Gonet: l'actualité des marchés au 11 décembre

Jean Frédéric Nussbaumer, Gonet & Cie

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Dow -0,23%, S&P 500 -0,13%, Nasdaq +0,54%, Russell 2000 +1,08%, Sox -0,04%, Eurostoxx -0,19%, SMI -0,33%.

Wall Street patine, l’hiver approche. Les  marchés continuent d’observer attentivement l’évolution des différents vaccins, ainsi que les discussions bipartisanes aux Etats-Unis, au sujet du plan de relance économique. Hier en début d’après-midi, on prend son café en écoutant Christine Lagarde, qui nous confirme qu’elle est bien sur le pont et ne nous laissera pas tomber, bien au contraire. En parallèle, le Brexit patine lui aussi, mais cela lui a pris dès le 23 juin 2016, on s’y fait avec le temps. En Europe, on s’accorde enfin sur un plan massif de relance et en France les festivités de Noël sont officiellement annulées par le père fouettard Castex, au nom de Qui vous savez. Les volumes d’échanges ralentissent, tout cela sent à plein nez la fin de l’année, les repas en famille et les soirées entre amis. Ce contexte est franchement bizarre. Je ne me souviens pas avoir déjà vu Wall Street aussi déconnectée de Main Street, hormis peut-être lors de l’avènement de la bulle dot-com à la fin des années nonante, bulle dot.com qui se rappelle au bon souvenirs de ceux qui l’ont vécue, avec un marché qui n’a d’yeux que pour les dernières IPOs, j’y reviens.

Le marché donc, qui patine mais laisse tout de même les valeurs technologiques nous montrer une énième fois cette année que 2020 leur appartient. Le Nasdaq100 (NDX) grappille 0,30% avec quelques compagnies qui sortent du lot (CRWD +8%, DDOG +6%, FSLY +6%, & TWLO +7%). Ceci dit, le gagnant du jour est le Russell2000 (RTY), les petites capitalisations restent recherchées. En termes de secteur, l’énergie surperforme nettement, l'indice Bloomberg Commodity Spot montant de 1,3% pour atteindre son plus haut niveau depuis 2014. La corrélation entre le prix du pétrole et le prix des actions dans le secteur de l'énergie s'est effondrée cette année, car la volatilité continue à augmenter, mais elle est bien vivante. Le baril de WTI Light Crude progresse vers le nord et traite légèrement au-dessus de 47 dollars ce matin. Notons que le secteur bancaire européen recule de plus de 2% hier, le secteur apprécie peu les propos de Christine Lagarde, qui indique que la période du TLTRO (Les opérations de refinancement à plus long terme ciblées (targeted longer-term refinancing operations, TLTRO) constituent l’un des instruments non conventionnels de politique monétaire de la BCE. Les TLTRO permettent d’octroyer des prêts à long terme aux banques et de les inciter, ainsi, à accroître leur activité de prêt au profit des entreprises et des consommateurs de la zone euro) pourrait être réduite pour que ce soit «plus challenging» pour les banques de se voir accorder des prêts. De son côté, l’agence Bloomberg en rajoute une couche en indiquant que l’interdiction faite aux banques de payer des dividendes pourrait être prolongée.

Le sentiment du marché semble «perdu dans la traduction». Le dollar recule à nouveau, la paire eur/usd remonte à 1,2157, ce qui devrait être interprété comme un retour de l’appétit au risque. Mais le rendement de l’emprunt US à 10 ans recule aussi et retombe à 0,91%, ce qui peut être compris comme un retour de la recherche de protection. Ceci dit le lancement d’une tranche à 30 ans rencontre une fort belle demande, qui pourrait avoir influencé la partie à 10 ans. Le pétrole qui bondit, c’est rassurant pour le sentiment et l’or qui se replie (malgré la faiblesse du billet vert), c’est un peu pareil, quoi que si le marché était convaincu que l’économie est repartie comme à l’époque, l’or pourrait bien repartir à la hausse, en vue d’un retour potentiel de l’inflation. Disons donc que le sentiment du marché s’améliore quelque peu hier et ce, malgré les statistiques économiques du jour qui ne rassurent franchement pas avec des demandes hebdomadaires d’allocations chômage qui décollent, battent le consensus de loin et mettent en lumière l’impact des différents confinements.

C’est bien connu, Wall Street est une grande amnésique. Avouez que vous savez qui est Dory, le poisson amnésique du «Monde de Nemo». Et bien Wall Street c’est Dory. À la fin des années 1990, la Silicon Valley envoyait toute son armée se faire coter au Nasdaq. Tout le monde y allait. Et il suffisait que la raison sociale de la firme qui se lançait se termine par «.Com» pour que toute la planète finance se rue dessus, se battant corps et âme pour quelques miettes de ce nouveau fleuron que je veux coute que coute mettre dans le portefeuille de mes clients (et le mien aussi). Résultat des courses, les nouveaux darlings de la cote partaient en orbite dès les premières échanges. Tout le monde s’y est fait prendre, analystes compris. Je me souviens d’une star de feu Bear Stearns, qui donnait une conférence un matin à l’hôtel des Bergues de Genève, sur une de ces nouvelles sociétés. Nous étions tous là, buvant ses paroles, et le gars nous dit qu’il valorise les firmes qu’il suit en fonction du nombre de clicks sur leur site internet, et tout le monde d’opiner du chef, nous étions conquis. On connait la suite, atterrissage forcé vers la planète réalité dès le 10 mars 2000, atterrissage qui prit tout de même trois ans à se réaliser, ce fut très long. Et donc ces jours nous avons eu droit à quelques IPOs qui nous rappellent méchamment 1999. Airbnb a démarré sa vie publique hier en décollant de 113%. Un peu plus tôt dans la semaine, c’était le tour de Doordash (qui livre de la nourriture à domicile), dont l’action a décollé de 86%. Sachant que ces deux firmes avaient relevé la fourchette de leurs émissions respectives. Ça laisse songeur, quid de l’analyse fondamentale? le FOMO (Fear Of Missing Out) est-il si puissant que cela? Et les banques d’affaires, comment peuvent-elles valoriser leurs poulains aussi mal? Quoi qu’il en soit, gardons un œil attentif à ce genre de phénomène, le bon sens prévaut toujours à la fin de la partie ne l’oublions pas.

Le 18 décembre approche… Avec le Shutdown! Hier Steven Mnuchin et Nancy Pelosi, ont tous deux fait état de «progrès» dans les négociations, mais un accord reste à conclure, Mme Pelosi restant favorable au plan sénatorial de 908 milliards de dollars. De son côté, le président républicain du Sénat, Mitch McConnell, dont le soutien est essentiel pour voter un nouveau plan, se dit désormais prêt à approuver le plan de 916 milliards de dollars du secrétaire au Trésor, et affirme qu'il faut faire «tout ce que nous pouvons» pour aider l'économie.

De nouvelles mesures de restriction vont empêcher les américains de fêter cette fin d’année comme d’habitude. Le nombre de cas de Covid-19 vient de flamber de 1 million (passant de 14 à 15 millions) en seulement 5 jours, et la Californie du Sud a été placée en confinement depuis lundi. Mercredi, le nombre de morts a dépassé pour la première fois les 3000 en 24h aux Etats-Unis. Le bilan approche désormais les 300’000 morts outre-Atlantique depuis le début de la pandémie, à 290'670, selon l'université américaine Johns Hopkins.

Hier en Europe, les investisseurs écoutent la BCE, qui acte comme prévu une hausse et une prolongation de son programme d'achat d'urgence face à la pandémie (PEPP). Le montant des achats a ainsi été porté de 1350 à 1850 milliards d’euros. Christine Lagarde appelle en outre les Etats à davantage de soutien budgétaire, au moment où s'ouvre un sommet européen de deux jours consacré notamment au futur plan de soutien européen contre le Covid-19. À ce propos, les dirigeants européens approuvent enfin un budget historique de 1’800 milliards d’euros et un plan de relance, mettant ainsi fin à un différend avec la Hongrie et la Pologne. Ces deux pays s'étaient opposés à un mécanisme liant le financement au respect des normes démocratiques. Si le compromis négocié par l'Allemagne offre des garanties quant à la manière dont les nouvelles conditions seront appliquées, la disposition relative à l'État de droit restera en vigueur.

Les négociations du Brexit sont aussi suivies de près par les marchés, alors que le dîner de travail de mercredi soir entre le PM anglais Boris Johnson et la présidente de la CE Ursula von der Leyen n'a pas permis de lever les désaccords. Les deux camps ayant des positions «très éloignées», selon la présidente de la CE, elle et le PM ont fixé à dimanche 13 décembre la date butoir pour conclure un accord commercial post-Brexit. D'ici là, les négociateurs européens et britanniques devaient à nouveau s'entretenir en marge du sommet des 27 à Bruxelles, pour tenter de résoudre les trois dossiers au coeur du désaccord anglo-européen, qui sont la pêche, l'arbitrage des différends commerciaux et les règles de non-concurrence.

Journée calme en termes de statistiques économiques aujourd’hui. Aux Etats-Unis, l'indice de prix à la production (14h30) précèdera l'indice de confiance des consommateurs de l'Université du Michigan pour novembre (16h00).

Morgan Stanley devrait transférer environ 100 milliards d’euros d'actifs de Londres à Francfort, en réponse au Brexit, selon Bloomberg. Zurich Insurance rachète les actifs assurances dommages de MetLife pour 3,9 milliards de dollars. Apple commence à développer son propre modem smartphone, qui pourrait l'émanciper de Qualcomm.  Le comité consultatif de la FDA recommande l'autorisation du vaccin de Pfizer et BionTech contre la Covid-19. NTT émet 1000 milliards de yen d'obligations (9,6 milliards de dollars environ), un record au Japon. Standard Chartered envisage de reprendre le versement de dividendes. Le président de Ferrari, Louis Camilleri, quitte son poste avec effet immédiat, remplacé à titre temporaire par John Elkann, le temps de trouver un successeur.

Cette nuit et ce matin en Asie, les indices traitent en ordre dispersé, Tokyo recule de 0,39% à la cloche, Hong Kong avance de 0,40%, Shanghai perd 0,77% et Séoul progresse de 0,86%. Le future SPX traite à l’équilibre et l’Europe ouvre en léger repli.

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