Wall Street envoie Donald Trump au coin.
Le marché siffle la fin de la récré. Le président des Etats-Unis est rappelé à l’ordre par les principaux indices d’actions qui partent en apnée, tandis que les banques d’affaires de Downtown Manhattan annoncent l’une après l’autre officiellement s’inquiéter d’une récession potentielle en vue. Citigroup a même l’impudence de dégrader les actions américaines et de relever leurs consoeurs chinoises, ça a du s’étrangler ferme à Mar-a-Lago. Donald Trump a envoyé des uppercuts quasiment quotidien au sentiment du marché ces dix derniers jours en annonçant tout et n’importe quoi au sujet des droits de douane qu’il veut imposer au plus grand monde. Ses tergiversations, hésitations, changements de cap et autres diatribes bien souvent gratuites ont instillé le doute dans les esprits du plus grand nombre quant à sa capacité à piloter le bateau USA à bon port. La goutte d’eau qui fait déborder le vase de la patience des investisseurs intervient dimanche, le président donne une interview à Fox News et refuse d’exclure une récession aux Etats-Unis cette année encore, tout en suggérant que des droits de douane supplémentaires pourraient encore être imposés au augmentés. Donald Trump ajoute que l’économie est en période de transition, n’en jetez plus, tout le monde sur les parquets de trading comprend alors qu’il ira au bout de sa logique, quelles que soient les conséquences, notamment économiques et paf le marché…
Les principaux indices d’actions américains accélèrent nettement le rythme de la baisse entamée le 20 février, la pression vendeuse se concentre sur les 7 (bien moins) magnifiques, avec dans le rôle de la locomotive Tesla, qui s’effondre de 15,4% et a désormais perdu 53% depuis son top récent. Plus rien ne semble aller pour Elon Musk, qui est attaqué de toutes parts (son action chute, le réseau X est l’objet d’une cyber attaque massive hier et le pompon du jour, Donald Trump annonce qu’il va acheter une Tesla pour soutenir son ami, pas sûr que ce dernier apprécie, effet inverse garanti). Mais revenons à nos moutons ou plutôt à nos ours, qui prennent solidement les commandes hier soir et envoient les sept magnifiques en bear market officiel (-20% depuis leur top). Le Nasdaq100 (NDX) chute de 3,81%, il casse les 20'000 points, a désormais mis sa moyenne mobile à 200 jours dans le rétroviseur et s’apprête à entrer en territoire survendu, une configuration qui incite bien souvent les acheteurs à revenir dans la danse nous apprend l’histoire boursière. C’est la plus forte baisse journalière subie par l’indice depuis septembre 2022, à l’époque l’affreux Jerome Powell cassait sans vergogne le jouet monétaire des taureaux en leur rappelant que les taux peuvent aussi monter. Juste histoire de dire, hier les 78 magnifiques abandonnent 760 milliards de dollars de capitalisation boursière, ça n’apporte absolument rien au débat mais admettez que ça claque.
L’indice S&P500 (SPX) est exactement dans le même état que son petit grand frère NDX, son podium de la honte se compose hier de la tech, de la consommation discrétionnaire et des services de communication. Les seuls secteurs à garder la tête hors de l’eau à la cloche sont les utilities et l’énergie, une belle journée d’aversion au risque que ce lundi donc, on recherche les actions de valeur, qui progressent de 2% depuis le premier janvier, au détriment de celles de croissance qui ont abandonné près de 10% sur la période. Le breadth est déplorable (SPX 3 – 1 négatif, NDX 25 – 4 négatif), les volumes d’échanges augmentent de 20% et la volatilité se met en orbite. L’indice VIX, qui mesure la volatilité du SPX, décolle de 19% sur la seule séance d’hier et clôture à 27,86. Nous y voici donc enfin dans cette zone 25 – 30, où l’indice de la peur de Wall Street ne se maintient jamais bien longtemps. Oh, il peut tout à fait pousser encore un peu plus haut pour voir si Donald s’y trouve, mais c’est dans le contexte actuel qu’il est toujours bon de se rappeler la philosophie de Warren Buffet, si simple à comprendre et tellement compliquée à appliquer pour le plus grand nombre: «soyez craintifs lorsque les autres sont avides et avides quand les autres sont craintifs».
Les traders ont un adage: «when the VIX is high it is time to buy, when the VIX is low it is time to go». Plus concrètement, le niveau actuel de la volatilité du marché est un appel du pied sans équivoque à ceux qui aiment les produits structurés, les trains ne restent que rarement longtemps en gare rappelons-le.
Les actions mises à part, on reste plutôt calme sur le front des monnaies hier, la paire EUR/USD n’évolue guère, ce qui n’est pas le cas ce matin, le billet vert repart à la baisse, la paire traite à 1,0902, on rappelle le niveau très important à suivre de 1,1050 – 1,1100. L’or se prend pour la Suisse et reste neutre, l’once est figée à 2904 dollars, pendant que le baril de WTI Light Crude continue de fuir et recule à 66,13 dollars. Au chapitre obligataire, on observe sans surprise une chute du rendement du 2 ans US, tandis que le 10 ans recule aussi mais moins, ce matin à 4,19%, prochain niveau de support à suivre 4,10%. Les intervenants achètent la partie courte de la courbe, un comportement typique lorsque les craintes de récession refont surface.
Et pendant ce temps-là, la vieille Europe limite la casse, surtout la Suisse ou le SMI n’égare que 0,48% hier. Les valeurs de la «vieille économie» sont recherchées (Nestlé, Unilever, l’Oréal, Danone, Pernod Ricard notamment). Il est vrai que, Donald Trump ou pas Donald Trump, on ne va tout de même pas cesser de manger, d’aller aux toilettes et de boire un coup, non mais! Eutelsat continue de monopoliser l’attention, hier le titre décolle à nouveau, la firme se prend pour Starlink, son CEO affirme que l’entreprise pourrait fournir 40'000 terminaux à l’Ukraine en quelques mois. Cependant, des experts, comme Hamish Low d’Enders Analysis, estiment que cela prendrait plutôt des années. Eutelsat dispose d’une gamme unique de constellations satellitaires à différentes altitudes, mais ses terminaux, plus grands et encombrants, ne sont pas aussi adaptés que ceux de Starlink, qui sont légers et faciles à utiliser, notamment pour les besoins militaires ukrainiens. Même avec un financement massif des gouvernements européens, Eutelsat aurait du mal à produire suffisamment de terminaux et à lancer de nouveaux satellites. Ses concurrents potentiels, comme Telesat (Canada) et AST SpaceMobile (États-Unis), sont jugés trop petits, tandis que le Projet Kuiper d’Amazon ne sera opérationnel que plus tard cette année. Hier la volatilité implicite de l’action était supérieure à 500, amis gamblers à vos marques…
Retour sur terre avec des Fed Funds qui augmentent significativement leurs attentes de baisses de taux de la Fed cette année, craintes de récession oblige, le hic c’est que le rapport sur l’inflation aux Etats-Unis sera publié cette semaine, c’est à suivre de près, si la hausse du niveau général des prix prend un peu plus forme, le spectre de la stagflation fera de même et Wall Street pourrait bien se remettre à faire les gros yeux à qui vous savez.
Les Verts allemands font une contre-offre lors des négociations sur le plan de Friedrich Merz visant à débloquer des centaines de milliards d'euros pour la défense et les dépenses d'infrastructure. La politique du chancelier en devenir reste donc d'actualité pour l'instant.
Au menu macro-économique du jour, l'enquête JOLTS sur les offres d'emploi aux Etats-Unis sera publiée à 15h00.
Volkswagen vise 5,5 à 6,5% de marge opérationnelle en 2025. Le groupe va par ailleurs produire sa voiture électrique à 20’000 euros au Portugal. Partners Group enregistre une croissance à deux chiffres de ses revenus et de ses bénéfices en 2024. Les principaux actionnaires de Galderma, dont EQT, placent 15 millions d'actions. Oracle perd 3% hors séance après ses trimestriels. Delta Air Lines perd 11% hors séance après ses trimestriels. AT&T prévoit pour le premier trimestre un bénéfice ajusté conforme aux estimations des analystes. Eli Lilly prévoit de lancer un médicament pour la perte de poids sur les marchés émergents cette année.
Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en ordre dispersé. Tokyo perd 0,64% à la cloche, Hong Kong grappille 0,16%, Shanghai prend 0,41%, Séoul rend 1,28% et le Nifty50 traite autour de l’équilibre. Le future SPX récupère 15 tout petits points, le Nasdaq 0,3%, tout cela est bien timide pendant que l’Europe ouvre en hausse de 0,2%.