La nervosité augmente encore d’un cran hier Downtown Manhattan, l’indice S&P500 (SPX) progresse d’un peu plus de 4% en début de séance pour abandonner 1,57% à la cloche. Même scénario sur le Nasdaq100 (NDX) qui décolle de 4,5% en session mais perd plus de 2% en clôture, on n’avait plus vu un swing de ce genre depuis 1982 et l’attentat de Harald Schumacher sur Patrick Battiston. Retour au 9 avril 2025, c’est aujourd’hui que les droits de douane de Donald Trump deviennent effectifs, avec notamment un charmant 104% sur les produits chinois, mais aussi 31% sur les produits helvétiques. La nervosité n’est pas confinée aux marchés financiers, elle gagne progressivement le camp du président américain. Plusieurs figures républicaines, pourtant proches de Donald Trump, expriment de vives critiques à l’égard de son projet de relancer des droits de douane généralisés. Elles s’inquiètent des conséquences inflationnistes pour les consommateurs et de l’impact sur les relations commerciales avec les alliés. Des sénateurs influents comme Mitch McConnell, John Thune ou John Cornyn rejoignent ainsi des voix conservatrices comme Elon Musk, Gary Cohn ou Ben Shapiro pour dénoncer une approche jugée risquée et désorganisée. Face à ces tensions, un groupe bipartisan au Congrès envisage une législation visant à retirer au président le pouvoir d’imposer unilatéralement des tarifs, afin de rétablir un contrôle parlementaire sur la politique commerciale.
Est-il besoin de mentionner que qui vous savez semble se soucier de cela comme de sa dernière chemise? Cela dit, au sein de la communauté des investisseurs on ne sait plus trop à quel saint se vouer, plus personne ou presque ne semble penser que tout cela se terminera bien, la volatilité repart vers les sommets et même le marché obligataire, d’ordinaire si mature et rationnel, s’emballe hier. Tentons de nous plonger dans ce bazar.
Quatrième séance consécutive de repli hier pour le SPX, qui est de plus en plus proche d’entrer en bear market (20% de baisse depuis le récent top). Les volumes d’échanges sont soutenus mais moindre que lundi, le marché ne parvient pas à défendre les gains du début de séance après que la Maison-Blanche a annoncé que le délai accordé à la Chine pour se rétracter quant à aux 34% de droits de douane imposés aux produits américains a échu. On prend conscience dans les salles de marchés que tout cela est en train de devenir réalité, la pression vendeuse refait surface. Aucun secteur du SPX ne parvient à garder la tête hors de l’eau en fin de journée, le podium des moins pires du jour se compose des financières, des utilities et des industrielles. Les mastodontes de la tech sont ciblés de près, surtout Apple (AAPL -4,98%) et Tesla (TSLA -5,02%), cette dernière a désormais perdu 55% depuis son plus haut, pour fêter ça son CEO/philosophe Elon Musk traite Peter Navarro (le conseiller au commerce de Donald Trump) de crétin, ajoutant que Monsieur Navarro est «bête comme un sac de briques». Cette atmosphère d’une gaieté quasiment primesautière met en lumière les craquelures qui émergent lentement mais surement au sein même du pouvoir à Washington DC. La volatilité reprend de la hauteur, le VIX gagne 11% à 52,33, c’est haut, très haut et ça ouvre la voie à des mouvements de grande ampleur dans toutes les directions. À ce sujet, le rendement du 10 ans US rebondit puissamment hier, il passe de 4,14% à 4,51%, pour revenir à 4,36% en ce moment. Il casse au passage ses moyennes mobiles à 200 et 50 jours. Les ventes massives de bons du Trésor US semblent motivées par une inquiétude croissante autour de la dette américaine, mais aussi par des débouclements de positions d’arbitrage.
Le SPX est encore plus survendu ce matin, une death cross va se produire dans deux ou trois jours, il ne défend pas le niveau de 5'000 points en clôture mais sa tendance haussière entamée en mars 2020 reste intacte. L’indice S&P500 équipondéré (SPW) est également survendu, en revanche il aura droit à une death cross aujourd’hui déjà et a cassé son trend haussier.
Sur le front des monnaies cela bouge aussi beaucoup. Plus grand monde ne semble vouloir détenir de dollar, la paire EUR/USD remonte brusquement, elle traite ce matin à 1,1055, pile dans la zone de 1,1050 – 1,1100, si elle s’en extrait par le haut la tendance baissière de la monnaie unique européenne face au billet vert entamée en 2008 sera interrompue. En parallèle, une grosse bagarre se tient autour du dollar suisse, qui traite à 0,8435 après avoir touché 0,8382. Le niveau de 0,8400 est important, s’il est franchi le prochain support se situe à 0,8333 (bas en séance du 28 décembre 2023), ensuite vous ne voulez même pas savoir…
Résumons: c’est le bazar sur les actions, les obligations et les monnaies. La volatilité est en orbite, hormis les produits structurés il semble judicieux de faire un pas en arrière et de laisser passer la tempête.
À ce propos, gardons en tête les signaux favorables détectés vendredi en fin de séance. Au-delà de la hausse de volatilité et des volumes d’échanges dignes d’une capitulation, le 4 avril 44,5% des actions du SPX avaient un RSI (Relative Strength Index) sur 14 jours inférieur à 30, un niveau considéré comme survendu. Historiquement, lorsque ce pourcentage dépasse 40%, le marché performe très positivement à 6 et 12 mois. Mais à court terme (1 à 2 mois), la performance est souvent mitigée, voire négative. L’analyse montre qu’après ce type de signal, le creux du marché arrive souvent plusieurs semaines voire mois plus tard tandis que les baisses peuvent être encore marquées avant un rebond durable. Les indicateurs internes de marché sont bien souvent utiles, surtout lorsque la situation générale est aussi complexe qu’aujourd’hui. En revanche il faut bien regarder l’histoire boursière avant de tirer des conclusions hâtives. Les signaux envoyés le 4 avril constituent probablement un point de départ pour surveiller le marché, probablement pas un signal d’achat.
Quelques éléments macro avec le moral des petites entreprises (indice NFIB) baisse de 3,3 points en mars, pour atteindre 97,4, un niveau légèrement inférieur à la moyenne des 51 dernières années (98). Le rapport indique que les petites entreprises revoient à la baisse leurs attentes en matière de croissance des ventes, en raison des incertitudes liées à la mise en œuvre de nouvelles priorités politiques. La déclaration de Jamieson Greer, représentant du commerce américain (USTR), devant la commission des finances du Sénat ce matin ne modifie pas la perception générale. Il précise que les négociations sont en cours, mais qu’il n’y a pas de projets d’exemptions ou d’exclusions tarifaires. Austan Goolsbee, de la Fed de Chicago, exprime des inquiétudes face à des tarifs douaniers plus élevés que prévu et à une chute marquée des indicateurs de confiance, tout en rappelant que la Fed adopte une vision à long terme. Mary Daly, de la Fed de San Francisco, déclare que la politique monétaire est actuellement bien positionnée et que la Fed avance prudemment. Elle souligne tout de même son inquiétude concernant l’impact des tarifs sur l’inflation.
L’ancien secrétaire au Trésor Lawrence Summers considère qu’une récession aux États-Unis est probable. Un modèle de JP Morgan montre que les craintes de récession sur les marchés atteignent 79%.
Au menu macro-économique du jour, les minutes de la dernière réunion de la Fed sont attendues à 20h00.
Le groupe Volkswagen a plus que doublé ses livraisons de voitures électriques en Europe au T1 2025, de 74'400 à plus de 150'000. Rheinmetall confirmé sa confiance dans ses objectifs annuels lors de son appel pré-clôture pour le premier trimestre 2025. Microsoft détrône Apple et devient la première capitalisation boursière américaine. TSMC pourrait se voir infliger une amende d'au moins 1 milliard de dollars à la suite de l'enquête américaine, selon Reuters. Par ailleurs, Donald Trump a dit à TSMC qu'il paierait 100% d'impôts s'il ne construisait pas aux États-Unis. Foxconn veut coopérer avec Nissan dans les VE.
Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en baisse, hormis Shanghai (et ses 104% de droits de douane…) qui progresse de 1,31%. Tokyo perd 3,93% à la cloche, Hong Kong monte de 0,63%, Séoul perd 1,74% et le Nifty50 égare 0,4%. Le future SPX recule de 0,4% et l’Europe ouvre en repli de 2,3%. L’or est à nouveau recherché, l’once remonte à 3044 dollars, le pétrole s’enfonce encore un peu plus, à 57,79 dollars le baril de WTI Light Crude.