Hong Kong et que ses demandes de libération d’opposants récemment condamnés sont restées lettre morte.  D’ailleurs, le Parlement Européen qui doit ratifier l’accord, pourrait bien se saisir de cette question pour rejeter l’ensemble du projet.

Ainsi, à la veille de la prise de fonctions de Joe Biden, la Chine aurait en quelque sorte trouvé le moyen d’enfoncer un coin dans l’Alliance Atlantique, une victoire de plus face à l’Amérique empêtrée dans la pandémie et submergée par une opposition au bord de l’insurrection.

A la lumière de la crise pandémique, comment imaginer
que la Chine se montrera plus transparente et loyale?

Marché de dupes alors, pour une Europe bien trop faible? C’est un fait, la partie d’échecs, ou plutôt de Go qui se joue, semble bien mal engagée du côté occidental. Cet accord est symptomatique de l’état actuel des relations internationales et commerciales mondiales: devenues conflictuelles sur bien des terrains, elles dépassent le cadre purement mercantile.

L’Union Européenne comme la Chine sont des acteurs majeurs du commerce mondial. Selon Eurostat1, en 2018, les échanges extérieurs de biens de l’UE-27 ont représenté un peu plus de 3’900 milliards d’euros, soit 50 milliards de plus que la Chine et 340 milliards de plus que les Etats-Unis – L’UE étant un exportateur net. La Chine est par ailleurs devenue le premier partenaire commercial de l’Union Européenne. C’est dire si elle est incontournable et ne saurait être tenue à l’écart des circuits mondiaux. Par l’accord conclu en décembre – sur la table depuis 2013 - l’Europe entend donc obtenir de la Chine un meilleur accès pour les investissements de ses entreprises dans les secteurs tels que la finance, l’industrie, les télecom et certains services. La Chine s’est par ailleurs engagée à réduire les émissions de gaz à effet de serre, entrant ainsi dans le cadre de la Cop 21. Une promesse de coopération et de rééquilibrage qu’il est sans doute difficile d’ignorer.

Mais ces relations sont teintées d’une méfiance croissante. A la lumière de la crise pandémique, comment imaginer que la Chine se montrera plus transparente et loyale? Et comment concilier les principes de respect des droits humains que l’UE entend faire progresser, avec les nécessités de s’assurer des déboucher commerciaux? La Commission européenne insiste sur l’instauration d’un dialogue arbitral régulier et conserve de toute façon les moyens de mettre en œuvre de manière unilatérale des sanctions en cas de non-respect des engagements pris.  Le marathon du Brexit ne lui confère-t-il pas une certaine crédibilité quant à sa capacité à conduire et maintenir un front uni? L’Europe s’est-elle pour autant éloignée des Etats-Unis? Le triomphalisme de l’Empire du Milieu est certainement prématuré et exagéré. L’Europe a connu d’autres périodes d’escarmouches commerciales avec l’Amérique, elle ne s’en est pas séparée pour autant. Mais les évènements récents font craindre que le nouveau Président soit accaparé par les questions intérieures. Il reviendra pourtant aux deux alliés traditionnels de repenser et de rebatir les relations commerciales internationales, dont les institutions ont été mises à mal par l’Administration Trump.

Le poids croissant de la Chine dans les investissements directs et financiers mondiaux ne peut qu’inciter à retrouver les voies et moyens de relations stratégiques et commerciales plus équilibrées.

Dans ce domaine l’Union européenne a elle aussi des arguments à faire valoir.

 

 

1 «Le commerce international de biens» Eurostat juin 2020

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